Shireen Abu Akleh était une journaliste éminemment respectée qui depuis 1997,
travaillait pour Al Jazeera – Photo : Al-Jazeera
Par Daniel Vanhove
On a beau vivre dans un monde inondé d’images, toujours plus envahissantes tant dans la sphère publique que privée – photos, magazines, cinéma, télés, pubs, clips, selfies,… – il en est certaines qui sont plus difficiles à digérer que d’autres, et qui demandent un certain temps pour y revenir. Tant le choc qu’elles provoquent vous met KO. Ainsi du meurtre de la journaliste Shireen Abu Akleh, puis de l’hommage funéraire que lui a rendu le lendemain la population palestinienne chrétienne comme musulmane.
Les tentatives obséquieuses de certains responsables politico-médiatiques insinuant le doute d’une balle perdue tirée par la résistance palestinienne ajoute encore à l’abjection du geste et du régime qui l’autorise, quand la localisation par GPS ne laisse aucun doute et permet d’établir l’impossibilité d’une telle hypothèse.
Et pourtant, les autorités israéliennes persistent à refuser toute enquête extérieure sur les faits. Ce qui peut laisser penser à la responsabilité de hauts placés à protéger dans la sinistre hiérarchie de ce régime d’assassins dont on sait qu’il s’évertue par tous les moyens à taire et cacher ses crimes.
Comme si cela n’avait pas suffi, il a fallu ensuite assister à la barbarie de la soldatesque israélienne s’en prenant au cortège funèbre qui avec dignité et sans rendre les coups portait le cercueil de la victime jusqu’à sa dernière demeure.
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Ce que ce régime à bout de souffle – ainsi de ceux qui le soutiennent – ne comprend pas, c’est que de telles images sont finalement bien plus mortelles pour lui que n’importe quel missile qui lui serait destiné. Et referment la tombe sur cette sinistre colonie où se réfugient tous les demeurés qui y revendiquent leur lieu de vie au nom d’une judéité plus qu’ambiguë, sans voir que ce pourrait bien être leur lieu de mort.
Suivre les sites alternatifs et locaux d’informations – parce que les merdias habituels et leurs journaleux de service se gardent bien d’en parler – pour avoir des éléments fiables sur ce qui se passe en Palestine occupée finirait presque par habituer le citoyen aux horreurs devenues quotidiennes sous l’étendard de ce régime colonial présenté comme « la seule démocratie de la région ».
Mais en tant qu’êtres humains nous ne pouvons en aucun cas tomber dans ce piège d’être blasés et blindés par l’insoutenable. Les images qui nous arrivent de ce territoire exigu et les drames qui s’y déroulent ne peuvent jamais nous trouver hermétiques à ce qu’elles véhiculent.
Nous devons en priorité garder le sens de la justice et préserver notre humanité, notre esprit de compassion, d’empathie et de solidarité qui fait de ces opprimés palestiniens, des frères et des sœurs auxquels nous avons le devoir de solidarité.
L’on ne peut passer en revue toute l’horreur des crimes quotidiens de ce régime qui se manifeste à tous les niveaux.
L’horreur des blessures infligées volontairement à la jeunesse palestinienne pour l’handicaper à vie ; celle des maisons détruites à coup de bulldozers et leurs habitants jetés à la rue ; celle des check-points où s’entassent les travailleurs en pleine nuit pour tenter d’arracher à l’aube quelque boulot leur permettant d’assurer le minimum vital pour la famille ; celle du déracinement d’oliviers parfois centenaires par des colons tarés à peine arrivés ; celle de ces tentes misérables démantelées pour la énième fois où vaille que vaille survivent quelques familles bédouines ; ou encore celle du camp concentrationnaire qu’est devenue la bande de Gaza maintenue sous un blocus féroce depuis près de 15 ans, etc, etc…
Toutes, insupportables, sans même aborder celle des dommages psychologiques sur plusieurs générations que cette barbarie provoque. Mais l’assassinat de la journaliste Shireen Abu Akleh – s’ajoutant à celui d’autres journalistes systématiquement « liquidés » – aux abords du camp de réfugiés de Jenin, filmé en direct par la résistance palestinienne ne laisse plus aucune doute.
Ce crime délibéré s’ajoute à ceux qui pavent l’enfer de ce que vivent les Palestiniens depuis la Nakba de 1947 et qui ne s’est jamais arrêtée. Et devra s’ajouter à ceux du dossier instruit à la CPI.
Comment nos États, claironnant à tous vents leurs critères indépassables en termes de « droits humains », peuvent-ils accorder une telle impunité aux responsables de ces atrocités incessantes et espérer rester crédibles ?! C’est précisément à cause de cet octroi d’impunité que ce régime se permet tout, perpétue ses crimes et s’enfonce dans l’innommable.
