Le président Clinton et le président Eltsine portant un toast au dîner d’État,
Hall of Facets, Kremlin, Moscou, mai 1995 (Photo : Alexander Zemlianichenko, AP).

Le président russe a été amené à croire que le Partenariat pour la paix était une alternative à l’expansion de l’OTAN.

Des documents montrent l’opposition précoce de la Russie au « néo-endiguement » ; davantage de garanties américaines à la Russie : « l’inclusion et non l’exclusion » dans les nouvelles structures européennes de sécurité.

Source : Dossiers déclassifiés publiés par le National Security Archive, Svetlana Savranskaya & Tom Blanton, 16-03-2018

Série : « Les dossiers déclassifiés de l’expansion de l’OTAN »

Article 1 : Expansion de l’OTAN : ce que Gorbatchev a entendu

Article 2 : Expansion de l’OTAN : ce que Eltsine a entendu

Article 3 : Expansion de l’OTAN : l’explosion de Budapest en 1994

Voir également notre interview de Roland Dumas confirmant ces faits.

Washington, 16 mars 2018 – Des documents déclassifiés provenant d’archives américaines et russes montrent que les responsables américains ont amené le président russe Boris Eltsine à croire en 1993 que le Partenariat pour la paix était l’alternative à l’expansion de l’OTAN, plutôt qu’un précurseur, tout en planifiant l’expansion après la réélection d’Eltsine en 1996 et en répétant aux Russes que le futur système de sécurité européen inclurait, et non exclurait, la Russie.

Le compte rendu déclassifié par les États-Unis d’une conversation clé le 22 octobre 1993 (document 8) montre le secrétaire d’État Warren Christopher assurant à Eltsine à Moscou que le Partenariat pour la paix visait à inclure la Russie ainsi que tous les pays européens, et non pas à créer une nouvelle liste de seulement quelques pays européens pour l’OTAN ; et Eltsine a répondu : « C’est génial ! »

Christopher a ensuite affirmé dans ses mémoires que Eltsine avait mal compris – peut-être parce qu’il était ivre – le vrai message que le Partenariat pour la paix « conduirait en fait à une expansion progressive de l’OTAN » 1 ; mais le câble écrit par les Américains, qui rapporte la conversation, appuie les protestations ultérieures des Russes qui se sont plaints d’avoir été induits en erreur. 2

Christopher s’est ensuite demandé (d’après ses mémoires, p. 280-281) si le ministre russe des Affaires étrangères, Andrei Kozyrev, avait délibérément omis d’alerter Eltsine sur le caractère inévitable de l’expansion de l’OTAN, ou si Eltsine était simplement soulagé que l’expansion de l’OTAN ne serait pas immédiate – ou si Eltsine avait simplement eu « une journée difficile ». Mais Christopher avait dit à Kozyrev lui-même plus tôt ce jour-là, selon le câble déclassifié des États-Unis (document 7), qu’il n’y aurait « aucun nouveau membre sélectionné » dans l’OTAN, et « nous insistons sur le fait que le Partenariat pour la paix » est « ouvert à tous ».

Le compte-rendu de Strobe Talbott de la rencontre du 22 octobre avec Eltsine est plus détaillé et nuancé que celui de Christopher, mais laisse aussi l’impression que Eltsine n’a entendu que ce qu’il voulait entendre, sans laisser les Américains expliquer que le vrai message était le « PPP [Partenariat pour la Paix, NdT] aujourd’hui, l’élargissement demain ». 3 « Eltsine nous a accueillis comme un taureau étourdi » et a émis « des fanfaronnades longues et à peine cohérentes » avant d’interrompre la présentation de Christopher sur l’OTAN et le PPP (« Sans laisser Chris finir… »). Christopher a dit à Eltsine, à la fin de la réunion, que les États-Unis « considéreraient la question de l’adhésion comme une éventualité à plus long terme ».

Les documents de la partie russe montrent une opposition à l’expansion de l’OTAN dans tout le spectre politique, remontant à une réunion des partisans de Eltsine avec le secrétaire général de l’OTAN, Manfred Woerner, à l’été 1991 (il leur avait assuré que l’expansion ne se produirait pas), et plus tard à la grande majorité des députés de la Douma de tous les partis politiques qui se sont joints au mouvement anti-OTAN en 1996. Comme le chargé d’affaires américain à Moscou, James Collins, a averti le secrétaire d’État Christopher juste avant son voyage pour rencontrer Eltsine en octobre 1993 (document 6), la question de l’OTAN « est un point très sensible pour les Russes. Ils craignent se retrouver du mauvais côté d’une nouvelle division de l’Europe si une décision était prise rapidement. Si l’OTAN adopte une politique – aussi nuancée soit-elle – qui envisage l’expansion en Europe centrale et orientale sans tenir la porte ouverte à la Russie, elle serait universellement interprétée à Moscou comme dirigée contre la Russie et la Russie seule – ou comme une politique de « néo-endiguement »… »

Eltsine lui-même avait amorcé une large discussion sur une éventuelle expansion de l’OTAN avec ses remarques publiques à Varsovie en août 1993, où il a reconnu le droit des pays de choisir leurs alliances dans le cadre de l’Acte final d’Helsinki, et « semblait donner le feu vert à l’expansion de l’OTAN ». (Voir document 5, Onglet C « Expansion de l’OTAN : points de vue des pays de l’Est et des pays alliés »).

Le document américain de « feu vert » note que presque immédiatement, cependant, Moscou s’est « occupé à « affiner » sa position ». La lettre de Eltsine à Clinton du 15 septembre 1993 (document 4) exprimait un « malaise » au sujet de la discussion sur « l’expansion quantitative » et préconisait fortement un « système de sécurité paneuropéen » au lieu de l’OTAN. Eltsine a averti, « Non seulement l’opposition, mais aussi les cercles modérés [en Russie], percevraient sans doute ceci comme une sorte de néo-isolement de notre pays en opposition diamétralement opposée à son admission naturelle dans l’espace euro-atlantique ». Eltsine a également fait valoir que « l’esprit » du traité d’unification allemande « exclut l’option d’étendre la zone de l’OTAN à l’Est » (citant les dispositions empêchant les troupes de l’OTAN non allemandes d’être stationnées sur le territoire de l’ex-Allemagne de l’Est). Ce paragraphe était le seul de la lettre d’Eltsine soulignée pour Strobe Talbott par un expert sur la Russie/Ukraine, Steve Pifer.

Le dossier déclassifié des États-Unis comprend de nouvelles preuves sur la pensée interne américaine, comme un calendrier spécifique pour l’expansion dans un document du département d’État du début septembre 1993 (voir document 2), jusqu’à l’admission définitive de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie à l’OTAN en 2005, après les pays d’Europe centrale et orientale et les pays baltes. Mais la lettre d’Eltsine du 15 septembre a contribué à d’intenses débats du côté américain, y compris le rejet par le ministère de la Défense du calendrier du département d’État, ce qui a conduit à l’idée du Partenariat pour la paix plutôt qu’à l’expansion explicite de l’OTAN à l’automne 1993. Un 5 octobre 1993, le document (document 5) résumait le débat entre « l’approche étatique de l’expansion de l’OTAN » ou l’approche du Bureau du Secrétaire à la Défense, « partenariat pour la paix avec lien général à l’adhésion », et ce dernier est devenu la présentation de Christopher à Eltsine le 22 octobre : partenariat pour tous, et non l’adhésion pour certains.

