Par Luc Michel
# LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/
QUAND L’UKRAINE FAIT OUBLIER LE CHAOS OCCIDENTAL EN LIBYE !
Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/
2022 03 22/
Série III/1399
Avec AFP et Anadolou/
Eclipsée par l’Ukraine, le chaos menace en Libye :
Au moment où tous les regards sont tournés vers l’Ukraine, des médiateurs s’activent pour éviter qu’une impasse politique inextricable ne dégénère en une nouvelle guerre en Libye, où la Russie joue aussi un rôle de premier plan.
Déjà minée par les divisions entre institutions concurrentes dans l’Est et l’Ouest, la Libye se retrouve depuis début mars avec deux gouvernements rivaux, comme elle l’a été entre 2014 et 2021, alors en pleine guerre civile après le renversement du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Un gouvernement présenté par l’ancien ministre de l’Intérieur, Fathi Bachagha, approuvé par le Parlement siégeant dans l’Est, est en effet en concurrence avec le cabinet en place à Tripoli, issu des accords politiques parrainés par l’ONU et dirigé par Abdelhamid Dbeibah qui refuse de céder le pouvoir sinon à un exécutif issu d’élections.
Or M. Bachagha a formé son gouvernement après avoir noué une alliance avec l’homme fort de l’Est libyen, Khalifa Haftar, devenu le principal allié de Moscou en Libye où il est soutenu militairement par des paramilitaires russes (« de la compagnie privée Wagner liée au Kremlin » disent les médias de l’OTAN).
INITIALEMENT, AVANT LA CENTRAFRIQUE ET LE MALI, LES PARAMILITAIRES RUSSES ONT COMBATTU EN LIBYE.
Y-ont-ils été efficaces ? Oui répond Jeune Afrique à la question « Russie-Afrique : les mercenaires de Wagner sont-ils vraiment efficaces ? » : « Engagés en Libye, en Centrafrique et au Mozambique ces dernières années, les hommes de Wagner ont investi le théâtre malien depuis trois mois, suscitant l’enthousiasme d’une partie de l’opinion. Mais ont-ils pour autant prouvé leur savoir-faire ? »
« Nous sommes au début du mois de janvier 2021. Au sein de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC, alliance de groupes armés centrafricains), l’optimisme est de mise. Les chefs de la rébellion, notamment Noureddine Adam et Ali Darassa, affirment à qui veut les entendre qu’ils sont aux portes de Bangui et en mesure de renverser le gouvernement du président Faustin-Archange Touadéra. Leurs troupes asphyxient la capitale, ils en contrôlent les principales voies d’accès, notamment celle reliant la ville au Cameroun et faisant figure d’artère vitale pour alimenter les Banguissois. La victoire n’est, disent-ils, qu’une question de temps. Mais Bangui ne tombera pas. « Le président Touadéra savait qu’il pouvait compter sur le soutien des soldats rwandais et surtout sur les mercenaires de Wagner, qui étaient déjà plus d’un millier. Ce sont eux qui ont desserré l’étau et repoussé les combattants de la CPC », explique une source sécuritaire à Bangui. Aux côtés des alliés « russes » (en réalité des combattants originaires de tout le Caucase, voire de Syrie), l’armée centrafricaine, peu formée et surtout mal équipée, tente de faire bonne figure. Mais Wagner est déjà aux commandes. Installés à Bangui, aux camps de Roux et de Kassaï, et à Berengo, où se situe leur quartier général, les « Russes » sont les fil d
LE « PARI PERDU » DE L’ONU, DES USA ET DE BACHAGA
Le 10 mars, des groupes armés favorables à M. Bachagha avaient pris position aux portes de Tripoli pour le soutenir face à l’exécutif en place, faisant craindre une reprise des hostilités et l’effondrement d’un cessez-le-feu qui tient bon an mal an depuis octobre 2020.
« Bachagha a parié sur la politique du fait accompli, convaincu qu’avec la confiance du Parlement (…) il pourrait évincer sans difficulté le gouvernement soutenu par la communauté internationale. Mais il s’est vite rendu compte que c’était un pari perdu », souligne Khaled al-Montasser, professeur de relations internationales à l’université de Tripoli. L’émissaire du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Stephanie Williams, et l’ambassadeur des Etats-Unis, Richard Norland, ont dû déployer une intense activité diplomatique pour éteindre la mèche après la mobilisation des groupes armés pro-Bachagha, et s’efforcent depuis de favoriser une sortie de crise négociée.
