Salah Hammouri lors de son arrivée en France, après sa déportation de sa ville natale de Jérusalem
Photo : ActiveStills
Par Addameer
Dans la matinée du dimanche 18 décembre 2022, les autorités israéliennes d’occupation ont procédé à la dernière étape de la révocation du droit de résidence l’avocat franco-palestinien Salah Hammouri, et l’ont illégalement expulsé de force, l’exilant en France.
Une telle action constitue un crime de guerre, à savoir l’expulsion forcée d’un civil protégé du territoire occupé, tel que défini à l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève. Plus important encore, il s’agit d’une escalade effrayante de la pratique systématique par Israël de l’ingénierie démographique et du nettoyage ethnique des Palestiniens de Jérusalem occupée.
Bien que les autorités israéliennes aient alerté quelques jours auparavant le ministère français des Affaires étrangères de la date prévue pour l’expulsion de Salah Hammouri, Salah lui-même et son conseiller juridique n’ont pas été informés de la décision avant qu’elle ne soit appliquée.
Salah a été directement transféré de la détention avant expulsion à la prison de Hadarim à l’aéroport, menotté par les mains et les pieds et accompagné par trois agents des services de renseignement israéliens.
Il a ensuite été embarqué sur un vol de la compagnie aérienne nationale israélienne, El Al, à destination de l’aéroport Charles de Gaulle. Tout au long de ce voyage brutal, Salah est resté enchaîné et surveillé par les agents israéliens jusqu’à son arrivée en France.
Il faut noter que, avant l’expulsion de Salah, des dizaines de groupes de défense des droits de l’homme ont signé un appel conjoint demandant aux compagnies aériennes commerciales de refuser d’aider les autorités israéliennes à procéder à cette expulsion forcée illégale, conformément aux obligations fixées par le droit international.
Le fait que les autorités israéliennes ont choisi d’expulser Salah via leur propre compagnie aérienne nationale démontre la nature intégrée du régime d’apartheid israélien, dans lequel les institutions et les entreprises israéliennes jouent un rôle crucial.
L’expulsion forcée de Salah Hammouri n’est que la dernière en date des persécutions qu’Israël lui fait subir, à lui et à sa famille, ainsi qu’à son travail essentiel de défense des droits de l’homme en faveur des prisonniers politiques palestiniens.
Parce qu’il a refusé de se taire, Salah a été la principale cible des politiques israéliennes d’intimidation et de répression des défenseurs palestiniens des droits humains qui contestent le régime d’apartheid israélien de domination et d’oppression raciales institutionnalisées.
Ces mesures comprennent des arrestations et des détentions arbitraires répétées – y compris des années sans inculpation ni procès -, des passages à tabac, la séparation des familles, des attaques et une surveillance par des logiciels espions et, plus récemment, la suppression de son droit de résidence permanente à Jérusalem en vertu de lois illégales sur la « violation de l’allégeance ».
La déportation forcée de Salah Hammouri – l’acte final de sa révocation de résidence et l’exil forcé de sa patrie – ne fait qu’illustrer davantage la nature d’apartheid du régime israélien. Au cours de la procédure, Salah a épuisé tous les recours disponibles dans le système politique et juridique israélien, pour se heurter à des décisions racistes qui opèrent sous le couvert de la loi mais qui existent en réalité pour maintenir la domination raciale d’Israël sur le peuple palestinien.
La perversion des processus « légaux » par les autorités israéliennes pour appliquer leurs décisions illégales est ironiquement évidente lorsqu’elles délivrent un document de voyage israélien temporaire à Salah – qui ne possède plus de carte d’identité de Jérusalem et n’était pas en possession de son passeport français – pour pouvoir l’embarquer de force sur le vol El Al et l’expulser vers la France.
Le cas de Salah Hammouri établit un dangereux précédent pour l’escalade de l’occupation israélienne en matière de révocation de résidence et de détention administrative arbitraire sans charge ni procès.
Pendant plus d’une décennie, Salah a été confronté à une campagne de persécution visant à le forcer à quitter sa ville natale de Jérusalem, en commençant par sa première incarcération, puis par des arrestations répétées et un harcèlement systématique.
Sa dernière arrestation, le 7 mars 2022, s’est faite dans le cadre d’une détention administrative sans inculpation ni procès. Le commandant militaire israélien a émis le premier ordre pour trois mois et l’a ensuite renouvelé deux fois, pour expirer le 4 décembre 2022.