En janvier 1994, le président Clinton a dit à Eltsine à Moscou que le Partenariat pour la paix était « la vraie solution maintenant ». Sur le chemin de Moscou, Clinton a prononcé le fameux discours « pas si mais quand » à Prague, qui serait saisi par les partisans de l’expansion de l’OTAN au sein de l’administration Clinton pour l’emporter dans le débat interne. 4 Les mémos de conversation déclassifiés des réunions de Prague de Clinton avec les dirigeants de la République tchèque, de la Pologne, de la Hongrie et de la Slovaquie montrent le président américain en faveur du Partenariat pour la paix comme une « voie qui mènera à l’adhésion à l’OTAN » et qui « ne trace pas une autre ligne qui divise l’Europe à quelques centaines de kilomètres à l’est ». (Voir document 11) Clinton a avoué avec franchise à Vaclav Havel « qu’il n’y a pas de consensus parmi les alliés de l’OTAN pour étendre les garanties formelles de sécurité » en raison de l’incertitude quant aux pays qui pourraient y contribuer, et parce que « la réaction en Russie pourrait être l’inverse de ce que nous voulons ».

Le président polonais Lech Walesa a déclaré à Clinton (document 12) : « La Russie a signé de nombreux accords, mais sa parole n’a pas toujours été respectée : une main tenait un stylo, l’autre une grenade. Eltsine a dit aux Polonais à Varsovie l’été dernier que la Russie n’avait aucune objection à l’adhésion de la Pologne à l’OTAN ; lui, Walesa, avait un papier avec la signature de Eltsine pour le prouver. Mais Eltsine a changé d’avis. Les pays de Visegrad [groupe informel réunissant la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie. Formé en 1991, qui a d’abord permis à ses membres de faciliter leur intégration au sein de l’Union européenne et de l’OTAN, NdT] ici représentés, a poursuivi Walesa, ont tenu parole ; ils avaient une culture occidentale. La Russie ne l’a pas fait ». Le président tchèque Vaclav Havel a immédiatement répondu « qu’il n’était ni possible ni souhaitable d’isoler la Russie ».

Les Américains ont continué d’essayer de rassurer Eltsine. Des citations tirées des conversations face à face du président Clinton avec M. Eltsine en 1994, en particulier le 27 septembre 1994, à la Maison-Blanche, montrent que Clinton « met l’accent sur l’inclusion et non sur l’exclusion… L’expansion de l’OTAN n’est pas anti-russe ; elle n’est pas destinée à exclure la Russie, et il n’y a pas de calendrier imminent…. l’objectif plus large et plus élevé [est] la sécurité, l’unité et l’intégration européennes – un objectif que je sais que vous partagez ». 5

Mais les Russes entendaient à l’automne 1994 que le nouveau secrétaire d’État adjoint pour l’Europe, Richard Holbrooke, accélérait les discussions sur l’expansion de l’OTAN, en lançant même en novembre une étude de l’OTAN sur le « comment et pourquoi » des nouveaux membres. Eltsine a protesté dans une lettre à Clinton le 29 novembre 1994 (document 13) qui soulignait les espoirs de la Russie pour la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) en tant « qu’organisation paneuropéenne à part entière » et se plaignait, « on ne comprend pas du tout les raisons d’une nouvelle relance de la discussion sur l’accélération de l’élargissement de l’OTAN ».

Le 1er décembre, le ministre des Affaires étrangères Kozyrev a refusé inopinément d’adhérer au Partenariat pour la paix ; et le 5 décembre, Eltsine s’en est pris à l’OTAN au sommet de Budapest de la CSCE, devant un Clinton étonné : «Pourquoi semez-vous les graines de la méfiance ?… L’Europe est en danger de sombrer dans une paix froide... L’histoire démontre que c’est une dangereuse illusion de supposer que les destinées des continents et de la communauté mondiale en général peuvent être gérées d’une manière ou d’une autre à partir d’une seule capitale ». 6

Les Américains consternés ont commencé à comprendre que la Russie avait conclu que les États-Unis « subordonnaient, sinon abandonnaient, l’intégration [de la Russie] à l’expansion de l’OTAN ». (Voir document 17) Washington a dépêché le vice-président Al Gore à Moscou pour arranger les choses, en utilisant les réunions programmées de la Commission Gore-Chernomyrdin comme lieu de réunion. Les points de discussion de Gore pour sa rencontre avec Eltsine (dans la chambre d’hôpital de ce dernier) (document 16) et le compte rendu russe de la rencontre de Gore avec le président de la Douma Ivan Rybkin le 14 décembre 1994, (document 14) montrent que les Américains soulignaient qu’il n’y aurait pas d’expansion rapide de l’OTAN, mais seulement un processus graduel, réfléchi et sans surprise, se déroulant en tandem avec la « compréhension la plus proche possible » entre les USA et la Russie, et aucun nouveau membre dans l’OTAN en 1995, année d’élections parlementaires en Russie.

Plus tard, Gore a déclaré au premier ministre belge que « Eltsine était prêt à accepter la vérité fondamentale selon laquelle l’OTAN s’élargirait ». Un câble américain de mars 1995 explique, « Dans une conversation avec Eltsine dans sa chambre d’hôpital, le vice-président a expliqué que la relation OTAN-Russie était analogue à l’amarrage de la navette spatiale avec la station spatiale Mir, qui devaient faire correspondre leurs orbites et leurs vitesses pour se rapprocher. Eltsine était d’accord, mais a noté que dans des manœuvres aussi délicates, les mouvements brusques pouvaient être dangereux ». 7

Eltsine n’a montré qu’un assentiment limité lorsque Clinton est venu à Moscou en mai 1995 pour marquer le 50e anniversaire de la victoire sur Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale. Le mémo américain de la rencontre en tête-à-tête au Kremlin (document 19) comporte des objections répétées d’Eltsine : « Je ne vois rien d’autre qu’une humiliation pour la Russie si vous continuez… Pourquoi voulez-vous faire ça ? Nous avons besoin d’une nouvelle structure pour la sécurité paneuropéenne, pas des anciennes !… Mais si j’acceptais que les frontières de l’OTAN s’étendent vers celles de la Russie, cela constituerait une trahison de ma part du peuple russe ». Pour sa part, Clinton a insisté sur une expansion « progressive, régulière et mesurée » de l’OTAN : « Vous pouvez dire que vous ne voulez pas qu’elle s’accélère – je vous ai dit que ce ne serait pas le cas – mais ne nous demandez pas de ralentir non plus, ou nous devrons continuer à dire non ». Clinton a également assuré à M. Eltsine, « Je ne soutiendrai aucun changement qui sape la sécurité de la Russie ou qui redécoupe l’Europe », et a exhorté Eltsine à rejoindre le Partenariat pour la paix. À la fin, les deux dirigeants ont convenu que toute expansion de l’OTAN serait retardée jusqu’après les élections présidentielles de 1996 (dans les deux pays).