La semaine dernière, les principales puissances au Conseil de sécurité ont affiché lors d’une réunion à l’ONU une grande prudence à l’égard de cette crise politique, sans prendre parti. Sauf la Russie qui a ouvertement apporté son soutien au nouvel exécutif réfuté par Tripoli. « L’exécutif libyen est confronté à une crise qui pourrait, si elle n’est pas résolue, conduire à l’instabilité et à des gouvernements parallèles dans le pays », a averti Rosemary DiCarlo, secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques, en ouverture de la session au Conseil de sécurité.
VOIR LA RUSSIE SOUFFLER LES BRAISES
« La communauté internationale et notamment les Etats-Unis ne souhaitent pas voir une reprise du conflit en Libye, en particulier dans le contexte actuel de la guerre russo-ukrainienne », souligne l’analyste politique Faraj Al-Dali. Si émissaires et diplomates se gardent à ce stade d’évoquer ouvertement la possibilité de voir la Russie souffler les braises en poussant le camp de Haftar à installer le gouvernement de Bachagha par la force à Tripoli, certains analystes estiment que Moscou pourrait jouer de son influence pour perturber la production pétrolière en Libye — 1,2 million de barils par jour — et maintenir le marché sous pression.
Des groupes loyaux au camp Haftar ont en effet menacé la semaine dernière de fermer les terminaux pétroliers dans l’Est du pays, au moment où les pays industrialisés poussent les membres de l’Opep, dont fait partie la Libye, à augmenter leur production pour soulager le marché. « Un tel blocus servirait certainement les intérêts de la Russie, car il ferait encore grimper les prix du pétrole », a estimé Wolfram Lacher, expert de la Libye à l’Institut allemand SWP.
Indépendamment d’une quelconque influence russe, le recours à l’option militaire est « théoriquement possible » pour M. Bachagha, car il peut compter sur des groupes armés influents dans l’Ouest du pays, estime M. Montasser, le professeur de relations internationales. Mais cela reviendrait à « signer l’arrêt de mort » de son propre gouvernement en le poussant vers « un conflit armé qui peut durer des mois, voire des années », met-il en garde. Vu que les deux camps ont tout à perdre et rien à gagner d’une reprise des hostilités, un « dialogue politique » reste la voie la plus concevable pour arriver à un compromis « moyennant quelques concessions » de part et d’autre, conclut-t-il.
LA LIBYE A LA CROISEE DES CHEMINS : UNE TROISIEME SCISSION OU UNE GUERRE CIVILE DE TROP ?
« Avec l’installation par la Chambre des députés de Tobrouk du gouvernement de Bachagha et le refus de Dbeibeh de se retirer du pouvoir, la Libye fait face au scénario de la scission politique, économique et géographique », commente l’agence Anadolou : « Après la récente mesure prise par la Chambre des députés libyenne de Tobrouk d’installer un nouveau gouvernement présidé par Fathi Bachagha, et le refus de Abdelhamid Dbeibeh, Chef du gouvernement d’Union de se retirer, le pays fait face à un dilemme : ou la scission multidimensionnelle, politique, géographique et économique, ou une troisième guerre civile. Le rythme des prises de position et des alignements s’est accentué, tout comme les mouvements militaires, en particulier, après que la Chambre des députés de Tobrouk a accordé, en mars, sa confiance à la formation gouvernementale de Bachagha ».
LA SCISSION POLITIQUE
Malgré les évènements qui s’accélèrent et l’attente du destin des deux hommes (Dbeibeh/Bachagha), il n’en demeure pas moins que d’autres parties n’ont pas encore arrêté leurs positions de manière claire (Qui est avec qui contre qui ?). Les protagonistes de la scission politique prévue en Libye se sont emmurées dans le silence et le Conseil présidentiel est en tête de file de ces protagonistes, bien qu’il soit la résultante des sessions du Dialogue de Genève, qui avait abouti à l’installation du gouvernement de Dbeibeh.
