Par l’UJFP

Il est évident que selon comme on apprécie la situation en Israël et Palestine, la perception de la solidarité de Juifs israéliens avec le peuple palestinien sera différente.

C’est pourquoi je précise que l’UJFP estime que l’État d’Israël, quels que soient les commentaires sur les récentes élections, impose à la moitié de la population vivant entre la Méditerranée et le Jourdain une politique criminelle coloniale, d’apartheid et d’épuration ethnique et qu’une solidarité juive israélienne complète avec les Palestiniens nécessite qu’elle se mobilise pour l’égalité complète des droits dans cette région et pour le droit au retour des réfugiés.

Cela étant, cette solidarité peut porter sur certains points seulement et quand même être réelle, et elle est toujours susceptible d’évoluer, d’augmenter ou de diminuer.

Quand je vais énumérer les diverses solidarités vous pourrez avoir l’impression qu’elles regroupent beaucoup de gens.

Il faut que vous sachiez que ces solidarités, si courageuses soient elles rassemblent en réalité un très faible pourcentage de la population juive. Beaucoup de Juifs israéliens reconnaissent certes les injustices que subissent les Palestiniens, mais ils restent enfermés dans le confort ou les illusions de la société de consommation, ou repliés sur leur vie personnelle. Et ils savent que la politique criminelle d’Israël leur profite à court terme, parce que si cette politique militaire et sécuritaire cessait, l’économie et la société israélienne subiraient une crise profonde.

Je vais évoquer de nombreuses solidarités, au devenir incertain et qui concernent souvent des militants assez peu nombreux et aux engagements multiples.

Je commence par les Refuzniks.

Il s’agit de réfractaires, jeunes ou réservistes, qui refusent de servir dans l’armée d’occupation et ont font état publiquement, alors que beaucoup d’autres ont recours à des dossiers médicaux ou autres pour se faire dispenser.

En 2020, soixante lycéens et lycéennes israéliens ont signé une lettre refusant leur conscription. Ils dénoncent l’occupation des territoires palestiniens et certains sont ouvertement soutenus par leurs parents.

Ils ont écrit notamment :

« Nous appelons les lycéens et lycéennes de notre âge à se demander : que servons-nous et qui servons-nous quand nous nous engageons dans l’armée ? Pourquoi nous engageons-nous ? Quelle réalité créons-nous en servant dans cette armée d’occupation ? Nous voulons la paix et la paix réelle exige la justice. La justice exige la reconnaissance des injustices passées et présentes et de la Nakba, qui se poursuit. La justice exige une réforme : la fin de l’occupation, la fin du siège de Gaza et la reconnaissance du droit au retour des réfugiés palestiniens. La justice demande la solidarité, la lutte commune et le refus ».

En août 2021 la jeune Shahar, qui a refusé d’être enrôlée puis a subi pour cela des périodes d’emprisonnement a écrit :

« J’espère que mon refus de servir dans l’armée israélienne fera une différence, même légère. J’espère que cela sensibilisera et amènera d’autres Israéliens à réfléchir de manière critique à des choses que beaucoup considèrent comme « naturelles ». Je pense que nous devrions tous prendre nos responsabilités non seulement pour nous-mêmes, mais pour tous ceux qui vivent entre le Jourdain et la mer Méditerranée. J’espère que refuser de participer à un système oppressif montrera aux Israéliens que nous pouvons choisir d’agir différemment et d’arrêter la violence, et qu’avec cette prise de conscience, il y aura de l’espoir ».

Depuis d’autres jeunes suivent la même voie, et encore aujourd’hui.

Une association, nommée Mesarvot, soutient les jeunes refuzniks, notamment pour les frais de justice.

Il y a eu parfois des manifestations devant les centres d’enrôlement ou devant les prisons.

Yesh Gvul (« il y a une limite ») est une association fondée par des vétérans de la guerre du Liban, qui soutient également les Refuzniks.

Une autre association qui dénonce les exactions de l’armée israélienne est Breaking the Silence (« Briser le Silence »).

Cette association recueille les témoignages souvent poignants de soldats qui reconnaissent avoir commis de très graves exactions à l’encontre des Palestiniens. Elle n’est pas antisioniste mais elle a un impact réel sur une partie de l’opinion publique parce qu’elle montre clairement que l’occupation n’est pas une politique temporaire, mais une politique permanente destinée à annexer les territoires occupés et à faire capituler les résistants.

La solidarité avec les Bédouins

Israël veut judaïser le Néguev, ou Naqab, au sud d’Israël, accapare les terres des Bédouins qui y vivent, ne reconnait pas de nombreux villages, les privent d’eau et d’électricité, les détruit et redétruit systématiquement. Ces Bédouins sont soutenus par une ONG judéo palestinienne, le Forum pour la coexistence et l’égalité civile dans le Néguev, qui les accompagne notamment pour les nombreux procès auxquels ils sont confrontés pour la récupération ou le maintien de leurs terres.