Lors de la réunion Clinton-Eltsine en juin 1995 à Halifax (Nouvelle-Écosse) (document 20), Clinton s’est félicité de l’accord conclu entre la Russie et le PAP et a recommandé une plus grande coopération entre militaires et plus de dialogue entre la Russie et l’OTAN. Le dirigeant russe a eu des paroles aimables pour le président américain : « Moi-même et les dirigeants russes n’ont aucun doute sur notre partenariat. Nous construirons le partenariat sur la base de notre amitié, la vôtre et la mienne, et nous le ferons dans l’intérêt de la paix dans le monde ». Puis Eltsine a réitéré, « nous devons nous en tenir à notre position, qui est qu’il ne devrait pas y avoir d’expansion rapide de l’OTAN », et il a ajouté : « il est important que l’OSCE soit le principal mécanisme pour développer un nouvel ordre de sécurité en Europe. L’OTAN est aussi un facteur, bien sûr, mais l’OTAN devrait évoluer vers une organisation politique. »

Les documents déclassifiés russes issus des auditions à huis clos de la Douma (document 18) et les mémos internes des années 1990 (document 25) détaillent les objections russes selon lesquelles l’expansion de l’OTAN (1) menacerait la sécurité russe, (2) saperait l’idée d’une sécurité européenne inclusive que Gorbatchev et Eltsine recherchaient tous les deux, et (3) tracerait une nouvelle ligne de démarcation à travers l’Europe. Le compte rendu des premières et véhémentes objections russes, y compris les multiples remontrances d’Eltsine à Clinton, tend à soutenir l’analyse de Collins d’octobre 1993 et à contredire une affirmation de la littérature scientifique récente selon laquelle les plaintes russes concernant l’expansion de l’OTAN sont plus une position de la « politique de la mémoire » d’aujourd’hui que « ce qui s’est réellement passé en 1990 et au-delà ». 8

La publication d’aujourd’hui comprend, en traduction, l’une des premières compilations russes des garanties occidentales contre l’expansion de l’OTAN pendant et après les discussions sur l’unification allemande de 1990, rassemblées par le nouveau ministre des Affaires étrangères Yevgeny Primakov en janvier 1996, décrites dans ses mémoires ultérieures en 2006, et publiées en détail dans son livre de 2015. (document 22) Nous publions également en anglais pour la première fois le résumé de Primakov pour le chef de la Douma au début de 1997 sur la menace de l’expansion de l’OTAN pour les intérêts sécuritaires russes, juste avant le sommet de l’OTAN qui annoncera les invitations à la Pologne, à la République tchèque et à la Hongrie à adhérer à l’OTAN. Les documents de Primakov indiquent la compréhension fondamentale de Moscou sur les arrangements de fin de la guerre froide, selon laquelle l’Allemagne ne s’unifierait au sein de l’OTAN en 1990 qu’avec l’inclusion de l’URSS (puis de la Russie) dans les structures de sécurité européennes ultérieures. 9

La compilation de Primakov des garanties occidentales à Gorbatchev a peut-être servi de catalyseur pour une réfutation énergique du département d’État envoyée à tous ses bureaux européens en février 1996 (document 23), après que l’ambassadeur Collins a rapporté qu’un « haut fonctionnaire du Kremlin » se plaignait que l’expansion de l’OTAN violerait « l’esprit » du traité d’unification allemande (comme Eltsine l’avait fait valoir dans sa lettre du 15 septembre 1993 à Clinton). Le 23 février, le service du câble a transmis une note de service rédigée par John Kornblum, secrétaire d’État adjoint par intérim pour l’Europe, avec John Herbst, alors au bureau d’État sur les nouveaux États indépendants (NIS) et futur ambassadeur en Ukraine, qualifiant les revendications russes de « spécieuses » et « non fondées ». Ce mémo semble avoir servi de base à des points de discussion pour le département d’État et l’OTAN depuis lors pour traiter les plaintes de la Russie au sujet de l’expansion de l’OTAN. Voir, par exemple, la fiche d’information sur le site Web de l’OTAN datée de février 2018, qui mentionne comme mythe 4 que « l’OTAN a promis à la Russie qu’elle ne s’élargirait pas après la guerre froide », lien. La fiche d’information indique que « les assurances personnelles des dirigeants individuels ne peuvent pas remplacer le consensus de l’Alliance et ne constituent pas un accord officiel de l’OTAN » (même lorsque le dirigeant est alors le Secrétaire général de l’OTAN, Manfred Woerner, comme dans le Document 1). La fiche d’information se termine par une citation tirée d’une interview de Mikhaïl Gorbatchev en 2014 que l’expansion de l’OTAN « n’a pas été évoquée au cours de ces années ». La déclaration complémentaire de Gorbatchev dans cette même interview a été omise : « La décision des États-Unis et de leurs alliés d’étendre l’OTAN à l’Est a été prise de manière décisive en 1993. J’ai appelé ça une grosse erreur dès le début. C’était certainement une violation de l’esprit des déclarations et des assurances qui nous avaient été faites en 1990. En ce qui concerne l’Allemagne, elles ont été consacrées dans les formes légales contraignantes et sont respectées. » lien.

Le mémo Kornblum-Herbst se concentrait sur les négociations deux plus quatre qui ont abouti au traité d’unification allemande, faisant valoir que le traité ne s’appliquait qu’au territoire de l’ancienne Allemagne de l’Est et qu’il ne constituait pas un précédent en ce qui concerne les limites imposées aux nouveaux membres de l’OTAN. Le mémo décrivait de façon erronée un commentaire de Hans-Dietrich Genscher comme « unilatéral » et ne s’appliquant qu’à l’ancienne RDA, alors qu’en fait à l’époque (février 1990) les câbles diplomatiques du département d’État et du Royaume-Uni montraient que Genscher faisait référence de façon précise et répétée à la fois à l’ex-RDA, à la Pologne et à la Hongrie comme des pays qui pourraient vouloir rejoindre l’OTAN. Mais sinon, le mémo n’abordait pas les assurances de haut niveau sur la sécurité soviétique (comme « pas un pouce vers l’est ») fournies à Gorbatchev par un large éventail de dirigeants occidentaux (James Baker, Helmut Kohl, Douglas Hurd, John Major et George H.W. Bush, entre autres). 10