Les trois membres du Conseil, le président Mohamed Manfi, et les deux vice-présidents, Moussa Kouni et Abdallah Ellafi, constituaient avec Dbeibeh la liste victorieuse qui leur a permis d’accéder au pouvoir, il y a de cela une année. Cette situation prévalait avant le 24 février dernier, lorsque le Conseil d’Etat, dont les positions sont oscillantes, avait rejeté l’amendement constitutionnel après l’avoir validé, ainsi que le changement du pouvoir exécutif par le Parlement, arguant du fait que « l’instance législative avait posé un acte contraire à l’Accord politique et à l’esprit de consensus entre les deux conseils ».
Cela signifie que la situation sera favorable à Bachagha, en cas de conclusion d’un accord entre les deux Conseils, ce qui a été effectivement évoqué dans l’initiative suggérée par la conseillère onusienne pour la Libye, l’américaine Stéphanie Williams, jeudi dernier. Williams a proposé le lancement immédiat de consultations entre les deux Conseils pour mettre en place un soubassement constitutionnel à même de permettre la tenue d’élections dans les plus proches délais.
Khaled Méchri avait, depuis quelques jours, dans un poste diffusé sur le réseau social « Facebook », considéré la formation gouvernementale ministérielle de Bachagha comme étant « le retour des agresseurs à Tripoli par la fenêtre, après avoir échoué à y accéder par la porte », et ce dans une allusion à la présence de plusieurs ministres loyaux à Haftar, chef des Forces de l’est, qui avait dirigé une attaque vouée à l’échec contre la capitale Tripoli en 2019. Toutefois, Méchri a, dans la même publication, écrit : « Je souhaite ardemment que mon frère et ami, Fathi Bachagha, qui a eu à assumer un rôle de premier plan dans la défense de la capitale, fasse attention comme il se doit à cette question ».
LA SCISSION ECONOMIQUE
Alors que le Conseil d’Etat et le Conseil présidentiel sont les deux corps qui pourraient orienter grandement et déterminer les contours de la scission, dans la mesure où ils représentent les principales entités politiques, contre la Chambre des députés de Tobrouk, il existe d’autres entités économiques, dont la position sera déterminante et décisive pour arrêter les contours de la scission économique dans le pays.
Parmi ces institutions figurent la Banque centrale scindée entre l’est et l’ouest du pays et dont la mesure prise par la Chambre des députés de Tobrouk est susceptible de geler les efforts de sa réunification qui sont déployés par les Nations unies. En présence de deux banques, dont chacune prendra parti en faveur de l’un des protagonistes, il convient de noter que l’institution financière qui évolue à Tripoli, sous la présidence de Seddik Kébir, est la plus active, dès lors qu’elle contrôle les revenus et recettes du pays et son parti pris en faveur de l’un des deux hommes (Bachagha / Dbeibeh) déterminera, en grande partie, qui gouvernera effectivement le pays.
De plus, la Compagnie de pétrole fait partie des institutions, dont la position est encore inconnue, qui pourraient préserver leur neutralité. La Compagnie énergétique pourrait prendre parti en faveur de Dbeibeh en refusant de traiter avec le gouvernement de Bachagha, d’autant plus que son patron, Mustapha Sonallah, ne dispose d’aucun lien avec la Chambre des députés de Tobrouk. Il convient de noter que les principaux revenus et quasiment unique du budget de l’Etat libyen proviennent des recettes de la Compagnie pétrolière.
LA SCISSION GEOGRAPHIQUE
Sur le plan de la scission géographique, la majorité des composantes de l’ouest du pays s’est dressée derrière D’beibah, en particulier, la capitale Tripoli, dont des milliers d’habitants ont investi la Rue pour soutenir le Chef du gouvernement d’Union, tandis que l’est du pays a apporté son soutien au gouvernement de Bachagha. La scission géographique a été plus prononcée que celle de 2014, lorsque l’Ouest du pays avait soutenu le gouvernement du Salut et par la suite le gouvernement de l’Entente, tandis que l’est avait apporté sa caution au gouvernement provisoire (parallèle) qui était implanté dans cette région. La scission actuelle a touché outre les régions, chacune des villes.
