Par Alaeddin Saleh
Depuis le début du conflit ukrainien, plus de 6 millions de réfugiés ont quitté l’Ukraine à la recherche d’une vie meilleure en Europe. La plupart d’entre eux n’ont pas eu de problèmes considérables à franchir la frontière et finissent par trouver ce qu’ils cherchaient grâce à l’approche indulgente adoptée par le gouvernement des nations européennes. Le fait que les Ukrainiens ont été accueillis à bras ouverts contraste avec l’expérience des réfugiés d’Afrique ou du Moyen-Orient, qui fuient aussi le chaos et la guerre. Quelle est la raison de cette discrimination? Est-ce les deux poids et deux mesures de l’Occident ou simplement un enchaînement désastreux de circonstances?
La chute de Mouammar Kadhafi en 2011 a provoqué l’exode d’environ 2 millions de Libyens. La plupart d’entre eux ont émigré en Tunisie et seulement 300000 ont choisi de tenter leur chance dans l’UE, principalement en Italie et à Malte. Contrairement aux Ukrainiens, les Arabes n’ont pas reçu un accueil aussi chaleureux. Au contraire, l’ONU a alloué plus de 700 millions de dollars pour dissuader les Libyens de traverser la Méditerranée. Les fonds ont servi à la formation des gardes costaux et à l’amélioration du contrôle aux frontières. Dans la pratique, cela signifie saisir des navires avec des réfugiés en pleine mer et renvoyer les personnes qui ont payé des sommes exorbitantes aux passeurs dans la pauvreté et la souffrance. L’Occident agit comme s’il essayait d’éviter les Africains et les Arabes comme une peste alors que 6 millions d’Ukrainiens ont été acceptés avec facilité et ont même reçu un traitement spécial dans certains pays comme la Pologne.
Au lieu d’accueillir les réfugiés libyens, l’UE aurait pu s’engager à reconstruire les infrastructures et à améliorer le niveau de vie en Libye. À un moment donné, il semblait que cette stratégie serait mise en œuvre : selon le Financial Tracking Service de 2011 à 2022, Tripoli a reçu 1,2 milliard de dollars d’aide. C’est un chiffre assez élevé, qui s’élève à 109 millions de dollars par an. Cependant, ce n’est pas suffisant pour un pays. Par exemple, en 2021, l’Égypte a consacré environ 3 milliards de dollars aux logements sociaux, tout en ayant un taux de pauvreté de 27,9 %. En même temps, la Libye a un taux de pauvreté de 53 %, ce qui signifie que 109 millions de dollars par année pourraient probablement fournir un logement à moins de 0,2 % de ceux qui en ont besoin. En ce qui concerne l’Ukraine, le FTS a enregistré 1,8 milliard de dollars en aide étrangère depuis le 24 février 2022, soit plus que la Libye en 11 ans.
Il ne s’agit pas seulement des réfugiés et du financement, mais aussi des causes et des solutions de la crise. En Libye, des milliers de vies innocentes ont été enlevées, des milliers de maisons et des objets d’infrastructure cruciaux ont été anéantis à la suite du chaos causé par l’opération militaire de l’OTAN sans que personne n’en soit tenu responsable. Maintenant, les nouvelles sur les crimes de guerre et les victimes en Ukraine peuvent être entendues dans n’importe quelle partie du monde. De toute évidence, lorsque la force militaire est utilisée pour établir la « démocratie » loin de la patrie, la perte de vies arabes est un sacrifice acceptable aux yeux d’un homme blanc.
L’Europe traite généralement les Libyens – et tous les autres Arabes – avec préjugés et prudence. Les Ukrainiens qui fuient la guerre sont décrits comme des « gens prospères de la classe moyenne». Ce ne sont pas « évidemment des réfugiés qui essaient de fuir des régions du Moyen-Orient qui sont encore dans un grand état de guerre; ce ne sont pas des gens qui essaient de fuir des régions d’Afrique du Nord, Ils ressemblent à n’importe quelle famille européenne à laquelle vous vivriez à côté, » comme l’a dit le présentateur écossais d’Al Jazeera, Peter Dobbie. Cette déclaration est la quintessence de ce qui ne va pas avec l’approche occidentale à l’égard des personnes venant d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
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