Le mémo Kornblum-Herbst contenait une référence confuse, citant soi-disant le « haut fonctionnaire du Kremlin », à des « déclarations juridiquement contraignantes des dirigeants d’Europe de l’Est » de l’époque. Ni le bureau des renseignements de l’État ni son service historique n’ont pu trouver de telles déclarations, peut-être parce que les Russes se référaient en fait aux assurances des dirigeants occidentaux, ou même au fameux discours de Vaclav Havel lors d’une session conjointe du Congrès américain en février 1990 appelant à la dissolution des deux blocs (il a rapidement changé d’avis). 11

La publication d’aujourd’hui n’aborde pas les avantages indéniables pour les pays d’Europe centrale et orientale de l’intégration à l’OTAN – bien que certains de ces avantages aient été exprimés par leurs dirigeants dans les mémorandums de conversations avec le président Clinton en janvier 1994 qui sont publiés ici. La publication ne fournit pas non plus d’évaluation nette des gains et des pertes pour la sécurité américaine et européenne découlant de l’expansion de l’OTAN. Ce recueil de documents porte simplement sur ce que le président russe Boris Eltsine a entendu de l’administration Clinton au sujet de l’expansion de l’OTAN dans la première moitié des années 1990, et sur les objections répétées de la Russie qui ont été rejetées à maintes reprises par les responsables de l’administration Clinton.

Dans le prochain article, nous traiterons plus spécifiquement de la crise de 1994.


La National Security Archive a initialement compilé ces documents déclassifiés en vue d’une table ronde qui s’est tenue le 10 novembre 2017 lors de la conférence annuelle de l’Association for Slavic, East European and Eurasian Studies (ASEEES) à Chicago sous le titre Who Promised What to Whom on NATO Expansion ? [Qui a promis quoi à qui sur l’élargissement de l’OTAN ? NdT] Le panel comprenait :

  • Mark Kramer du Davis Center à Harvard, rédacteur en chef du Journal of Cold War Studies, dont l’article du Washington Quarterly de 2009 affirmait que le « la promesse sur la non expansion de l’OTAN » était un « mythe » ;
  • Joshua R. Itkowitz Shifrinson de la Bush School à l’université A&M du Texas, dont l’article de 2016 dans International Security affirmait que les États-Unis jouaient un double jeu en 1990, amenant Gorbatchev à croire que l’OTAN serait englobée dans une nouvelle structure de sécurité européenne, tout en travaillant pour assurer leur hégémonie en Europe et le maintien de l’OTAN ;
  • James Goldgeier de l’American University, qui a écrit le livre faisant autorité sur la décision Clinton sur l’expansion de l’OTAN, Not Whether But When [pas si mais quand, NdT], et a décrit les assurances trompeuses des États-Unis au dirigeant russe Boris Eltsine dans un article de 2016 sur WarOnTheRocks ;
  • Svetlana Savranskaya et Tom Blanton de la National Security Archive, dont le livre le plus récent, The Last Superpower Summits : Gorbatchev, Reagan et Bush : Conversations That Ended the Cold War (CEU Press, 2016) analyse et publie les transcriptions déclassifiées et les documents connexes de tous les sommets de Gorbatchev avec les présidents des États-Unis, y compris des dizaines d’assurances sur la protection des intérêts de sécurité de l’URSS et l’inclusion des Soviétiques dans la structure de sécurité européenne de l’après-guerre froide.

Cet article est la suite de celui-ci, qui couvrait les discussions de Gorbatchev avec les dirigeants occidentaux sur l’OTAN et l’avenir de l’Europe.


Lire les documents originaux

Document 01 : Mémorandum à Boris Eltsine sur la délégation du Soviet suprême russe au siège de l’OTAN (en)3 juillet 1991 – Source : Archives d’État de la Fédération de Russie (GARF), Fond 10026, Opis 1.

Ce document est important pour décrire le message clair lancé en 1991 par les plus hauts responsables de l’OTAN – le Secrétaire général Manfred Woerner – selon lequel l’élargissement de l’OTAN ne se produisait pas. L’auditoire était une délégation russe du Soviet suprême qui, dans ce mémo, rendait compte à Boris Eltsine (qui, en juin 1991, avait été élu président de la république russe, la plus grande de l’Union soviétique), mais il ne fait aucun doute que Gorbatchev et ses collaborateurs entendaient la même assurance à l’époque. En juin 1991, cette délégation s’est donc rendue à Bruxelles pour rencontrer les dirigeants de l’OTAN, entendre leurs points de vue sur l’avenir de l’OTAN et partager les préoccupations de la Russie.

Woerner avait prononcé un discours très apprécié à Bruxelles en mai 1990, dans lequel il déclarait : « La tâche principale de la prochaine décennie sera de construire une nouvelle structure de sécurité européenne, incluant l’Union soviétique et les pays du Pacte de Varsovie. L’Union soviétique aura un rôle important à jouer dans la construction d’un tel système. Si vous considérez la situation actuelle de l’Union soviétique, qui n’a pratiquement plus d’alliés, alors vous pouvez comprendre son souhait justifié de ne pas être évincée de l’Europe ». Aujourd’hui, à la mi-1991, Woerner répond aux Russes en déclarant que lui-même et le Conseil de l’OTAN sont contre l’expansion – « 13 des 16 membres de l’OTAN partagent ce point de vue » – et qu’il s’exprimera contre l’adhésion de la Pologne et de la Roumanie à l’OTAN auprès des dirigeants de ces pays comme il l’a déjà fait avec les dirigeants de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie. Woerner souligne que « Nous ne devons pas permettre l’isolement de l’URSS par rapport à la communauté européenne ». La délégation russe met en garde contre le fait que tout renforcement ou expansion de l’OTAN pourrait « sérieusement ralentir la démocratisation » en Russie, et appelle leurs interlocuteurs de l’OTAN à faire diminuer les fonctions militaires de l’alliance.

Ce mémo sur la conversation avec Woerner a été rédigé par trois réformateurs éminents et proches alliés de Eltsine – Sergey Stepashin (président de la Commission de sécurité de la Douma et futur vice-ministre de la sécurité et Premier ministre), le général Konstantin Kobets (futur inspecteur militaire en chef de la Russie après avoir été l’officier militaire soviétique le plus haut placé pour soutenir Eltsine pendant le coup d’État d’août 1991), et le général Dmitry Volkogonov (conseiller d’Eltsine pour les questions de défense et de sécurité, futur directeur de la Commission mixte américano-russe sur les POW-MIA [Prisonner of War pour prisonnier de guerre & Missing in Action pour disparu au combat, NdT], et éminent historien militaire).

Document 02 : Stratégie d’expansion et de transformation de l’OTAN (en)7 septembre 1993 – Source : Département d’État américain. Date / ID du cas : 07 JUL 2004 199904515 199904515

Ce document montre à quel point les choses ont changé entre 1991 et 1993 – non seulement la fin de l’Union soviétique, mais aussi le remplacement de l’administration Bush par les nouvelles personnes nommées par Clinton. Relativement peu de partisans de Clinton à ce stade étaient apparemment favorables à l’expansion de l’OTAN, mais ils étaient très bien placés, comme le conseiller à la sécurité nationale Anthony Lake (qui tenterait de définir la politique étrangère de Clinton comme un « élargissement démocratique ») et la sous-secrétaire d’État aux affaires de sécurité internationale Lynn Davis.

