Par Martin23230 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
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Par Pieter Van Damme

Le fait que la démocratie de façade belge ne s’excuse pas pour son passé colonial ne devrait pas être surprenant. L’opposition réside dans un bel amalgame de la monarchie (pression politique), d’une partie des grandes entreprises (soutenues par la famille politique libérale) et de l'(extrême)droite conservatrice qui se dit « flamandiste ». Dans ce dernier cas, il commence même à devenir une constante, après, par exemple, les plaidoyers antérieurs en faveur du renforcement des services de défense et de maintien de l’ordre de la Belgique, la réintroduction de la conscription dans le cadre de l’OTAN et le ciblage persistant du « Wallon paresseux et profiteur » qui met l’establishment belge et ses structures à l’abri. Une fois de plus, la droite nationale flamande affiche ses couleurs, la volonté de saper l’establishment cédant le pas à la réticence manifeste à dénoncer les excès de l’impérialisme belge. Néanmoins, avec la pression politique exercée par la monarchie le long de la famille politique libérale, nous touchons au cœur du belgicisme et à la raison de l’existence continue de l’État belge : le plaidoyer capitaliste. Tout aussi poignante que la droite nationale flamande à cet égard est l’attitude de l’ex-révolutionnaire PVDA, qui répète ad nauseam la rengaine belgiciste « We Are One » (en anglais, bien sûr, faute de langue unificatrice) pour faire croire aux classes populaires flamandes et wallonnes qu’une Belgique socialiste serait possible. Une attitude défaitiste, découlant de la peur de la confrontation avec la droite politique en Flandre.

Pas de woke, mais une solidarité internationale

Cependant, que l’on pense national flamand (wallon), socialiste, national révolutionnaire,…, il n’y a aucune raison de se ranger du côté de l’establishment belge ! En cela, les Congolais sont les alliés de tous ceux qui préféreraient voir disparaître la construction étatique belge et son établissement, point final. Une concession à l’extrémisme libéral des woke ? Pas du tout. Pour nous, Zannekinbond, les excuses sur le compte du régime belge comme moyen, comme pied de biche, doivent être l’impulsion d’une escalade vers un changement institutionnel, politique et même économique fondamental, vers la protestation et la résistance civiques, vers, entre autres, l’abolition définitive de la monarchie belge. Ce ne sont pas les classes ouvrières flamandes et wallonnes qui doivent s’excuser, mais l’élite capitaliste belge dirigée par la monarchie de Saxe-Cobourg. Faire tomber la monarchie belge et ses tentacules corporatifs et financiers devrait être un objectif principal pour ceux qui veulent un changement fondamental, quelle que soit leur perspective idéologique. Chaque veilleuse a le potentiel de se transformer en un feu de système et il est du devoir de tout révolutionnaire digne de ce nom de tirer parti de chaque opportunité qui se présente. Tout comme chaque grève a le potentiel d’échapper au contrôle de la bureaucratie syndicale. Ce qui peut créer une crise politique est bon pour ceux qui veulent un changement profond. En revanche, la brigade des woks progressistes n’est pas intéressée par les changements fondamentaux que la lutte des classes et la privation des droits nationaux peuvent apporter ; le fossé entre eux et la classe ouvrière est devenu trop large. En tant que force politique occidentale et ultra-libérale, le wokeism divise la classe ouvrière en mettant l’accent sur des sous-identités qui transcendent la lutte des classes. Les « guerriers de la justice sociale », venus du monde anglo-saxon, ne recherchent, dans leur grande majorité, que l’inclusion dans un environnement capitaliste.

La discussion concernant les excuses à la République démocratique du Congo sert une dynamique idéale de longue date au niveau international. Nous vivons un point de bascule dans l’histoire de l’Europe et de notre planète : la fin de l’ordre mondial unipolaire occidental au profit d’un ordre multipolaire émergent dans lequel les pays BRICS joueront un rôle plus important. La Belgique et son establishment font inextricablement partie du vieux camp occidental, le camp qui préfère ne pas s’excuser pour la colonisation et l’impérialisme lorsque cela menace ses propres comptes bancaires ou ses positions de pouvoir. Dans l’immédiat, il s’agit aussi du camp politique et économique qui veut préserver le statu quo politique et socio-économique en Europe occidentale. L’Occident libéral poursuit une culture de l’excuse inspirée du wokeisme dans la mesure où elle contribue à la destruction des barrières culturelles potentielles anti-individualistes et anti-capitalistes au sein de la classe ouvrière occidentale qui entravent le capitalisme tardif moderne : traditions, famille et liens familiaux, liens communautaires. 

La fin de la Françafrique

La fin de la Françafrique est un élément fondamental de ce moment de rupture internationale. Dans les relations internationales, la Françafrique est la sphère d’influence française sur les anciennes colonies françaises et belges en Afrique sub-saharienne. C’est un terme qui désigne à la fois les activités corrompues et clandestines de divers réseaux politiques, économiques et militaires franco-africains et de leurs élites, un synonyme du néocolonialisme de la France. Nous faisons ici référence, par exemple, à l’assassinat de Thomas Sankara, ancien président du Burkina Faso. La Belgique (sa monarchie et ses élites politiques et économico-financières) est apparue ces dernières décennies comme un fidèle lieutenant de cette Françafrique néo-coloniale. Avec l’influence croissante de la Russie et de la Chine en Afrique, la position française dans un certain nombre d’anciennes colonies a été sévèrement affaiblie. L’un des personnages clés est le président malien Assimi Goïta, arrivé au pouvoir en 2021 après un coup d’État contre le président Keïta, figure symbolique de l’asservissement politique africain sous la France.

