Par Karine Bechet-Golovko
Hier, sur fond d’annonce de l’organisation des référendums ces jours-ci concernant l’entrée dans la Fédération de Russie non seulement des républiques indépendantes de Donetsk et Lougansk, mais également des régions de Kherson et de Zaporojié, contrôlées par la Russie, une adresse de Poutine à la Nation a également été annoncée. Elle a eu lieu ce matin et change radicalement le visage de ce conflit. Dans tous les cas, l’Opération militaire spéciale prend fin, la Russie prend sérieusement en charge la défense de son intégrité territoriale sur un front de près de 1 000 km. La mobilisation partielle est annoncée. L’histoire reprend son cours.
Ce matin, à 9h, Poutine s’est adressé à la Nation, pour annoncer les pas qu’il estime absolument nécessaire, je cite, pour protéger la souveraineté, la sécurité nationale et l’intégrité territoriale de la Russie, face à la politique agressive menée par les élites atlantistes. Regardez ici (en russe) :
Quatres éléments particulièrement importants sont ici à retenir.
Tout d’abord, la Russie va garantir la sécurité de l’organisation des référendums et reconnaître leurs résultats dans les territoires de DNR, LNR, de la région de Kherson et de la région de Zaporojié (sur la partie du territoire, qui est contrôlée par la Russie, sachant que la région vient de rompre toutes relations avec l’Ukraine). Comme l’a déclaré Poutine :«Nous savons que la majorité des personnes vivant dans les territoires libérés des néonazis, qui sont les terres historiques de Novorossia, ne veulent pas être sous le joug du régime néonazi. A Zaporozhye, dans la région de Kherson, à Lougansk et à Donetsk, ils ont vu et voient les atrocités commises par les néo-nazis dans les zones occupées de la région de Kharkov ».
Le clan atlantiste est immédiatement monté au créneau pour déclarer que ces référendums sont illégaux et leurs résultats ne seront pas reconnus. Le fait que l’OTAN, les Etats-Unis et leurs pays satellites comme la France ou l’Allemagne, ne reconnaissent pas les résultats des referendums, qui se tiendront entre le 23 et le 27 septembre, n’a in fine aucune incidence, en dehors du discours médiatique : ces referendums sont le socle de la légitimité intérieure pour l’intégration de ces territoires, selon la volonté des populations y vivant, dans le cadre de la Fédération de Russie. Ce qui est l’essentiel pour la vie des personnes, y vivant.
Cette démarche est juridiquement fondée, puisque l’Ukraine comme Etat n’existe plus depuis 2014, en raison du dysfonctionnement de ses institutions, de la non-effectivité systémique de son ordre juridique et de sa condition de protectorat altantiste. Or, un Protectorat ne peut être un pays souverain. Or, un Etat ne peut être que souverain, sinon il n’est pas. Par ailleurs, la Russie étant, elle un pays souverain a parfaitement le droit de déterminer ses frontières et les conditions d’intégration d’autres territoires. Un Etat n’existe pas parce qu’il plait ou non à la communauté internationale, ces dernières années nous avons totalement basulé dans la pensée globaliste, la Russie reste attachée aux fondamentaux, à la pensée juridique classique. Et en cela, elle est légitime. Matvienko, la présidente du Sénat russe, a déjà annoncé que suite aux résultats des référendums, si leur entrée dans la Fédération de Russie est votée, alors le Conseil de la Fédération mettra tout en oeuvre pour que cela soit réalisé au plus vite.
L’urgence est celle de la protection des populations, qui passent ainsi directement sous protection russe. Comme l’a déclaré Kossatchev, le vice Président du Conseil de la Fédération, après les référendums, toute attaque contre ces territoires sera considérée comme une attaque contre la Russie, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Ce qui devrait faire réfléchir.
Ensuite, Vladimir Poutine a annoncé une unification de l’armée, une unification du statut des différentes composantes et surtout leur prise en charge centralisée logistique. Cette décision est fondamentale pour renforcer l’effectivité de l’armée.
Un troisième point a particulièrement été pointé en Occident : face aux menaces toujours plus grandissantes, contre la sécurité des personnes et du territoire national, la Russie est prête à utiliser toutes les armes dont elle dispose, selon la doctrine militaire établie, ce qui concerne également les armes nucléaires. Et Poutine de souligner, que l’Occident collectif peut être certain du sérieux des intentions de la Russie. Le ton a réellement changé et Poutine vient d’acter la fin de l’Opération militaire spéciale :
«Notre pays dispose aussi de divers armes de destruction, parfois plus modernes que ceux des pays de l’OTAN.
En cas d’une menace pour l’intégrité territoriale de notre pays, pour protéger la Russie et notre peuple, nous utiliserons tous les moyens, ce n’est pas du bluff.
Ceux qui essaient de nous faire du chantage avec des armes nucléaires devraient savoir que la rose des vents peut aussi tourner dans leur direction »
La Russie n’a plus l’intention de retenir ses forces et assume la dissuasion réelle. Surtout que, comme l’a déclaré Choïgu, le ministre russe de la Défense, elle cible désormais son véritable ennemi : «la Russie ne se bat pas tant contre l’Ukraine, que contre «l’Occident collectif«.
