Par Jean-Guy Greilsamer
J’ai longtemps hésité avant de trouver un titre à cet article, pour ne pas choquer certain.e.s bon.ne.s camarades. Vous comprendrez pourquoi.
La solidarité avec le peuple palestinien mobilise depuis longtemps des gens attachés au respect des droits humains, à la justice, à la défense des opprimés, et appartenant à des milieux sociaux divers. Ainsi :
Les milieux culturels, qui analysent les nombreuses œuvres en rapport avec le peuple palestinien, notamment des films et des œuvres littéraires, et valorisent la riche culture palestinienne.
Les juristes, qui démontent minutieusement les lois coloniales et d’apartheid israéliennes et défendent la liberté d’expression des amis du peuple palestinien, et notamment celle de la Campagne BDS.
Les historiens, qui sont à l’affût des détails et des révélations sur la véritable histoire de la Palestine et celle des populations juives, souvent nommées « peuple juif ».
Les Juifs anticolonialistes non israéliens, catégorie dont je fais partie, qui se révoltent contre les horreurs commises en leur noms.
Les personnes arabes ou arabo-musulmanes issues de l’immigration maghrébine postcoloniale et pour qui les Palestiniens représentent la figure des opprimés qui leur sont proches.
Des personnalités expertes sur la question israélo-palestinienne, et que les milieux militants s’arrachent à juste titre pour qu’elles soient têtes d’affiches des meetings qu’ils organisent.
Des gens qui sont devenus, suite parfois aux hasards de leur vie, très attachés au sort des Palestiniens. Cela peut être suite à un voyage en Palestine qui les a traumatisé, ou parce qu’un ou plusieurs de leurs proches s’intéressent activement à la Palestine et/ou Israël.
Bien évidemment des personnes cumulent des engagements dans plusieurs parmi ces catégories.
Ceci dit, cette énumération exclut une large catégorie de gens sincères, sensibles aux injustices et qui ne semblent pas avoir de raison particulière de soutenir le peuple palestinien plutôt que d’autres opprimés ou d’autres causes importantes. Ces gens, ce sont ceux que j’ai nommé « le commun des mortels ». Je pense qu’il est possible de les mobiliser plus amplement malgré la complexité de la situation en France (et ailleurs) liée à la multiplicité des luttes.
Il faut d’abord s’opposer au point de vue, entretenu par de nombreux courants idéologiques diffus, selon lequel la situation en Palestine et Israël, c’est très compliqué, c’est une affaire de spécialistes. Est-il en effet nécessaire face aux horreurs de la politique israélienne, de d’abord connaître tout l’historique avant de se décider à se mobiliser activement ? J’ai parfois envie d’utiliser une expression populaire pour dire : « Est-il besoin d’avoir fait polytechnique » pour comprendre ce qui se passe en Palestine ? Israël impose une politique coloniale, d’apartheid et d’épuration ethnique au peuple palestinien, commet un sociocide, veut rayer la Palestine de carte, réprime systématiquement les résistants en n’hésitant pas à les assassiner. Allons-nous laisser continuer cette hécatombe de jeunes qui préfèrent mourir dignement que de vivre humiliés ?
Ensuite en France le soutien au peuple palestinien présente des enjeux plus importants que le seul soutien à un peuple persécuté.
Il y a beaucoup de peuples persécutés et nous savons que malheureusement les mobilisations de soutien à certains peuples ont peu de possibilités de s’amplifier en France.
S’agissant d’Israël/Palestine la population ici est directement concernée.
Rappelons d’abord un constat banal : la France est le pays d’Europe où il y a à la fois le plus de Juifs et le plus d’arabo-musulmans, pour qui (ainsi que pour leurs nombreux proches) le sujet est donc fréquemment sensible.
Ensuite, du point de vue des mobilisations pour la paix dans le monde, très nécessaires dans la période inquiétante actuelle, l’État d’Israël, avec le soutien des États-Unis et de l’Union européenne, est un État particulièrement dangereux, menaçant pour certains pays et pas seulement la Palestine, et grand fournisseur d’armes et de matériel de répression testé sur les Palestiniens, qui servent de cobayes.
Enfin et surtout, nous devrions pouvoir mobiliser potentiellement plus largement sur le fait qu’Israël est à l’avant-garde d’une politique qui inspire d’importants courants politiques en France, dont notre gouvernement : une politique sécuritaire, discriminatoire, anti-migrants, raciste, suprémaciste. Et l’État d’Israël vend et perfectionne les instruments de cette politique : logiciels de surveillance des populations (scandale lié au logiciel Pegasus), drones sophistiqués, matériel répressif High Tech destiné à la répression des révoltes populaire, etc
Cela pose à toute la population la question : dans quel monde voulons-nous vivre ?
C’est pourquoi il est si important d’introduire ces enjeux pour la poursuite des mobilisations en cours que sont :
- la Campagne BDS dont l’embargo militaire,
- l’antisionisme et l’opposition ferme à l’assimilation du sionisme à l’antisémitisme,
- la poursuite des criminels de guerre israéliens par la Cour Pénale Internationale,
- l’opposition aux définitions de l’antisémitisme soutenant l’État d’Israël,
- la suspension de l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne,
- le soutien à l’Initiative Citoyenne Européenne pour l‘interdiction des produits des colonies,
- l’abrogation de la circulaire Alliot-Marie et Mercier destinée à poursuivre les militants du mouvement BDS, ce mouvement relevant de la liberté d’expression, conformément à la condamnation de la France -qui poursuivait des militants- le 11 juin 2020 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme,
- l’abrogation de la Dépêche du 20 octobre 2020 du ministre de la justice Dupont Moretti qui vise à préserver la pénalisation des appels au boycott.
C’est pourquoi en poursuivant ces mobilisations nous nous engageons pour notre propre avenir ici même.
Paris, le 2 septembre 2022
Jean-Guy Greilsamer, membre de la Coordination nationale de l’UJFP
Source : UJFP
https://ujfp.org/…