Communiqué de l’UJFP

Après de multiples aléas dus aux mesures sanitaires justifiées par la pandémie de Covid, l’Assemblée Générale de l’Union Juive Française pour la Paix a enfin pu avoir lieu les 19 et 20 mars 2022. Elle a confié à la Coordination nationale élue le soin de rédiger le texte d’orientation dont les grandes lignes ont été adoptées lors de cette AG.

L’actualité immédiate est marquée sur le plan international par la guerre menée par le dictateur Vladimir Poutine contre le peuple ukrainien. Cependant bien d’autres chefs d’États ont affiché ces dernières années une brutalité décomplexée. Dans le cadre de l’OTAN, les États-Unis poursuivent leur politique impérialiste tout autant belliqueuse et meurtrière. Dans un tel contexte, les idées racistes et suprématistes progressent partout dans le monde et ici-même en France les migrants, exilés, sans-droits subissent une inhumanité accrue.

Les deux pôles d’activités que sont le soutien à la Palestine et la lutte antiraciste sont le cœur de l’engagement de l’UJFP.

SUR LA PALESTINE :

Forts du soutien de leurs alliés occidentaux et de l’aveuglement des dictatures arabes ayant renforcé les liens avec Israël, les dirigeants autoproclamés de « l’État Nation du Peuple Juif » avec pour capitale Jérusalem ne se donnent plus la peine de dissimuler leur entente avec d’authentiques fascistes, et même souvent antisémites comme c’est le cas en Europe. Une violence coloniale sans limites s’est accentuée à l’encontre des Palestiniens : emprisonnement et expulsions de simples citoyens ou responsables politiques, vol des terres, colonisation, épuration ethnique, accentuation du blocus de Gaza où les bombardements tuent ou mutilent les populations civiles… Le silence des médias et des responsables politiques occidentaux sur la gravité de ces atteintes au droit international s’accompagne d’un contrôle accru des réseaux sociaux où s’exprime un important courant de sympathie populaire en faveur du peuple palestinien, une solidarité qu’on cherche à étouffer. La récente dissolution du Collectif Palestine Vaincra qui a d’ailleurs occupé une partie de nos débats, révèle que dans un contexte de solidarité anti-guerre en faveur de l’Ukraine, solidarité largement médiatisée alors qu’elle fut toujours refusée aux Palestiniens, le pouvoir en France s’en prend ouvertement à la liberté d’expression et d’association, s’aligne par les propos de son premier ministre au dîner du CRIF sur la politique d’annexion imposée impunément par Israël, au mépris même des engagements de la France à respecter le droit international.

En dépit de ce contexte difficile pour le mouvement de solidarité avec la Palestine, l’évolution récente ne nous permet pas de céder au pessimisme. L’accueil de deux intervenants issus de la jeune société civile palestinienne chargés d’animer un premier atelier, Majd Kayyal d’une part, journaliste et écrivain de Haïfa, et Inès Abdel Razek d’autre part, directrice du plaidoyer pour le Palestine Institute for Public Diplomacy et membre du think tank Al Shabaka, a permis d’affiner notre perception de la situation nouvelle qui se présente et d’en tirer les leçons pour nos actions à venir. Il ressort des débats :

– Tout d’abord, l’aspiration à l’unité nationale palestinienne s’est révélée fortement à l’occasion de la dernière agression israélienne contre Gaza en mai dernier. Les anciens schémas politiques ont éclaté et nécessitent de prendre des distances avec les organisations politiques officielles. L’UJFP affirme son soutien à la société civile palestinienne prise dans sa diversité et sur l’ensemble du territoire mandataire, en incluant bien sûr les Palestiniens réfugiés et exilés.

– À côté de nos actions pour l’autonomie alimentaire à Gaza et de nos engagements à faire connaître via Gaza Stories la vitalité de cette société sous blocus, objectifs que nous poursuivrons, nous veillerons  à soutenir au moins un projet parmi les coopératives et associations qui se développent en Cisjordanie et en Palestine de 48. L’UJFP s’engagera dans de nouvelles initiatives, sachant qu’il est aussi de notre devoir de soutenir plus activement au moins une des six ONG interdites en Palestine. La solidarité avec la Palestine passe également par notre soutien aux anticolonialistes israéliens, d’autant qu’ils restent isolés et que leur courage est exemplaire.

– La publication récente du rapport d’Amnesty International sur l’apartheid israélien constitue une avancée essentielle dans la bataille que nous menons avec nos alliés pour obtenir enfin des sanctions contre Israël, une bataille qui, il faut l’espérer, sera également portée devant la CPI (Cour pénale internationale) pour que soient enfin jugés les crimes de guerre commis contre les Palestiniens. L’UJFP, qui a inscrit l’antisionisme dans sa charte, utilisera les rapports dénonçant l’apartheid israélien pour construire des projets d’intervention sur cette question et faire comprendre le lien étroit qui existe entre l’apartheid israélien et l’idéologie sioniste qui anime cette politique.

– L’UJFP devra également poursuivre son implication dans le cadre de l’initiative citoyenne européenne (ICE) pour mettre fin au commerce avec les colonies dans les territoires occupés, campagne relayée en France par la Plateforme des ONG pour la Palestine et en Europe par ECCP (European Coordination of Committees and Associations for Palestine) afin d’atteindre le million de signatures avant le 20 février 2023.