Des militants juifs soutiennent aussi les Bédouins de Cisjordanie, confrontés aux mêmes situations, qui subissent parfois aussi la destruction d’équipements qui ont été financés par l’Union Européenne.

Les religieux solidaires

Il y a la branche israélienne des religieux ultra-orthodoxes de Neturei Karta

Ils habitent surtout le quartier de Mea Shearim à Jérusalem.

Leur doctrine ne reconnait pas l’Etat d’Israël Ils affichent leur solidarité avec le peuple palestinien mais ils profitent des avantages dont bénéficient les religieux ultra-orthodoxes, qui sont dispensés de l’obligation du service militaire.

Les Rabbins pour les Droits de l’Homme, eux, interviennent pour la protection des Palestiniens contre la violence des colons, l’aide à la cueillette des olives, la solidarité avec Sheikh Jarrah, quartier palestinien de Jérusalem très attaqué, et ils interviennent auprès des autorités contre les annexions.

Les Femmes en Noir

Ce sont des groupes de femmes juives, ou juives et palestiniennes ensemble, qui manifestent ensemble dans des lieux passants pour dénoncer l’occupation. Elles se font toujours insulter par des Juifs anti palestiniens. Elles sont moins nombreuses aujourd’hui à cause de la répression mais elles existent encore, au moins à Jérusalem où sont maintenues des manifestations hebdomadaires.

Une autre association, moins active mais elle ou une association similaire existent encore, est Machsom Watch, qui est une association de femmes surveillant les checkpoints et intervenant dans la mesure du possible pour éviter ou circonscrire les brutalités des soldats contre les Palestiniens. Je mentionne aussi New profile, association antimilitariste et féministe.

Maintenant B’Tselem (« A l’image de »)

B’Tselem est une importante ONG israélienne qui se fixe comme tâche principale de « documenter et informer le public et les décideurs israéliens sur les violations des droits de l’Homme dans les territoires occupés, combattre la situation de déni dominant le public israélien, et aider à créer une culture des droits de l’Homme en Israël ».

Elle a franchi un pas important et retentissant en reconnaissant que l’État d’Israël est un État d’apartheid. Elle permet par ses ressources logistiques de filmer quand c’est possible des attaques de l’armée israélienne contre des manifestations palestiniennes.

J’en arrive à Boycott from Within (« boycott de l’intérieur »)

Il s’agit de l’antenne israélienne du mouvement BDS. La plupart de ses militants, peu nombreux sont exilés. Il est bien évident qu’ils ne peuvent pas appeler à boycotter tous les produits israéliens. Il y eu de rares exemples de commerces ne mettant pas en vente certains produits des colonies, notamment les vins du Golan. Et un rôle positif de Boycott from Within est d’interpeller, parfois avec succès, des artistes pour les dissuader de participer à des initiatives sponsorisées par Israël.

Une ONG israélienne, nommée Who Profits, est un centre de recherche qui a pour rôle de communiquer toutes les informations utiles concernant les nombreuses sociétés, israéliennes ou internationales, impliquées dans l’occupation israélienne des terres palestiniennes de Cisjordanie ou de terres en Syrie.

Zochrot (« Elles se souviennent ») est une ONG dont l’objectif est de sensibiliser la population juive israélienne au fait qu’il ne peut pas y avoir de paix juste sans la reconnaissance du droit au retour des réfugiés palestiniens. Cette association organise des visites de villages palestiniens disparus et commémore tous les ans sur place le massacre dans le village de Deir Yassin lors de la Nakba.

Emek Shaveh est une ONG qui dénonce l’instrumentalisation de l’archéologie utilisée pour expulser les Palestiniens de certains quartiers, par exemple le quartier de Silwan à Jérusalem.

La Paix maintenant, ou Peace Now, documente l’extension de la colonisation. Certains parmi ses militants ont un rôle positif, mais au niveau national cette association est solidaire du régime israélien : refus du droit au retour, dénonciations constantes du Hamas, inaction lors de massacres à Gaza, etc

+972 Magazine et le site israélo-palestinien Siha Mekomit (« Appel local ») sont des médias par internet qui documentent objectivement la situation en Israël et Palestine et qui ont un impact certain.

One Democratic State est une association pour un seul Etat démocratique, et elle comporte une minorité des militants juifs : Jeff Halper et des militants exilés : Eitan Bronstein, Miko Peled, Shir Hever.

