Par Johannes Stern & Alex Lantier
Lundi, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) réunis à Luxembourg se sont engagés à intensifier massivement leur participation à la guerre menée par l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Cette décision confirme que les pays de l’UE sont en guerre avec la Russie et, de l’aveu même de ses hauts responsables, qu’ils augmentent le danger d’un conflit militaire direct entre l’UE et la Russie.
Le site web du Conseil des Affaires étrangères de l’UE a rapporté que les ministres des Affaires étrangères de l’UE avaient «convenu d’établir une mission d’assistance militaire de l’UE (MAM) en soutien à l’armée ukrainienne. Elle formera quelque 15.000 soldats sur le territoire de l’UE. Ils ont également convenu d’allouer 500 millions d’euros supplémentaires de la Facilité européenne de Paix pour financer les livraisons destinées aux forces ukrainiennes, portant l’assistance militaire de l’UE à l’Ukraine à un total de 3,1 milliards d’euros».
Par cette décision, l’UE s’engage à mener contre la Russie une guerre terrestre à long terme et à grande échelle. La MAM de l’UE à l’Ukraine doit durer deux ans, après quoi les autorités de l’UE peuvent renouveler son mandat. L’UE n’a pas précisé quelles armes elle allait donner au régime ukrainien, mais des responsables ont déjà dit qu’ils fournissaient des armes allant jusqu’à l’artillerie lourde, des chars et des batteries de missiles antiaériens.
Cette décision est intervenue à peine une semaine après que le président américain Joe Biden a déclaré, à une réunion de donateurs privés, que l’escalade de la guerre entre l’OTAN et la Russie pouvait conduire à «l’Apocalypse nucléaire». La réaction de l’UE à Luxembourg a clairement montré que, comme Washington, la bourgeoisie impérialiste européenne a l’intention d’intensifier le conflit même s’il conduit à une guerre nucléaire totale.
En effet, le Conseil des Affaires étrangères de l’UE a souligné qu’il ne se laisserait pas dissuader par les avertissements de la Russie que ses actions étaient inacceptables et pourraient déclencher une attaque nucléaire russe. «L’UE est inébranlable dans son soutien à l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine… Les menaces nucléaires proférées par le Kremlin, la mobilisation militaire et l’annexion illégale des régions ukrainiennes de Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporizhzhia n’ébranleront pas la détermination de l’UE», écrit-il.
Le caractère totalement irréfléchi et dément de la politique étrangère européenne est apparu dans les menaces de Josep Borrell, chef de la politique étrangère de l’UE, la semaine dernière, d’«anéantir» l’armée russe. Propos tenus après que le président russe Vladimir Poutine eut averti que la Russie disposait de «divers moyens de destruction» pour répondre à l’attaque de son «intégrité territoriale», ajoutant en guise d’avertissement: «Cela n’est pas du bluff».
Borrell a répondu: «Il doit être clair que les personnes qui soutiennent l’Ukraine, l’Union européenne et les États membres, ainsi que les États-Unis et l’OTAN, ne bluffent pas non plus. Et toute attaque nucléaire contre l’Ukraine créera une réponse – pas une réponse nucléaire mais une réponse si puissante du côté militaire – que l’armée russe sera anéantie…»
Vu l’ampleur du meurtre de masse proposé par Borrell – les forces armées russes comptent environ un million de membres en service actif et deux millions de réservistes – il est difficile de voir comment une telle attaque pourrait ne pas impliquer l’utilisation d’armes nucléaires.
Dans la lignée du ton téméraire de Borrell, le sommet de Luxembourg a également adopté des positions agressives à l’égard de plusieurs autres pays, notamment l’Iran. Après que les médias de l’OTAN eurent largement rapporté l’utilisation par la Russie de drones iraniens Shahed, l’UE a dénoncé «l’emploi par la Russie, dans la guerre en Ukraine, de drones qui auraient été fournis par l’Iran».
Passant sous silence son propre bilan de violences policières contre les manifestations sociales, l’UE s’est cyniquement emparée des manifestations de masse en Iran suite à la mort en garde à vue de Mahsa Amini, pour se poser en amie du peuple iranien. Elle a adopté des sanctions financières à l’encontre de «11 personnes et 4 entités… liées à la mort de Mahsa Amini et à la répression violente des manifestations pacifiques».
Le sommet a identifié la Chine comme «un partenaire avec lequel l’UE doit s’engager, un concurrent coriace et un rival systémique». Elle a convenu d’envoyer 40 observateurs de l’UE à la frontière azérie arménienne. Cette région du Caucase, située sur le flanc sud de la Russie, a été le théâtre de conflits sanglants ces deux dernières années et a vu le déploiement de troupes russes de maintien de la paix.