– En raison de la persistance d’un sionisme de centre-gauche devenu obsolète, il convient en tant qu’UJFP de mobiliser le mouvement de solidarité et les partis politiques pour faire pression sur le gouvernement et participer aux collectifs locaux qui démarcheront auprès des candidats aux prochaines législatives. L’UJFP engagera le dialogue pour faire progresser les partis de gauche qui sont encore sur des positions naïves, Inès Abdel Razek ayant évoqué les exemples encourageants de la récente évolution aux États-Unis où les citoyens états-uniens commencent à contester le soutien à Israël, y compris parmi les Juifs, ce qui ne se voit pas en France.

– Nous continuerons à nous impliquer dans les différents collectifs existants de défense des droits des Palestiniens, qu’il s’agisse de la Plateforme des ONG pour la Palestine, du Collectif National, d’ECCP, d’EJJP, du Collectif juif international pour la justice en Palestine, sans oublier le Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah…

– Notre implication dans la campagne BDS France reste essentielle là où existent des comités qui relaient les actions préconisées par le BNC palestinien. Il en est de même avec l’AFPS qui compte parmi ses militants des membres de l’UJFP qui y sont actifs et il serait bienvenu d’engager avec l’AFPS des micros-projets sociaux, sachant que l’année écoulée a été marquée par le succès de Gaza balle au pied à l’occasion de la tournée des footballeurs handicapés de Gaza, un événement organisé conjointement par nos deux associations.     

– Dans le cadre du groupe de travail inter-associations, nous poursuivrons le travail systématique d’analyse des livres scolaires et des autres documents en direction des jeunes sur la question de la Palestine.

SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME :

Dans un contexte où le racisme d’État n’a jamais été aussi évident et où l’islamophobie a conduit aux dissolutions d’organisations de défense des musulmans dont le CCIF, notre partenaire dans la plateforme antiraciste, et alors que les médias auront largement contribué à la fascisation du débat public et révélé leur complaisance à l’égard d’une extrême droite décomplexée aux portes du pouvoir, le camp antiraciste, affaibli et divisé, subit les calomnies et les violences policières. Malgré tout, l’antiracisme décolonial a gagné la bataille culturelle, raison pour laquelle le pouvoir s’attaque à l’université et ne peut enrayer la solidarité qui s’organise avec succès autour des migrants et des sans-papiers, contre les violences policières et la menace de l’extrême-droite, motif de l’importante mobilisation qui s’est déroulée le jour même de notre assemblée générale.

L’UJFP rappelle son engagement contre le racisme sous toutes ses formes et dénonce la montée des discours et des actes racistes dont ceux qui relèvent de l’antisémitisme. Les récentes polémiques reprochant à la gauche, sans argumentation sérieuse, de ne pas en faire assez sur cette question et visant plus particulièrement notre organisation, nous ont conduits à tenir un atelier de réflexion sur notre conception de la lutte contre l’antisémitisme dans le cadre de la lutte contre le racisme d’État :

Nous réaffirmons avec force la nécessité de mener la lutte contre l’antisémitisme, mais de la mener en l’autonomisant de toute pression étatique, communautaire ou sioniste.

Nous nous engageons à continuer de déconstruire l’amalgame qui conduit à assimiler l’antisémitisme à l’antisionisme, amalgame que l’on trouve notamment dans l’instrumentalisation de la définition de l’IHRA. Ces deux notions sont à distinguer d’autant que la confusion entretenue n’a pas d’autre but que de criminaliser toute critique d’Israël. La publication à venir de notre livre L’antisionisme, une histoire juive, sera un des éléments de notre réponse à cette mystification et nous aurons à la faire connaître.

– L’UJFP doit approfondir ses analyses sur les causes de l’antisémitisme en France, son instrumentalisation et les moyens de lutter contre. C’est avant tout un travail pédagogique qui touche à la façon dont le racisme est abordé dans les manuels scolaires, notamment d’éducation civique. Notre précédent ouvrage Une parole juive contre le racisme reste un outil essentiel pour dégager la jeunesse du piège du racisme et l’orienter vers un travail politique et citoyen permettant de dépasser les réactions purement émotionnelles et les tensions intercommunautaires.

– L’UJFP va poursuivre ses initiatives de communication dans les médias alternatifs et les réseaux sociaux.

– Il est décidé de contacter toutes les associations, partis et syndicats partenaires de l’UJFP afin de discuter avec eux des enjeux posés par ces questions et de notre positionnement sur le racisme.

– L’UJFP continuera de lutter contre toutes les formes de racisme : islamophobie, négrophobie, judéophobie, aux côtés des Rroms, des Asiatiques, des migrants ou exilés… Ce combat exige que nous participions à la reconstruction d’un espace antiraciste politique où nous aurons notre place en tant qu’organisation portant une parole juive. Notre organisation devra aussi s’investir davantage dans les initiatives prises par la Marche des Solidarités qui implique le soutien aux migrants, sans-papiers et victimes de violences policières. L’UJFP continuera également de participer aux travaux du CRID et aux Universités d’été des mouvements sociaux.

– Enfin, les récents événements nous invitent à relancer la lutte contre l’impérialisme et de la réintégrer dans notre champ d’intervention, même si elle n’a jamais été étrangère à nos combats. De plus, Notre engagement pour les droits du peuple palestinien et comme notre engagement contre le racisme nous conduisent à être partie prenante de mobilisations plus larges pour la défense des droits et libertés, et pour la recherche d’alternatives aux situations que nous dénonçons.

La Coordination nationale de l’UJFP, le 24 avril 2022

Source : UJFP
https://ujfp.org/…

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