Cette note de service pour le secrétaire d’État Warren Christopher de Davis et son coauteur au bureau de planification des politiques de l’État, Stephen Flanagan, donne un aperçu détaillé du point de vue de l’administration Clinton au début du mois de septembre 1993. Le mémo comprend un calendrier spécifique pour l’expansion de l’OTAN et des groupes de pays à admettre, le groupe de 2005 énumérant même la Russie et l’Ukraine. M. Flanagan, un ancien de l’administration du 41ème président Bush qui est resté au sein de l’administration Clinton, avait déjà publié un essai dans une revue en 1992 sur les idées émergentes d’expansion de l’OTAN. Davis et Flanagan plaident sur l’urgence de transformer et d’élargir l’OTAN, afin de soutenir les « réformateurs orientés vers l’Ouest en Europe centrale et orientale ». Fait intéressant, ils disent : « Le défi pour l’OTAN au cours de la prochaine génération – contenir et récupérer le pouvoir russe – est similaire à l’un des objectifs fondamentaux de l’OTAN au cours de la dernière génération – intégrer l’Allemagne en tant que leader responsable de la communauté transatlantique « .

Selon le témoignage de James Goldgeier dans Not Whether But When, les dirigeants d’Europe centrale et orientale avaient insisté auprès de Clinton pour adhérer à l’OTAN dès avril 1993 lors d’une manifestation du Musée de l’Holocauste à Washington, mais l’élaboration de la politique américaine a réellement commencé cet été-là, après que le secrétaire Christopher eut annoncé qu’il y aurait un sommet de l’OTAN en janvier 1994. Davis et Flanagan sont optimistes quant au fait que l’expansion de l’OTAN pourrait se faire avec « aussi avec l’accord de la Russie », étant donné les remarques de Eltsine à Varsovie au sujet de l’Acte final d’Helsinki et de la possibilité pour les pays de choisir leurs propres alliances. « Il est clair que si la Russie revient au totalitarisme ou apparaît comme une menace pour les États de la région, l’OTAN pourrait arrêter son expansion à la phase III [Roumanie, Albanie et pays baltes] » mais « là encore, cela ne doit pas être considéré comme une menace pour Moscou ». Ne doit pas l’être, mais le serait probablement.

Document 03 : Réunion de votre commission des suppléants sur le sommet de l’OTAN (en)14 septembre 1993 – Source : Département d’État américain. Date / numéro d’identification du cas : 23 avril 2004 200001086

Même avant l’arrivée de la lettre d’Eltsine, le 15 septembre 1993, le département de la Défense s’opposait aux partisans de la procédure accélérée au sein de l’administration Clinton. Cette note d’information à l’intention du sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, Peter Tarnoff, du secrétaire d’État adjoint aux affaires européennes, Stephen Oxman, rend compte franchement du débat interne de l’administration Clinton sur l’expansion de l’OTAN, et explique comment le processus inter-agences a été « court-circuité » par le département de la Défense, en particulier le secrétaire adjoint aux affaires de sécurité régionale, Charles Freeman Jr, ancien ambassadeur en Arabie saoudite. Oxman écrit pour préparer Tarnoff en vue d’une réunion du comité des sous-ministres qui comprendrait des représentants clés du ministère de la Défense et du Conseil de sécurité nationale. Oxman rapporte que « l’OSD [Office of the Secretary of Defense : Bureau du secrétaire de la Défense, NdT] a fait valoir que l’examen de l’expansion de l’OTAN devait jusqu’à présent se concentrer sur les intérêts des pays d’Europe centrale et orientale, plutôt que sur les intérêts du gouvernement des États-Unis ». La Défense a plutôt proposé que les discussions se concentrent sur le « Partenariat pour le maintien de la paix » (plus tard appelé Partenariat pour la paix une fois que le « maintien de la paix » est tombé dans le discrédit après la débâcle de la Somalie). L’objectif de l’État devrait donc être une annonce de l’élargissement lors du Sommet de l’OTAN « qui laisse également la porte ouverte à la Russie, à l’Ukraine et à d’autres pays ». Oxman écrit : « Par le langage utilisé lors du Sommet sur l’adhésion – et par des consultations intensives avec la Russie et l’Ukraine – nous devrons veiller à ce qu’ils perçoivent notre approche de l’OTAN comme une approche qui sert également leurs intérêts en matière de sécurité et renforce leur sentiment d’appartenance à l’Europe. »

Document 04 : Retraduction de la lettre d’Eltsine sur l’élargissement de l’OTAN (en)

15 septembre 1993 – Source : Département d’État des États-Unis. Dossier n° M-2006-0149999

Cette lettre a été écrite peu après le retour d’Eltsine de Pologne, où il a convenu avec le président Lech Walesa que la Pologne avait le droit d’adhérer à l’OTAN, ce qui s’est reflété dans un communiqué et une conférence de presse le 25 août. 12 Il y a une certaine ambiguïté quant aux conditions dans lesquelles Eltsine a fait une telle déclaration, mais Walesa a dit plus tard aux responsables américains qu’il avait des documents écrits signés par Eltsine qui confirmaient ses paroles. Selon Eltsine, cependant, il n’a exprimé sa « compréhension » que dans le cadre de la réaffirmation de son attachement aux dispositions de l’Acte final d’Helsinki, qui stipule que chaque pays est libre de faire des choix en matière d’alliances politico-militaires.

Cette lettre d’Eltsine à Clinton expose la position ferme d’Eltsine contre l’expansion rapide et sa préoccupation au sujet de l’expansion géographique et numérique apparente de l’OTAN plutôt que de sa transformation en une organisation politique. Les dirigeants russes, se fondant sur leur compréhension du règlement de l’après Guerre froide en Europe, étaient désireux d’être intégrés dans un système de sécurité paneuropéen. La lettre définit clairement la position de la Russie : « La sécurité doit être indivisible et reposer sur une structure de sécurité paneuropéenne ». La lettre cite les garanties de sécurité que les Russes pensaient avoir reçues lors des négociations sur l’unification allemande : « l’esprit du traité sur le règlement final […] exclut l’option d’étendre la zone de l’OTAN à l’Est ». Reconnaissant les préoccupations légitimes des Européens de l’Est en matière de sécurité, Eltsine suggère qu’il existe d’autres options pour répondre à leurs préoccupations à part l’adhésion à l’OTAN, telles que « des garanties officielles de sécurité pour les États d’Europe de l’Est, l’accent étant mis sur la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’inviolabilité des frontières et le maintien de la paix dans la région ».