Cette détention arbitraire s’est avérée être une forme psychologique de torture et un outil coercitif pour expulser Salah Hammouri malgré les procédures légales alors en cours pour contester sa révocation de résidence.
Les politiques de résidence ancrées dans le régime israélien de domination et d’oppression raciales sont conçues pour maintenir un statut juridique toujours précaire pour les Palestiniens de Jérusalem, afin d’expulser progressivement la population autochtone et de maintenir une majorité démographique israélo-juive dans la ville.
Ces pratiques sont explicitement illégales au regard du droit international, en particulier du droit international humanitaire et des Quatrièmes Conventions de Genève régissant les occupations étrangères, et constituent un crime de guerre au regard du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).
À cet effet, le 16 mai 2022, le Centre pour les droits constitutionnels (CCR) et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) ont soumis une communication au Bureau du Procureur de la CPI (BDP) au nom de Salah Hammouri, détaillant les années de persécution et les nouvelles tactiques de transfert forcé des Palestiniens de Jérusalem occupée dans le cadre de l’enquête en cours sur la situation en Palestine.
Le cas de Salah a également été mis en lumière par le Comité des droits de l’homme des Nations unies en mars 2022, dans le cadre de son cinquième examen périodique d’Israël sur sa mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
L’expulsion de Salah, dans le cadre des politiques d’apartheid plus larges d’Israël, est possible grâce à la complicité des États et des entreprises qui fournissent au régime d’apartheid le soutien politique, économique et militaire nécessaire malgré ses violations flagrantes du droit international.
Cela est évident dans le fait que la France n’a utilisé aucun des leviers à sa disposition afin d’empêcher le crime de guerre de déportation forcée de personnes protégées et de persécution d’un de ses propres citoyens.
Au lieu de cela, le président français Macron s’est pavané dans les tribunes de la finale de la Coupe du monde, encourageant l’équipe nationale française multiethnique à ramener le trophée à la maison, tandis que le franco-palestinien Salah Hammouri était cruellement exilé de sa patrie.
Grâce à sa déportation et son exil forcés, Salah retrouvera sa femme et ses enfants, qui ont déjà subi la cruauté de la séparation et de la déportation forcées en 2016. C’est une réunion familiale assombrie par un exil familial collectif dans un monde où Salah se voit refuser le droit de vivre et d’élever une famille dans sa ville de naissance.
Comme les millions de Palestiniens exilés depuis 1948, Salah va maintenant lutter pour son droit au retour dans sa patrie ; un droit consacré à tous les peuples déplacés à travers le monde.
Nous appelons la communauté internationale à soutenir Salah Hammouri et sa famille en ces temps difficiles et violents, non seulement pour eux mais aussi pour le peuple palestinien dans son ensemble. Son expulsion, aussi douloureuse soit-elle dans le présent, n’est qu’une étape sur le long et douloureux chemin de la libération, un chemin pavé par les sacrifices des défenseurs palestiniens et leur infatigable volonté de liberté.
Salah Hammouri a été un fervent défenseur et avocat des droits de l’homme auprès d’Addameer. En tant qu’en enquêteur de terrain à Jérusalem, il a joué un rôle inégalé en établissant un lien avec les enfants et les jeunes Palestiniens qui, comme lui, avaient été victimes d’arrestations et de détentions violentes par les forces d’occupation israéliennes.
Malgré l’éloignement physique de Salah [de son organisation de défense des droits des prisonniers], Addameer poursuivra sa mission de défense du cas de Salah et des cas de tous les prisonniers politiques palestiniens anciens et actuels, détenus dans les prisons de l’occupation israélienne.
Pour des mises à jour régulières et de plus amples informations sur Salah Hammouri, visitez le site web JusticeForSalah et suivez Addameer et les comptes de médias sociaux de la campagne.
Auteur : Addameer
* ADDAMEER (mot arabe signifiant la « conscience ») Prisoner Support and Human Rights Association, est une institution civile non gouvernementale palestinienne qui œuvre en faveur des prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et palestiniennes.
Créé en 1991 par un groupe de militants motivés par la question des droits de l’homme, le centre offre une aide juridique gratuite aux prisonniers politiques, défend leurs droits au niveau national et international, et s’efforce de mettre fin à la torture et aux autres violations des droits des prisonniers par le biais d’une surveillance, de procédures juridiques et de campagnes de solidarité.
Le compte twitter.
18 décembre 2022 – Addameer – Traduction : Chronique de Palestine
Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…