Standing Together (« Debout Ensemble ») est un mouvement populaire comprenant des Juifs et des Palestiniens, qui se veut pallier à une gauche politique impuissante, qui n’est pas sioniste, qui est basé sur l’intersectionnalité des luttes, qui a participé à des manifs de soutien aux habitants de Sheikh Jarrah, et qui se revendique de 5000 adhérents.

Ta’ayush (« vivre ensemble » en langue arabe), est une association qui était antérieurement plus importante, qui aide les Palestiniens à résister aux colons protégés par l’armée et se déclare pour le boycott d’Israël. Elle intervient en particulier dans les collines du sud d’Hébron.

Le Cercle des familles endeuillées réunit des familles juives et des familles palestiniennes endeuillées par des attentats et qui se rencontrent sans a priori  pour témoigner ensemble et dans la volonté d’une réconciliation future entre les deux communautés.

Une solidarité juive numériquement faible mais qualitativement importante est la participation à d’importantes mobilisations des Palestiniens : à Jérusalem dans des quartiers, notamment Sheikh Jarrah et Silwan, l’an dernier pendant le soulèvement de mai 2021, aujourd’hui dans certaines communes attaquées (à Beita, à Masafer Yatta). Ce sont des solidarités souvent à titre individuel et mobilisant notamment des jeunes. Il y a aussi la solidarité pour la récolte des olives, qui expose souvent à la répression des colons.

Pour terminer, je vais citer des personnalités juives, des mondes politiques, universitaires, culturels, journalistiques, judiciaires, etc, tous ces mondes s’interpénétrant. 

Avraham Burg est une personnalité dont l’évolution a un impact positif.

Alors qu’il a été président de la Knesset, de l’Agence juive et de l’Organisation sioniste mondiale, en 2003 il publie un article intitulé « La révolution sioniste est morte » et au cours des dernières années il a demandé officiellement que son identité juive ne soit plus inscrite sur sa carte d’identité.

Orly Noy est une militante politique d’origine juive iranienne. Elle milite dans B’Tselem, dans Siha Mekomit et dans le parti Balad, parti à majorité palestinienne et pour un Israël État de tous ses citoyens. Étant Mizrahite, c’est-à-dire juive du Moyen-Orient, elle est actrice de cette identité.


Nurit Peled-Elhanan, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, promotrice du Tribunal Russel pour la Palestine, décrit la représentation raciste des Palestiniens dans les manuels scolaires israéliens. Les Palestiniens y sont toujours désignés par le terme « arabes » et décrits et photographiés comme arriérés, agriculteurs ou criminels.

Michel Warchawski, militant connu fils d’un ancien grand rabbin de Strasbourg a participé à de nombreuses mobilisations et actuellement correspondant du périodique Siné Mensuel.

Amira Hass et Gideon Levy sont deux journalistes qui écrivent dans Haaretz et ne mâchent pas leurs mots contre l’apathie de leurs concitoyens.

Gideon Levy a écrit à propos des Juifs qui avant les récentes élections manifestaient leur peur du retour de Netanyahu :

« La plupart des personnes qui crient sont restées silencieuses jusqu’à présent. Ils étaient silencieux face aux crimes de l’occupation et à la menace que ces crimes représentent pour la démocratie. La plupart d’entre eux sont trop lâches pour appeler ce régime pour ce qu’il est, un État d’apartheid, de peur que cela ne leur porte préjudice »

Des écrivains ont dénoncé la colonisation, mais leurs orientations politiques sont diverses : David Grossman, Avraham Yehoshua, Schlomo Sand, etc

Parmi eux Zeev Sternhell, mort en 2020, a en février 2018, dans une tribune publiée par Le Monde, comparé le sort des juifs avant la guerre et celui des Palestiniens aujourd’hui et affirmé : « En Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts »

Parmi les juristes qui défendent activement les résistants palestiniens, il y a Lea Tsemel et Michael Sfard.

Pour terminer je veux dire 3 choses :

D’abord, l’opposition juive israélienne active contre le régime israélien d’apartheid est faible mais elle doit être connue parce que si elle est niée cela stimulerait les propos antisémites et cela stimulerait aussi la politique israélienne.

Ensuite, je vous conseille la lecture du livre « Parcours de Juifs antisioniste en France » dans lequel nous sommes nombreux à avoir témoigné et que vous trouverez sur notre table de presse.

Et enfin je veux souligner l’importance de la solidarité internationale pour soutenir le peuple palestinien. Même si elle ne suffit pas pour que soient satisfaits ses droits, cette solidarité est indispensable. Nous avons la possibilité de marquer des points contre l’impunité d’Israël : c’est un devoir politique et moral de le faire !

Massy, le 12 novembre 2022,

Jean-Guy Greilsamer,

membre de la coordination nationale de l’UJFP

Source : UJFP
https://ujfp.org/…