Le dernier point est celui de la mobilisation partielle du pays, pour laquelle Poutine a déjà signé l’oukase. Le front aujourd’hui est de plus de 1 000 km rappelle-t-il et les différentes offensives menées et organisées sous commandement des forces de l’OTAN montrent que l’Ukraine sera utilisée jusqu’au bout et encore pour attaquer le Donbass, et pour attaquer le territoire russe en Crimée. L’on peut ajouter que, dans ce cas, l’armée atlantico-ukrainienne ne s’arrêterait pas à la Crimée, ce que Poutine a laissé sous-entendre. Dans ces conditions, la mobilisation partielle du pays est nécessaire. Sa partialité permet de ne pas rompre l’équilibre avec les pays de l’OTAN, tout en renforçant le potentiel militaire actif, puisque l’accent est mis sur les personnes ayant une formation et une expérience militaire, c’est-à-dire pouvant être opérationnelles immédiatement. Le texte de l’oukase publié sur le site du Kremlin énonce ceci :
«1. D’annoncer une mobilisation partielle en Fédération de Russie à partir du 21 septembre 2022.
2. Réaliser l’appel des citoyens de la Fédération de Russie au service militaire pour la mobilisation dans les Forces armées de la Fédération de Russie. Les citoyens de la Fédération de Russie appelés au service militaire par mobilisation ont le statut de personnel militaire servant dans les Forces armées de la Fédération de Russie en vertu d’un contrat.
3. Établir que le niveau de rémunération des citoyens de la Fédération de Russie appelés au service militaire par mobilisation dans les Forces armées de la Fédération de Russie correspond au niveau de rémunération des militaires servant dans les Forces armées de la Fédération de Russie en vertu d’un contrat .
4. Les contrats de passage au service militaire conclus par les militaires restent valables jusqu’à la fin de la période de mobilisation partielle, à l’exception des cas de renvoi des militaires du service militaire pour les motifs établis par le présent décret.»
Faisons ici une remarque : ces «contrats» ne sont donc plus à durée déterminée, ils servent de cadre juridique pour la prise en charge, la détermination du statut et la rémunération — pour le temps de la mobilisation, c’est-à-dire le temps de la guerre. Nous sortons de la logique du «volontariat» et l’Etat reprend le contrôle de la situation. Les fondements pour la rupture du service sont établis ainsi :
«5. Établir pendant la période de mobilisation partielle, les fondements suivants pour le renvoi du service militaire des militaires effectuant leur service en vertu d’un contrat, ainsi que des citoyens de la Fédération de Russie, appelés au service militaire pour la mobilisation dans les forces armées de la Fédération de Russie :
a) par âge — après avoir atteint la limite d’âge pour le service militaire;
b) pour des raisons de santé — dans le cadre de leur reconnaissance par la commission médicale militaire comme inapte au service militaire, à l’exception des militaires qui ont exprimé le souhait de poursuivre leur service militaire à des postes militaires pouvant être remplacés par le personnel militaire spécifié ;
c) dans le cadre de l’entrée en vigueur d’un verdict de justice sur l’imposition d’une peine d’emprisonnement.»
Le Gouvernement doit mettre en oeuvre immédiatement l’oukase, qui est entré en vigueur aujourd’hui, au jour de sa publication :
«6. Au Gouvernement de la Fédération de Russie :
a) financer des activités de mobilisation partielle ;
b) prendre les mesures nécessaires pour répondre aux besoins des Forces armées de la Fédération de Russie, des autres troupes, formations et corps militaires pendant la période de mobilisation partielle.
8. Les plus hauts fonctionnaires des entités constitutives de la Fédération de Russie assurent la conscription des citoyens pour le service militaire en vue de leur mobilisation dans les forces armées de la Fédération de Russie en nombre et dans les délais déterminés par le ministère de la Défense de la Fédération de Russie. pour chaque entité constitutive de la Fédération de Russie.
9. Accorder aux citoyens de la Fédération de Russie travaillant dans des organisations du complexe militaro-industriel le droit de surseoir à la conscription pour le service militaire de mobilisation (pour la période de travail dans ces organisations). Les catégories de citoyens de la Fédération de Russie, qui bénéficient du droit d’ajournement, et la procédure d’octroi sont déterminées par le gouvernement de la Fédération de Russie.
10. Le présent décret entre en vigueur à compter du jour de sa publication officielle.»
Saint-Pétersbourg vient déjà d’établir une commission de conscription, ainsi que Sebastopol. Le ministre de la Défense, Choïgu, a précisé qui était concerné. Tout d’abord, il faut précisé que la Russie bénéficie d’une réserve de mobilisation phénoménale (25 millions de personnes), actuellement 300 000 réservistes seront concernés, selon les critères suivants :
«- ce ne sont que ceux qui ont servi, ont une spécialité militaire, c’est-à-dire la spécialité dont on a besoin aujourd’hui dans les forces armées et qui ont une expérience de combat;
— on ne parle pas d’une quelconque mobilisation des étudiants, qui étudient dans les universités ;
— dans le cadre de la mobilisation, environ 1% de la ressource de mobilisation sera engagée;
— les appelés ne seront pas envoyés dans la zone de combat»
L’histoire ne s’arrête pas, elle semble parfois suspendue, mais obligatoirement elle reprend son cours. Aussi, c’est le cas. A chacun de nous de faire son choix, car notre choix fait l’histoire. Dans quel monde voulons-nous vivre ? Le temps de la confortable neutralité est définitivement passé.
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Source : Russie politics
https://russiepolitics.com/…
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