(Crédit image: Europe for Peace)
Par Gerardo Femina
28.02.22 – Prague, République tchèque – Gerardo Femina
Les tensions en Ukraine, entre les États-Unis et certains de leurs alliés d’une part, et la Fédération de Russie d’autre part, se développent dans un contexte très complexe, où plusieurs facteurs jouent un rôle important. Il y a la question de la crise énergétique et l’importance du gaz russe pour l’Europe, la division de l’Europe entre l’Est et l’Ouest, la crise dans le monde anglo-saxon ; en Angleterre après le Brexit et surtout aux États-Unis, où il y a un air presque de guerre civile. Mais regardons ce qui est peut-être le point central : l’expansion de l’OTAN.
La Russie a déclaré qu’elle n’avait aucune intention d’occuper l’Ukraine (N.d.T. : Cet article a été écrit le 28 janvier 2022), mais elle veut des garanties que l’OTAN ne sera pas élargie, ce à quoi les États-Unis ont répondu par la négative. Mais voyons brièvement comment cette situation est arrivée.
Le 4 avril 1949, l’OTAN est fondée dans le but de défendre le monde occidental contre la menace que représentent l’Union soviétique et ses États satellites. En réponse, le Pacte de Varsovie est créé en 1955. En fait, pendant les années de la guerre froide, aucune action militaire concrète n’a été entreprise par les membres de l’Alliance.
En 1990, afin de surmonter l’opposition soviétique à la réunification de l’Allemagne, le chancelier allemand Kohl assure à Gorbatchev que « l’OTAN ne s’élargira pas pour inclure le territoire actuel de l’Allemagne de l’Est ». Le ministre des Affaires étrangères, M. Genscher, a envoyé un message à Edouard Chevardnadze : « Pour nous, le fait que l’OTAN ne s’étende pas à l’Est est un point fixe ». Des assurances similaires sont également données verbalement par le secrétaire d’État américain Baker. L’ambassadeur américain à Moscou de l’époque, Jack Matlock, confirme que Moscou a reçu un « engagement clair » sur ce point. Ainsi, l’Allemagne est réunifiée et, en juillet 1991, le Pacte de Varsovie est dissous à Prague. Mais l’OTAN ne l’a pas fait, même si l’ennemi historique n’existait plus. Au contraire, les premières interventions militaires ont commencé, d’abord en ex-Yougoslavie, puis plus tard en Afghanistan, en Libye et en 2015 avec des exercices militaires en Europe de l’Est à la frontière avec la Russie.
Un tournant a été pris en 1999, lorsqu’un nouveau « concept stratégique » a été défini lors de la réunion de Washington, transformant le pacte de défense initial en un accord militaire plus large, incluant une action préventive. Plus important encore, en violation des accords de 1990, la République tchèque, la Pologne et la Hongrie ont rejoint l’OTAN, et plus tard d’autres pays, incorporant presque tous les anciens États satellites de l’Union soviétique. Aujourd’hui, l’OTAN compte 30 États membres, contre 16 en 1998.
À ce stade, il est clair que l’affirmation selon laquelle la Russie mène une politique agressive, que pour des raisons expansionnistes elle déplace des troupes vers la frontière ukrainienne, n’est qu’un récit visant à justifier un plan et une intention que les États-Unis ont en tête depuis la chute du mur de Berlin.
D’autre part, si la Russie établissait une alliance militaire avec la plupart des pays d’Amérique du Sud et voulait ensuite l’étendre au Mexique, y compris en installant des bases militaires dotées d’armes nucléaires, quelle serait la réaction des États-Unis ? Peut-être une guerre nucléaire aurait-elle déjà éclaté. À cet égard, la Russie a, au cours des dernières décennies, répondu de manière raisonnable à de nombreuses provocations et a évité le conflit armé par tous les moyens possibles.
Dans ce contexte, l’Europe s’obstine à suivre la politique américaine, allant ainsi à l’encontre de ses propres intérêts. La Russie n’est pas seulement importante pour le gaz, c’est aussi un marché essentiel pour l’Europe. Une véritable coopération entre l’Europe et la Russie, au sein d’une région eurasienne, représenterait la prospérité et un grand progrès, pas seulement économique. Mais c’est précisément ce que les États-Unis ne peuvent pas permettre, et ils continuent donc à encourager les divisions en Europe, non seulement entre l’Est et l’Ouest, mais aussi au sein même des pays occidentaux. Ils ne veulent pas accepter que le monde est devenu multipolaire et que leur empire mondial est désormais complètement en déclin.
Si l’Europe veut jouer un rôle important dans le progrès et la paix, elle doit avoir une politique étrangère commune indépendante des manies impérialistes anachroniques des États-Unis, comme l’indique clairement la déclaration « L’Europe pour la paix ».
Aujourd’hui, l’Europe doit tout mettre en œuvre pour trouver une solution diplomatique au conflit en Ukraine : La Russie doit retirer ses troupes de la frontière, mais la non-expansion de l’OTAN doit être garantie. Les politiciens européens, perdus dans les sondages électoraux et les intérêts partisans, sont-ils à la hauteur de la tâche que l’histoire exige d’eux ? Comprennent-ils les conséquences catastrophiques d’une guerre entre puissances nucléaires ? Se rendent-ils compte que c’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu ?
Peut-être les efforts diplomatiques de l’Italie, de la France et de l’Allemagne réussiront-ils aujourd’hui à éviter temporairement une escalade du conflit, mais cela ne changera pas la direction catastrophique des événements.
Il est temps que les peuples, les gens ordinaires, les Invisibles, ceux qui ne participent pas aux négociations et n’apparaissent pas dans les talk-shows, fassent entendre leur voix contre la guerre et en faveur de la paix. Il est temps de descendre dans la rue ! Mais même un petit geste dans ce sens est important pour nous donner, à nous et à nos enfants, un avenir, un avenir humain où nous pourrons enfin rire des malheurs que nous sommes obligés de vivre aujourd’hui.
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Gerardo Femina
Ancien président de la Communauté pour le développement humain en Italie, engagé dans des activités sociales, politiques et culturelles. Pendant 20 ans, il a vécu à Prague, où il a été l’un des promoteurs de la campagne « L’Europe pour la paix » et de la protestation contre le « bouclier antimissile » que les États-Unis voulaient installer en République tchèque. Il écrit sur la politique et les questions sociales. Ces dernières années, il s’est consacré à la construction des Parcs d’Etude et de réflexion en République Tchèque.
Source : Pressenza
https://www.pressenza.com/fr/…
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