Par Leila Mazboudi
Nouvelle évolution dans le dossier de l’explosion du port de Beyrouth. Sur fond d’immixtions occidentales flagrantes, américaines et européennes, le juge d’instruction suspendu Tarek al-Bitar est de retour, après plus d’un an d’arrêt, depuis décembre 2021.
Il a déclaré avoir repris l’enquête dans l’explosion du port de Beyrouth, cassant les demandes de réponse présentées par les familles des martyrs de l’explosion et passant outre des décisions décrétées par les tribunaux de cassation qui l’ont destitué de l’enquête en raison de failles juridiques détectées dans son mode de travail, maquée par la politisation et la partialité dans les convocations et les inculpation
Le lundi 23 janvier, il a pris la décision de libérer plusieurs fonctionnaires sur les 17 en lien avec ce dossier : l’ancien directeur des douanes, Shafiq Marei, le directeur des opérations portuaires, Sami Hussein, l’entrepreneur de maintenance du port, Salim Shibli, le chef des projets, Michel Nakhoul, et l’ouvrier syrien Ahmed Ragab.
En même temps, il en a inculpé 8 autres, dont des responsables de la sécurité et des juges, sans demander d’autorisations judiciaires ou sécuritaire.
Retour au bureau et aux médiatisations
Des sources d’Al-Manar ont indiqué que le juge Bitar a repris son travail dans son bureau d’où il a envoyé les documents de notification des nouveaux accusés au parquet de cassation.
Selon ce bureau, parmi les nouveaux accusés figurent le directeur général de la Sûreté générale, le général de division Abbas Ibrahim (proche de Nabih Berri), et le directeur général de la Sécurité de l’État, le général de division Antoine Saliba. Sont également inculpés 4 juges, dont le procureur général du tribunal de cassation le juge Ghassan Oweidat.
Ce dernier n’a pas manqué de rappeler dans un message à Bitar, que ses décisions n’ont aucune valeur. « Nous assurons que votre main est liée par la loi et qu’aucune décision n’a été rendue d’accepter ou de rejeter votre réponse ou de transférer le dossier ou pas », a-t-il fait savoir.
Les autres noms n’ont pas été révélés pour les médias.
Le juge Bitar a aussi fait fuiter aux médias une étude juridique sur laquelle il prétend s’être basé pour justifier sa reprise unilatérale de ses fonctions. Il avance qu’il n’y a pas de texte juridique qui puisse le suspendre de ses fonctions en tant que juge d’instruction et que les jurisprudences ne sont pas contraignantes. Il s’est targué aussi qu’il dispose en tant que juge d’instruction du droit de poursuite en justice, sans autorisation préalable.
Dérouté par ce précédent, le ministre de la Justice Henri Khoury a décidé de soumettre le texte au Conseil suprême de la magistrature pour donner son avis.
Méthode biaisée dans l’enquête, contre le 8-mars
Ces fuites médiatiques depuis le bureau de Bitar rappellent selon le correspondant d’al-Manar les méthodes biaisées qu’il avait suivies dans sa conduite de l’enquête.
Dans ses convocations et inculpations, il a semblé vouloir viser des personnalités appartenant au camp du 8-mars, dans la foulée des accusations infondées voulant attribuer la responsabilité de l’explosion du port au Hezbollah en particulier. Il avait émis un mandat d’arrêt à l’encontre de l’ex-ministre des Finances et conseiller du chef du Parlement, le député Hassan al-Khalil.
Plusieurs partis libanais dont le Hezbollah, le mouvement Amal et le courant des Maradas avaient alors réclamé sa destitution et son remplacement.
Une manifestation en octobre 2021 en direction du Palais de Justice s’est clôturée par un carnage au cours duquel des échanges de tirs avec l’armée libanaise ont fait 7 martyrs dont une femme et des blessés .
Immixtion des Occidentaux
Les Européens étaient intervenus pour empêcher la destitution de Bitar entre autres par la personne de l’ambassadeur d’Allemagne au Liban, Andreas Kindl. Il avait menacé le président du Conseil supérieur de la magistrature le juge Souheil Abboud de sanctions. Le journal al-Akhbar assure que le retour illégal de Bitar avait été préparée d’avance de concert avec ce dernier.
Depuis un an, Abboud a sapé le quorum des sessions du Conseil supérieur de la magistrature, qui devait se tenir pour nommer un juge suppléant. Il a rendu impossible la nomination des premiers présidents des Cours de cassation (composées de l’Autorité générale de la Cour de cassation), insistant de les nommer parmi son « groupe », toujours selon al-Akhbar.
Il y a trois semaines il a référé un télégramme à Bitar lui demandant de donner suite au dossier des 17 détenus et d’étudier les demandes de leur libération, malgré le fait qu’il est suspendu depuis plus d’un an.
Ce qui rend le retour du juge Bitar suspect est qu’il intervient après deux réunions avec une délégation européenne formée de deux juges français venus au Liban la semaine passée. Entre les deux rencontres, il est sorti pour clamer qu’il n’abandonnera jamais le dossier du port, quelque soient les pressions exercées sur lui.
Les Etats-Unis n’ont pas manqué de leur côté de donner leur feu vert. Publiant sur le site de leur ambassade au Liban : « Nous soutenons et exhortons les autorités libanaises à mener une enquête rapide et transparente sur l’horrible explosion au port de Beyrouth. »
Le retour de Bitar est d’autant plus suspect qu’il intervient aussi dans un contexte financier qui fait craindre l’exaspération de la crise financière, avec une nouvelle dépréciation de la livre libanaise qui a franchi la barre des 50 mille et s’échange ce mardi à plus de 54 mille contre le dollar américain.
De plus, depuis lundi, le scénario des routes coupées avec des pneux brûlés se manifeste de nouveau.
Cette concomitance qui ne saurait être un hasard et ne peut qu’illustrer une planification préalable destinée à mettre de nouveau le Liban en tenailles. De même pour l’explosion du port de Beyrouth, qui a eu lieu le 4 août 2020, après des déclarations officielles libanaises assurant que le Liban pourrait très bien s’orienter vers la Russie, la Chine et l’Iran pour sortir de sa crise économique. A cette époque, les renseignements des Français, Allemands, Britanniques et Américains s’étaient accourus au Liban, pour soi-disant l’aider dans l’enquête. Ils se sont depuis accaparés toutes les investigations. Maintenant, ils semblent oeuvrer pour confisquer son volet juridique. De quoi rappeler le scénario qui a suivi l’assassinat de l’ex-Premier ministre le martyr Rafic Hariri. La bataille actuellement au Liban tourne autour de l’élection du président de la République. Les 11 tentatives pour faire passer le candidat des Occidentaux se sont soldées par un échec.
Source: Divers
Source : Al Manar
https://french.almanar.com.lb/2538670
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