Document 05 : Votre déjeuner-rencontre du 6 octobre avec le secrétaire Aspin et M. Lake (en)

5 octobre 1993 – Source : Département d’État américain. Date / ID du dossier : 07 JUL 2004 199904515 199904515

Dans les trois semaines suivant la réunion des adjoints (voir document 3), les directeurs discuteraient de l’expansion de l’OTAN, en préparation du voyage du secrétaire d’État Christopher en Europe et à Moscou plus tard dans le mois. Cette note de briefing du 5 octobre 1993, rédigée par le secrétaire adjoint Robert Gallucci et envoyée par l’intermédiaire du sous-secrétaire Davis, définit le débat sur l’expansion de l’OTAN pour Christopher comme le sujet principal de son déjeuner de travail du lendemain avec le conseiller à la sécurité nationale Anthony Lake et le secrétaire à la défense Les Aspin. Gallucci écrit : « La principale différence réside dans la question de savoir si l’OTAN s’engagerait lors du sommet de l’OTAN de janvier en faveur de l’expansion, ou s’il offrirait simplement d’une vague possibilité ». La première hypothèse est le point de vue de l’État, la seconde celui de la Défense, et la difficulté de les combiner contribuerait apparemment à la présentation enchevêtrée de Christophe à Eltsine le 22 octobre (voir Document 8). Cette note d’information met en garde : « Ouvrir la possibilité d’une adhésion à l’OTAN représenterait un changement significatif et exigera une approche qui devra être perçue comme un soutien fort à la réforme en Russie ainsi que dans les pays d’Europe centrale et orientale ». Cette publication omet une section de 7 pages détaillant les points de vue de l’État et une section de 3 pages sur la position du bureau du secrétaire à la Défense en faveur des onglets C et D sur les « Visions de l’Est et des Alliés » et « Gérer la question de l’expansion de l’OTAN avec les NEI [Nouveaux États Indépendants, NdT] ». L’onglet C décrit le « feu vert » d’Eltsine à Varsovie et la marche arrière subséquente de Moscou, y compris la lettre d’Eltsine (voir Document 4) et son affirmation selon laquelle le traité de réunification allemand « exclut par sa signification la possibilité d’expansion de la zone OTAN vers l’Est ».

Le mémo analyse également l’opposition d’Eltsine : « Toute la plateforme réformiste d’Eltsine est basée sur la supposition que les relations de la Russie avec l’Occident ont pris un virage et que les antagonismes de la guerre froide ont été mis de côté. Si cette hypothèse était remise en question, l’expansion de l’OTAN pourrait porter atteinte aux fondements de la politique d’Eltsine ». En ce qui concerne les nouveaux États indépendants (NEI), le mémo note qu’il est « important de trouver des moyens de renforcer leur sentiment de sécurité et d’éviter qu’ils aient l’impression d’avoir été exclus de la nouvelle architecture de sécurité européenne ». La dernière section du NIS Tab préconise ce qui pourrait devenir le voyage de Christophe à Moscou, « une occasion idéale pour impliquer les Russes et d’autres sur cette question, et leur assurer que notre initiative offre une sécurité accrue pour tous ».

Document 06 : Votre visite du 21 au 23 octobre à Moscou – Principaux enjeux de politique étrangère (en)

20 octobre 1993 – Source : Département d’État américain. Date/numéro d’identification du dossier : 04 MAI 2000 200000982

Le Chargé d’Affaires et futur Ambassadeur en Russie James Collins envoie un câble d’information au Secrétaire Christopher avant sa visite à Moscou où il devrait rencontrer Eltsine et Kozyrev. Il s’agit de la première visite d’un haut fonctionnaire occidental à Moscou après la dissolution du Parlement par Eltsine et la confrontation d’octobre avec la faction dure du Parlement qui a donné lieu à une effusion de sang dans le centre de Moscou. De nouvelles élections sont prévues pour décembre et Eltsine a besoin de tout le soutien de l’Ouest qu’il peut obtenir. Collins conseille au secrétaire d’État d’être sensible au besoin d’Eltsine et Kozyrev de voir la Russie sur le plan intérieur comme un partenaire avec lequel l’Occident se concerte et ne tient pas seulement pour acquis, et il énumère certaines questions controversées : l’expansion de l’OTAN, l’espace post-soviétique et l’Ukraine.

En ce qui concerne l’OTAN, Collins note que les Russes sont conscients que le débat interne aux États-Unis atteint un moment crucial au sujet de l’expansion et veulent être assurés que la porte est ouverte à la Russie, et non seulement aux Européens de l’Est. Selon Collins, « ce que les Russes espèrent entendre de votre part, c’est que l’OTAN n’avance pas précipitamment et que toute politique adoptée par l’OTAN s’appliquera également à eux ». Leur attitude « très sensible » provient de la crainte de « se retrouver du mauvais côté d’une nouvelle division de l’Europe ». Par conséquent, Collins conseille à Christopher de s’assurer que les Russes savent que les États-Unis promeuvent activement la « réintégration complète de la Russie dans la famille des États occidentaux ».

Document 07 : Rencontre du secrétaire Christopher avec le ministre des Affaires étrangères Kozyrev : OTAN, élections, questions régionales (en)25 octobre 1993 – Source : Département d’État des États-Unis. Date / numéro d’identification du dossier : 11 MAR 2003 200001030 200001030

Lors de son voyage en Europe pour expliquer la position des États-Unis sur l’expansion de l’OTAN, le secrétaire Christopher se rend à Moscou après des réunions à Budapest. Lui et l’ambassadeur spécial Strobe Talbott rencontrent le ministre des Affaires étrangères Kozyrev et son adjoint, Yuri Mamedov, avant de rendre visite à Eltsine à sa résidence de campagne. Dans sa note de service sur la réunion avec Kozyrev, Christopher est très bref sur la discussion au sujet de l’OTAN. Il dit à Kozyrev que les États-Unis sont sensibles à la position russe et ont développé une nouvelle proposition en conséquence : le Partenariat pour la paix, qui serait ouvert à tous les pays sur un pied d’égalité. Kozyrev s’inquiète de toute expansion, et il « a demandé sèchement, s’il n’y aurait pas deux ou trois nouveaux membres maintenant ? » Christopher dit « non » et ne parle que d’une éventuelle nouvelle adhésion à l’OTAN comme quelque chose qui se produirait dans un avenir lointain. Le Secrétaire dit à Kozyrev « qu’il croyait que cela répondait aux exigences de la Russie ». Christopher ne répond pas directement aux préoccupations de Kozyrev au sujet de la décision d’expansion, mais, de façon trompeuse, il laisse entendre que la PFP [Partenariat pour la paix, NdT] est l’alternative pour le moment.

Document 08 : Rencontre du secrétaire Christopher avec le président Eltsine, 22/10/93, Moscou (en)22 octobre 1993 – Source : Département d’État américain. Date / numéro d’identification du dossier : 08 MAI 2000 200000982

Christopher est emmené à la maison de campagne de Eltsine, Zavidovo, pour une réunion qui ne dure que 45 minutes. Eltsine a très probablement déjà été informé par Kozyrev de sa conversation avec le secrétaire d’État et de son assurance au sujet du PPP et non de l’adhésion. Christopher commence par féliciter vivement Eltsine pour la manière dont il a géré la crise constitutionnelle avec le Parlement, en transmettant une « haute appréciation » et en soulignant que Clinton est « extrêmement favorable » à ses actions. Pendant la majeure partie de la conversation, ils parlent des prochaines élections, qu’Eltsine appelle « les premières élections libres et équitables pour le parlement depuis 1917 », et de la visite de Mme Clinton à Moscou prévue pour janvier 1994.