Avec d’autres, Goïta symbolise une nouvelle conscience nationale et panafricaine chez les Africains. Il existe une opposition croissante au pouvoir et à l’influence néocoloniaux de la France et d’autres anciens colonisateurs sur le plan politique et économique, ainsi qu’à la présence permanente de troupes françaises (et apparentées, y compris belges). Ce néocolonialisme militaire est justifié (avec le soutien et en collusion avec l’UE et/ou d’autres États membres de l’OTAN) par des motifs humanitaires et antiterroristes, mais les résultats tangibles ont fait défaut à la population africaine, bien au contraire. La sécurité s’est plutôt détériorée dans de nombreuses régions. La Russie et la Chine prennent la place sur la base d’accords bilatéraux qui donnent immédiatement une position plus égale aux pays africains. Malgré la présence économique croissante de la Russie et surtout de la Chine en Afrique, toutes deux respectent l’indépendance politique et militaire de leurs partenaires africains, auxquels elles n’envoient de l’aide qu’à la demande et à la mesure des Africains eux-mêmes. Par conséquent, la définition léniniste de l’impérialisme ne s’applique pas à la Russie et à la Chine comme elle s’applique à la France, aux États-Unis et aux autres puissances occidentales.  

L’aide occidentale comme élément du problème néo-colonial

L’aide occidentale revient essentiellement à ce que les donateurs (les États-Unis, les pays européens, l’Union européenne et leurs institutions internationales) imposent des conditions aux pays africains. Cela signifie qu’ils n’obtiennent l’accès au marché que s’ils acceptent et appliquent les principes libéraux dans leur politique nationale. Concrètement, il s’agit d’accepter la privatisation de toutes sortes d’activités économiques, des services publics, l’ouverture aux capitaux étrangers, etc. Ces conditions permettent en outre le pillage des ressources naturelles du continent africain et facilitent les activités des entreprises européennes dans un sens néo-colonial. À un moment donné, plus de 1 200 entreprises belges ont tiré profit de la présence (néo)coloniale au Congo. La Belgique bénéficie toujours de l’exploration des ressources qui emploie de nombreux Congolais travaillant pour des salaires très bas et dans des conditions épouvantables. Pourtant, des cas connus comme Union Minière / Umicore ne constituent plus le cœur de l’activité néocoloniale, mais concernent plutôt des entreprises du bâtiment et de la construction, des sociétés informatiques, de l’immobilier et des services, etc… Cela va de pair avec l’augmentation de la dette extérieure et l’inégalité des échanges, tandis que le développement du secteur commercial africain ne se concrétise pas. Mais cela signifie aussi des interventions et des « présences » militaires néocoloniales. Ainsi, l’armée belge est (ou était dans un passé récent) active au Mali, au Niger, au Bénin, en République démocratique du Congo,… Cependant, il n’y a qu’en Occident que l’on croit encore à la propagande qui accompagne les guerres humanitaires et au prétendu intérêt des dirigeants de l’UE et de l’OTAN pour la démocratie et les droits de l’homme. En Afrique, une nouvelle génération d’intellectuels a émergé, qui non seulement voit et connaît les structures et les tactiques du néocolonialisme occidental, mais ose aussi s’y opposer. L’émergence des pays BRICS dans une évolution vers un monde multipolaire leur offre une opportunité de concrétiser leur résistance.

 Vers une alliance pour le changement

Dans ce point de basculement planétaire, les peuples européens sans État doivent également sauter dans le train du changement. Les aspirations à l’autonomie des Flamands, des Catalans, des Corses,… ainsi que la réunification de l’Irlande,… peuvent (ou devraient ?) en faire partie – de même que le mécontentement croissant de la classe ouvrière en Europe contre des décennies de politiques d’austérité néolibérales. L’unité dans la résistance ! Le passé nous a appris que le changement politique en Europe ne se produit que pendant ou comme résultat direct d’un moment de rupture internationale (1989-1992 : Tchécoslovaquie, Yougoslavie) plutôt qu’après avoir remporté des élections locales. La Belgique, comme la France, la Grande-Bretagne,… est le vieux monde libéral occidental où les politiques d’austérité libérales et le (néo)colonialisme sont des parties inséparables. Les Africains peuvent donc être des alliés. Avec Zannekinbond, nous pensons que si le passé colonial belge et le présent néocolonial fournissent une impulsion pour manœuvrer la monarchie belge et l’élite libérale-capitaliste en crise, elle doit être saisie à deux mains par ceux qui veulent un changement constitutionnel et socio-économique fondamental. Ne pas le faire est manifestement une trahison de la Flandre et de la Wallonie, de la communauté de civilisation européenne alourdie par l’Occident et des intérêts de la classe ouvrière.

Pieter Van Damme

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