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Par William Hartung
La demande annoncée est grotesque, surtout si l’on considère le gaspillage incontrôlé actuel du Pentagone.
Source : Responsible Statecraft, William Hartung
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Des sources au Pentagone ont déclaré à Reuters que l’administration Biden s’apprête à proposer un budget pour la défense nationale qui pourrait dépasser les 800 milliards de dollars pour l’exercice 2023, une somme énorme qui dépasse de loin les niveaux atteints à l’apogée des guerres de Corée et du Vietnam, ou lors de la montée en puissance de Reagan dans les années 1980. C’est également plus de trois fois ce que la Chine dépense pour son armée, et dix fois ce que la Russie dépense. Ce chiffre inclut apparemment des éléments qui dépassent le budget du Pentagone proprement dit, comme les dépenses en armes nucléaires du ministère de l’Énergie, ainsi que des milliards de dépenses liées à la défense dans d’autres agences gouvernementales.
La proposition de l’administration est malavisée et contre-productive, mais elle n’est pas inattendue. La révision par le Pentagone du dispositif mondial des forces américaines, publiée à la fin de l’année dernière, était un document de statu quo qui n’appelait pas à des réductions significatives du déploiement militaire américain au Moyen-Orient, même s’il signalait l’intention de renforcer la présence américaine en Asie de l’Est. Et comme l’a noté Joseph Cirincione, Distinguished membre Non-Resident du Quincy Institute, la prochaine révision de la position nucléaire de l’administration Biden laissera probablement intact le plan de 30 ans du Pentagone visant à construire une nouvelle génération de bombardiers, de sous-marins et de missiles terrestres à armement nucléaire, pour un coût pouvant atteindre 2 000 milliards de dollars.
Les faucons militaires s’agitent déjà, suggérant que la proposition de Biden ne sera pas suffisante pour suivre l’inflation, au détriment de la préparation militaire. Ces cris d’orfraie ne tiennent pas compte du fait qu’il est largement possible de réduire les niveaux actuels, moyennant une meilleure discipline budgétaire au Pentagone et, surtout, une nouvelle stratégie plus réaliste qui ne place pas les États-Unis dans le rôle de gendarme du monde.
En ce qui concerne la discipline en matière de dépenses, le Pentagone est la seule grande agence fédérale à n’avoir jamais réussi un audit – il ne peut pas dire aux contribuables où va exactement son argent, et ne dispose pas non plus d’un inventaire précis des équipements et des pièces détachées, ce qui entraîne des doubles emplois et un gaspillage systématiques. Le ministère paie régulièrement trop cher des articles de base comme les pièces détachées. Dans un cas, impliquant le fournisseur notoire Transdigm, on a constaté une majoration étonnante de 3 800 % sur une seule pièce et des surfacturations sur un échantillon de composants pour un total de 20,8 millions de dollars. Ce n’est pas grand-chose selon les normes du Pentagone, mais multiplié par des milliers de fournisseurs, cela représente sans aucun doute des milliards de dollars de surfacturations.
À plus grande échelle, le Pentagone achète trop souvent des armes trop chères, dysfonctionnelles ou inutiles. L’avion de combat F-35, le programme d’armement le plus coûteux jamais entrepris par le Pentagone, en est un bon exemple. Il est mis en service à la hâte, avant même que les essais ne soient achevés, ce qui entraîne de coûteuses mises à niveau pour des défauts de conception qui sont encore en cours de détection. Il présente plus de 800 défauts non résolus, est extrêmement difficile à entretenir et coûte 38 000 dollars par heure de vol. Ces problèmes et d’autres problèmes graves ont conduit le président de la commission des services armés de la Chambre des représentants, Adam Smith, à déclarer qu’il en avait assez de « déverser de l’argent » dans le « piège à rats » du F-35.
Si l’on ajoute aux F-35 des porte-avions de 13 milliards de dollars qui ont du mal à catapulter et à faire apponter des avions, et des navires comme le Littoral Combat Ship qui ne peuvent pas opérer dans des environnements de combat de haute intensité, il est clair qu’il est possible de réduire les achats d’équipements coûteux sans compromettre notre sécurité.
La plus grande source d’économies dans les dépenses du Pentagone résulterait de l’élaboration d’une nouvelle stratégie qui privilégie la diplomatie, mette fin aux guerres perpétuelles, réduise l’arsenal nucléaire tout en maintenant la dissuasion et adopte une vision plus réaliste des risques pour la sécurité posés par la Chine, la nation que le Pentagone décrit comme la « menace permanente » qui guide ses plans de dépenses.
Cette approche permettrait de libérer des fonds pour faire face aux menaces les plus urgentes pour notre sécurité, des pandémies au changement climatique en passant par les inégalités économiques. Avec la démocratie dans la balance, il est temps de se concentrer sur la construction de la force et de la résilience chez nous plutôt que de préparer des aventures militaires malavisées à l’étranger.
Le maintien de plus de 750 bases militaires, de centaines de milliers de soldats à l’étranger, d’opérations antiterroristes dans au moins 85 nations et l’allocation de plus de 800 milliards de dollars à l’armée ne feront qu’affaiblir l’Amérique tout en détournant l’attention et en siphonnant les ressources nécessaires pour faire face aux défis non militaires qui menacent le plus les vies humaines et les moyens de subsistance.
Source : Responsible Statecraft, William Hartung, 18-02-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Source : Les Crises
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