Il est évident que l’UE suit les traces de Washington et de Londres et abandonne toute prétention de ne pas être pleinement engagée dans la guerre de l’OTAN avec la Russie en Ukraine.
Après l’annonce de la mission de formation de l’UE, le ministère allemand de la Défense s’est empressé d’assurer sur Twitter: «La ministre de la Défense, Lambrecht [Christine, SPD] apporte cette clarification : avec la mission de formation des soldats ukrainiens, l’Allemagne ne sera pas partie dans la guerre. La formation est nécessaire pour la capacité d’autodéfense avec des équipements de pointe. Nous soutenons l’Ukraine dans la protection de sa souveraineté».
C’est là un tissu de mensonges. En mars, un avis d’expert du Service scientifique du Bundestag [parlement] a déclaré que l’entraînement des soldats ukrainiens sur le sol allemand constituait une participation à la guerre en vertu du droit international. Et de toute évidence, les puissances impérialistes ne se soucient pas dans leur offensive guerrière de la «défense» et de la «protection» d’une Ukraine souveraine. L’OTAN fait la guerre et arme l’armée ukrainienne jusqu’aux dents afin de vaincre et de soumettre une Russie riche en ressources.
Un commentaire récent du Süddeutsche Zeitung intitulé «La réalité telle qu’elle est» le dit ouvertement. L’affirmation du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, que «l’OTAN n’est pas partie prenante de ce conflit» est, «sauf votre respect, tout simplement fausse sur le plan factuel», écrit le SZ. «L’Ukraine ne survit militairement que parce que l’Occident la soutient massivement. Les soldats ukrainiens se battent, mais ils le font de fait pour le compte du reste de l’Europe, qui les équipe, les entraîne et soutient l’objectif de la guerre, la défaite de la Russie».
Les principales puissances de l’UE, surtout l’Allemagne et la France, jouent un rôle de plus en plus agressif dans cette guerre. Berlin inonde l’Ukraine d’armes et annonce presque quotidiennement de nouvelles livraisons. Dans le même temps, la classe dirigeante utilise la guerre pour faire à nouveau de l’Allemagne une puissance militaire et de politique étrangère de premier plan après les crimes de la Première et de la Seconde Guerre mondiale.
Lundi, le chancelier Olaf Scholz (SPD) a visité un exercice de combat réel de chars des forces armées allemandes sur le terrain de Bergen. Sur place, il a fait l’éloge des «atouts particuliers de la Bundeswehr», c’est-à-dire du fonds de défense de 100 milliards d’euros qu’il a lancé. Avec cette somme, la Bundeswehr «doit maintenant être équipée de telle sorte qu’elle dispose des armes et des munitions, des instruments dont elle a besoin pour remplir sa mission». Mais une fois cela «réalisé», cependant, on ne devait « pas s’arrêter, [mais] équiper en permanence la Bundeswehr de ce qui est nécessaire pour remplir sa mission».
Le président français Emmanuel Macron a annoncé en fin de semaine dernière que Paris travaillait « actuellement à la livraison d’obusiers Caesar: nous en avons livré dix-huit. Nous travaillons actuellement à la livraison de six obusiers supplémentaires.» La France livrerait prochainement «des radars, des systèmes et des missiles de défense aérienne», a-t-il ajouté. L’Allemagne a déjà livré le premier système de défense aérienne Iris-T à Kiev la semaine dernière.
Si certaines des armes réclamées par Kiev lui sont refusées, c’est principalement avec l’argument qu’elles affaiblissent leurs propres armées. Macron, par exemple, a récemment expliqué que Paris ne pouvait pas toujours répondre à l’aide demandée par Kiev pour cette raison. «Quand le président Zelensky me demande parfois de livrer des quantités massives de matériel, je suis obligé d’en garder une partie pour nous-mêmes afin de nous protéger ou de protéger notre flanc oriental», a expliqué Macron.
Derrière l’explosion du militarisme européen, il y a un mélange réactionnaire d’objectifs géopolitiques et de crise interne. La classe dirigeante répond à la crise du système capitaliste, aux tensions croissantes entre grandes puissances et à l’opposition explosive de la classe ouvrière en se tournant vers la guerre. La classe ouvrière doit opposer à cette folie qui menace la planète entière d’anéantissement sa propre solution: la lutte pour la révolution socialiste mondiale.
(Article paru d’abord en anglais le 18 octobre 2022)
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…
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