Dans la dernière partie de la conversation, qui semble quelque peu précipitée – Christopher répète qu’il ne veut pas prendre plus de temps à Eltsine – ils se tournent vers la question la plus sensible – l’expansion de l’OTAN. Christopher dit à Eltsine que sa lettre sur l’expansion de l’OTAN (voir document 4) « est arrivée exactement au bon moment et qu’elle a joué un rôle décisif dans la réflexion du président Clinton ». En conséquence, selon Christopher, la décision a été prise d’aller de l’avant avec le Partenariat pour la paix, qui serait ouvert à tous et sans faire passer certains pays avant d’autres. Entendant cette déclaration en réponse à sa préoccupation concernant l’expansion, Eltsine s’empresse de demander à Christopher de confirmer son impression – « Eltsine […] a demandé s’il était juste de comprendre que tous les pays de la CEE et les NEI seraient sur un pied d’égalité et qu’il y aurait un partenariat et non une adhésion ». Christopher répond : « Oui, c’est le cas, il n’y aurait même pas de statut d’associé ». Un Eltsine soulagé s’exclame : « C’est une idée brillante, c’est un coup de génie ».

Eltsine parle avec enthousiasme de la façon dont ce « coup de génie » résout toutes les tensions entre la Russie et les pays d’Europe de l’Est, comment il garantit que la Russie ne sera pas un « citoyen de seconde zone » et sera un partenaire à part entière. Il demande de transmettre sa gratitude à Clinton. Après cette expression d’approbation démonstrative, Christopher ajoute que la question de l’adhésion sera également considérée « en temps voulu », mais « comme une éventualité à plus long terme ». Dans ses mémoires, Christopher dépeint Eltsine dans cette réunion comme une personne déconcentrée qui se remet du stress de l’alcool, l’interrompant immédiatement en qualifiant le PPP de « coup de génie ». En fait, le mémorandum de conversation montre que Eltsine s’est concentré sur la distinction et a posé une question pointue pour confirmer son impression. Il n’est pas étonnant que les Russes aient plus tard trouvé cette conversation trompeuse et se soient sentis trahis lorsque Clinton a dit « non pas si, mais quand ». 13

Document 09 : Izvetiya Résumé du rapport Primakov/SVR sur l’OTAN (en)26 novembre 1993 – Source : FBIS-SOV-93-226 Russie Affaires internationales

Ce rapport, publié par le SVR [Service des renseignements extérieurs de la fédération de Russie, NdT] et présenté publiquement par Evgeny Primakov (alors directeur du SVR puis ministre des Affaires étrangères) montre que les services de renseignement russes sont conscients des discussions actives au sein de l’administration Clinton concernant les options d’expansion de l’OTAN. Le rapport souligne les implications géostratégiques, militaires et psychologiques pour la sécurité russe. Psychologiquement, l’élargissement de l’OTAN plutôt que la mise en place d’un nouveau système de sécurité prolongerait l’existence de la pensée en termes de blocs et de la méfiance de la Guerre froide. Sur le plan géopolitique, les experts russes ne discernent pas une intention du côté américain de construire une institution pour la sécurité européenne qui serait adéquate pour une situation post-confrontation en Europe. La façon dont l’OTAN se transforme serait d’une importance cruciale pour la Russie. Et militairement, le fait que le plus grand regroupement de forces militaires du monde avancerait à proximité des frontières russes « exige une nouvelle conceptualisation fondamentale de toutes les conceptions de défense, une reconfiguration des forces armées, une reconsidération de tous les théâtres militaires (districts), le déploiement d’infrastructures supplémentaires, le redéploiement de contingents militaires importants, l’évolution des plans d’urgence et de la nature des préparatifs de formation militaire », même si le rapport indique qu’il est entendu que l’alliance n’a pas l’intention de lancer une frappe contre la Russie. Une telle conceptualisation entraînerait une forte pression sur le budget à un moment où la Russie tente de réduire ses armements.

Document 10 : Mémo de conversation téléphonique du 05 janvier (appel du secrétaire de Défense au ministre de la Défense russe Grachev (en)

5 janvier 1994 – Source : William J. Clinton Presidential Library.

Le secrétaire à la Défense Les Aspin passe le premier appel téléphonique en utilisant la « ligne de partenariat » à son homologue russe, Pavel Grachev. La première question d’Aspin à Grachev porte sur les réactions russes au prochain sommet de l’OTAN. Aspin déclare que « l’accent sera mis sur l’expansion de l’OTAN, car un certain nombre de pays ont fait pression pour l’adhésion à l’OTAN ». Il affirme également le soutien de l’administration Clinton au programme du Partenariat pour la paix. M. Grachev exprime son soutien total au PPP et son opposition à l’expansion de l’OTAN. Il dit que bien que chaque pays ait le droit souverain de choisir ses alliances politiques et militaires, « l’Europe de l’Est et les pays baltes ne devraient pas spéculer sur la mythique menace russe ». Selon lui, « la sécurité européenne devrait être collective, et non pas orientée vers les blocs, et s’appuyer sur toutes les structures européennes ». Ils parlent de la coopération entre la Russie et l’OTAN, du travail conjoint sur la non-prolifération et des relations bilatérales entre militaires. A la fin de la conversation, Aspin dit que « lui et Grachev semblaient tout à fait d’accord, et il a remercié Grachev pour son point de vue sur l’OTAN et le programme « Partenariat pour la paix ». »

Document 11 : La rencontre du président avec les dirigeants tchèques (en)

11 janvier 1994 – Source : William J. Clinton Presidential Library.

Lors de la deuxième étape de son voyage en Europe, après le sommet de l’OTAN à Bruxelles, le président Clinton s’arrête à Prague où il rencontre d’abord le président tchèque Vaclav Havel, puis un groupe plus important de responsables tchèques et, le lendemain, les dirigeants de tous les États du groupe Visegrad. La conversation entre Clinton et Havel est particulièrement importante pour éclairer les tentatives sincères de Clinton de régler les problèmes, en promettant que le Partenariat pour la paix est « une voie qui mènera à l’adhésion à l’OTAN » et que les États-Unis n’ont pas l’intention de « dessiner une autre ligne divisant l’Europe à quelques centaines de kilomètres plus à l’Est ». Clinton décrit franchement à Havel l’attitude des membres de l’OTAN à l’égard de l’expansion, « qu’il n’y a pas de consensus entre les alliés de l’OTAN pour étendre les garanties formelles de sécurité » parce qu’ils ne savent pas vraiment lesquels des nouveaux pays pourraient réellement contribuer à la sécurité, et parce que « la réaction en Russie pourrait être l’inverse de ce que nous voulons ».