A titre d’exemple, la ville de Misrata (200 Km à l’est du Tripoli), d’où sont originaires les deux hommes (D’beibah, Bachagha). Les composantes et entités sociales de cette ville emblématique de l’est du pays sont partagées entre le maintien de Dbeibeh au pouvoir et le soutien de Bachagha à la tête du gouvernement.
LE SCENARIO DE LA NOUVELLE GUERRE CIVILE
La Libye fait face actuellement à un dilemme : ou l’enlisement dans une scission multidimensionnelle, politique, économique et géographique ou pire encore, un autre scénario prévu, en l’occurrence, l’enclenchement d’une guerre civile qui pourrait achever ce qui reste de l’Etat pétrolier du l’Afrique du Nord, d’autant plus que ce pays a subi, au cours de la décennie écoulée, deux conflits fratricides, en 2011 et en 2019.
Ce qui rend le deuxième scénario plus plausible est l’alignement militaire et les mouvements armés qui ont accompagné la récente décision de la Chambre des députés de Tobrouk, s’agissant notamment de l’entrée de formations équipées et armées de la ville de Misrata et d’autres villes de l’ouest libyen dans la capitale Tripoli pour soutenir Dbeibeh. De même, une déclaration diffusée, depuis quelques jours, par les dirigeants de la principale formation armée dans l’ouest de la Libye, dont Ghniwa Kekli, chef de l’Instance de soutien à la stabilité, dans laquelle ils ont annoncé leur rejet du gouvernement de Bachagha et leur soutien au maintien de Dbeibeh.
Peu avant cela, et immédiatement après que Bachagha a été chargé de former le gouvernement il y a de cela deux semaines, quelque 65 phalanges et formations armées de Misrata avaient annoncé leur rejet de ce choix, alors que 118 milices armées ont publié un communiqué pour soutenir Fathi Bachagha à la tête du gouvernement. Dans la foulée de l’escalade militaire et le recours au langage des armes, Dbeibeh a publié, en sa qualité de ministre de la Défense, une ordonnance pour « traiter, sans autorisation préalable du ministère, tout mouvement de formation ou de véhicules armés.
Cela est intervenu après un discours télévisé prononcé par Dbeibeh, durant lequel il a fait allusion à Haftar en lançant : « Ce qu’on nomme gouvernement ne travaillera jamais sur le terrain et n’a aucune place… Celui qui a grandi dans la guerre ne peut vivre et évoluer que dans les conflits, il ne connaît que le langage des armes et du feu et malheureusement il ne peut être inhibé par la défaite militaire ».
HISTORIQUE DES SCISSIONS
La première scission dans l’histoire du pays, post-2011, a eu lieu au terme de la révolte populaire qui s’est enclenchée, au mois de février de la même année, et qui avait provoqué une scission entre les institutions, les tribus et les entités qui ont soutenu le régime de Kadhafi, dans l’ouest du pays, et leurs homologues dans l’est qui se sont engagées contre lui, et qui ont été reconnues par la communauté internationale, jusqu’à la chute du régime du colonel, au mois d’octobre de la même année.
La deuxième scission a été constatée, en 2014, après le lancement par Haftar de l’opération « la Dignité », qui a été contrée par les milices de l’ouest libyen qui avaient, à leur tour, enclenché une opération militaire baptisée « Aube de la Libye ». Cette situation avait abouti à la mise en place de deux gouvernements, celui du « Salut national » dans l’ouest et le « Provisoire » dans l’est et cette scission s’est reflétée sur l’ensemble des dimensions de la vie politique, économique et sociale.
Quant aux guerres civiles, la première était celle de 2011 qui avait opposé l’armée du colonel Mouammar Kadhafi et ses partisans aux rebelles armés.
La deuxième guerre civile a eu lieu en 2019 après que des forces armées en provenance de l’est du pays ont progressé, sous la conduite de Haftar, en direction de l’ouest, dans une tentative d’occuper la capitale Tripoli, mais qui ont été repoussés par l’armée libyenne relevant du gouvernement de « L’Entente » et les forces qui lui sont favorables, dans un conflit de 14 mois, qui a été sanctionné par la défaite et le retrait du colonel à la retraite.
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