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Au point qu’il y a quelques jours, une délégation officielle de l’UE a voulu se rendre en Palestine pour enquêter sur le crime de Shireen Abu Akleh, mais s’en est vue refuser l’accès.
Voilà la réponse cinglante des autorités de ce régime à la lâcheté de nos responsables politiques. Celle-ci est une courroie de transmission directe aux exactions que pratiquent ce régime, ses colons racistes fanatisés et ses forces armées d’occupation.
Il faut d’ailleurs souligner que cette colonie qui prétend à l’appellation « d’État » n’en est pas un. Et vu les lois et les règles qui y sont appliquées sur une partie de sa population, l’ajout « démocratique » est un comble d’hypocrisie, tout autant immérité.
Tous les citoyens qui utilisent encore cette qualification « d’État » devraient intégrer cet élément. « Israël » doit être assimilé et qualifié pour ce qu’il est : un régime colonial d’apartheid nourri de racisme et d’idéologie fasciste, comme l’est toute idéologie coloniale.
Il ne mérite en aucun cas l’appellation « d’État ». Et tous ceux qui se revendiquent d’une vraie « démocratie » savent et connaissent le sort qui doit être réservé à de tels régimes : l’abolition, tel que ce le fut en Afrique du Sud.
Si l’écrasante majorité des citoyens du régime colonial d’apartheid israélien s’est habitué à ce que ses forces armées traitent les Palestiniens de la sorte, c’est en grande partie à cause de son aveuglement obtus à l’idéologie sioniste et au laisser-faire occidental.
Raison de plus pour laquelle l’amalgame entre anti-sionisme et anti-sémitisme de certains doit être refusé.
Et si nombre de nos responsables politico-médiatiques y souscrivent c’est pour tenter de se départir de leur écrasante responsabilité dans les crimes que l’on voit se perpétuer contre les Palestiniens depuis des décennies… et que ceux-là autorisent sans la moindre mesure ou sanction à la hauteur des forfaits, se bornant à leurs habituelles « inquiétudes » ou « leurs vives préoccupations » et toutes sortes de formules hypocrites du même style qui ne dupent plus personne.
Le sionisme présente, avec parfois ses nuances de gris, tous les signes d’une pathologie, le racisme, et par leur manque de courage et de probité nos gouvernements entretiennent la maladie.
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Ainsi, faut-il également répéter à ceux qui envers et contre tout soutiennent ce qu’ils nomment le « peuple élu » que le terme même de « peuple » est inadéquat : il n’y a pas plus de « peuple » juif que de « peuple » musulman ou de « peuple » chrétien. C’est-là encore une tentative sournoise pour récupérer la chose politique par le biais religieux.
Et quand ils en rajoutent et en encensent l’intelligence, ils devraient surtout comprendre qu’il s’agirait plutôt d’un « peuple maudit ». Parce que s’il était aussi intelligent que ceux-là le prétendent dans leur essentialisme primaire, ce « peuple » aurait compris depuis longtemps qu’il creusait activement sa propre tombe. Autre raison pour laquelle le sionisme est bien l’ennemi du judaïsme traditionnel qui ne s’y reconnaît pas.
En réalité, derrière leur fidélité de façade, les pro-sionistes de chez nous n’ont toujours pas réglé leur problème raciste vis-à-vis des juifs et voudraient se montrer plus juifs que les premiers intéressés. Ils sont en réalité l’un des dangers majeurs pour eux.
Alimentés par cette funeste idéologie qui leur rappelle régulièrement leurs crimes sous l’occupation nazie, et voulant ainsi prouver leurs regrets éternels pour le mal causé, ceux-là veulent arrimer la colonie et la faire appartenir à l’Occident par l’entremise de tout ce qui leur tombe sous la main, invitant cet odieux régime à participer « quoi qu’il en coûte » (mais sur le dos des Palestiniens) aux manifestations européennes culturelles, artistiques, sportives et autres.
Ainsi, entretiennent-ils le mythe, nourrissent-ils l’illusion de se racheter.
Cet abject régime colonial et les images d’horreur qu’il véhicule est pourtant condamné à disparaître. Et les Palestiniens le rappellent de manière brûlante, chaque jour. Ce régime est une horreur. A vrai dire, il est l’horreur incarnée.
Et puisque nos responsables le laissent non seulement se développer mais s’en rendent complices, les Palestiniens lui régleront son compte. N’en doutez jamais !
Auteur : Daniel Vanhove
* Daniel Vanhove est Observateur civil et membre du Mouvement Citoyen. Il a publié aux Ed. Marco Pietteur – coll. Oser Dire : Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes – 2004 et La Démocratie mensonge – 2008. Consultez son blog.
24 mai 2022 – Communiqué par l’auteur
Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…