Clinton fournit l’argument de politique d’assurance pour le Partenariat, en disant que « la Russie n’est pas une menace à court terme… Mais si les tendances historiques se confirment, nous nous serons organisés de manière à pouvoir passer rapidement non seulement à l’adhésion à l’OTAN, mais aussi à d’autres relations de sécurité qui peuvent avoir un effet dissuasif ». Havel se rallie aux propos sincères de Clinton, en accord avec ses points de vue, « mais étant donné les sensibilités de la population ici, il [Havel] doit souligner que le PPP est un premier pas vers l’adhésion à part entière à l’OTAN. Le Président a exprimé son plein accord. »

Document 12 : Déjeuner du président Réunion plénière avec les chefs d’État et de gouvernement de la Pologne, de la Hongrie, de la Slovaquie et de la République tchèque (en)

12 janvier 1994 – Source : William J. Clinton Presidential Library.

Le lendemain de ses entretiens avec Vaclav Havel et les Tchèques, le président Clinton rencontre le groupe plus large des dirigeants des pays du groupe de Visegrad, comprenant la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie, pour les informer des résultats des discussions de Bruxelles sur l’OTAN, en particulier le programme de Partenariat pour la paix. La conversation montre l’insatisfaction des dirigeants du groupe de Visegrad face à ce qu’ils considèrent comme un pas insuffisant pour protéger leur sécurité, et leur lobbying actif en faveur de l’adhésion à l’OTAN et des garanties de sécurité contre la menace russe potentielle. Le Polonais Lech Walesa soutient qu’ils doivent saisir l’occasion alors que la Russie est faible, et dit franchement qu’il doute de la validité des promesses et des assurances russes. Walesa souligne que les pays du groupe de Visegrad « avaient une culture occidentale. La Russie, non ». Havel s’inquiète rapidement du fait qu’il n’est pas « possible ou souhaitable d’isoler la Russie ». Le ministre polonais des Affaires étrangères, M. Olechowski, exprime ses inquiétudes quant à la possibilité que les États-Unis soient en train de « conclure un accord » avec la Russie en établissant de nouvelles sphères d’influence. Tous les participants conviennent qu’ils adhéreront au PPP, mais seulement si c’est la première étape vers une adhésion à part entière à l’OTAN, et Clinton le confirme. Juste après cette réunion, dans ses remarques préparées lors de la conférence de presse au Château de Prague, Clinton prononce la phrase capitale : « la question n’est plus de savoir si l’OTAN accueillera de nouveaux membres, mais quand et comment. »

Document 13 : Lettre informelle officielle « Boris-Bill » n°248″ (en)

6 décembre 1994 – Source : Département d’État américain. Date / numéro d’identification du dossier : 07 JUL 2004 200000983

A la veille de la réunion de l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, NdT] à Budapest, Eltsine envoie à Clinton une lettre dans laquelle il expose le point de vue de la Russie sur la sécurité européenne et met en garde contre une expansion rapide de l’OTAN. À bien des égards, la lettre est un avant-goût concis du discours d’Eltsine sur la « paix froide » qui choquerait Clinton et les médias quelques jours plus tard, lors de la réunion de Budapest. Eltsine écrit ici que les Russes considèrent l’institutionnalisation de l’OSCE comme un pas important pour en faire une « organisation paneuropéenne à part entière avec une base juridique solide » et la principale structure qui s’occupe de la sécurité et du maintien de la paix en Europe. Cette organisation énumère tous les candidats à l’adhésion à l’OTAN, ainsi que les États-Unis et la la Russie sur un pied d’égalité. Les Russes considèrent l’OCSE comme la seule structure pleinement intégrante de l’après-Guerre froide, qui devrait être développée et renforcée par un effort commun. Dans ce schéma de priorités, l’expansion de l’OTAN détournerait l’énergie et l’attention du projet paneuropéen. Faisant référence à leur dernière conversation lors du sommet de fin septembre à Washington, Eltsine écrit que « nous avons convenu avec vous qu’il n’y aurait pas de surprises, que nous devrions d’abord passer par cette étape de partenariat, alors que les questions d’évolution future de l’OTAN ne devraient pas être décidées sans tenir compte de l’opinion et des intérêts de la Russie ». Le dirigeant russe prévient que les discussions avec les membres potentiels et l’élaboration des calendriers « seront interprétées, et pas seulement en Russie, comme le début d’une nouvelle division de l’Europe ».

Document 14 : Compte rendu du contenu principal de la conversation entre IP Rybkin et le vice-président des États-Unis A. Gore (en)

14 décembre 1994 – Source : GARF Fond 10100, Opis 2

Gore est à Moscou pour la quatrième réunion semestrielle de la Commission Gore-Chernomyrdin, le groupe de haut niveau destiné à régulariser les relations bilatérales entre les États-Unis et la Russie, de l’espace aux armes nucléaires en passant par les questions environnementales. Après le discours inattendu d’Eltsine au sommet de l’OSCE à Budapest le 5 décembre, critiquant l’expansion de l’OTAN comme mettant fin à l’ère de la coopération en Europe, Gore tente de réparer les relations et d’expliquer l’état des discussions de l’OTAN sur l’élargissement, disant que la réaction russe est basée sur un malentendu et sur « l’incapacité de notre part à communiquer clairement à la Russie ce dont nous parlons ». Il répète au cours de la conversation que « [l]e processus d’expansion ne sera pas rapide. Au contraire, il sera progressif, réfléchi absolument ouvert et transparent, sans surprises. Nous avons l’intention d’avoir des discussions franches et approfondies avec la Russie à chaque étape de ce processus ». En réponse, M. Rybkin souligne que les assurances que vous avez données au sujet de l’expansion de l’OTAN sont très importantes et lie implicitement le processus d’expansion de l’OTAN à la ratification de START II [Strategic Arms Reduction Treaty : traité de réduction des armes stratégiques, NdT] .

Document 15 : Compte rendu de conversation entre le vice-président Lukin, le premier sous-secrétaire d’État Strobe Talbott et le conseiller spécial du secrétaire d’État Jim Collins (en)16 décembre 1994 – Source : GARF Fond 10100, Opis 2

Au cours de la mission Gore à Moscou, Talbott rend visite à l’influent ancien ambassadeur à Washington, Vladimir Lukine, pour clarifier le malentendu qui, selon les dirigeants américains, a conduit au discours sur la « paix froide » d’Eltsine. Il a souligné que la décision d’étendre l’OTAN n’a pas été prise aux dépens des relations avec la Russie et que tous les canaux ont été utilisés pour tenir la Russie informée. Talbot assure à Lukine que « les États-Unis adhéreront aux principes suivants : 1) pas de décisions hâtives ; 2) pas de surprises ; 3) pas d’exceptions » dans la formulation de sa politique de l’OTAN et appelle l’OTAN « une structure universelle de sécurité européenne ». En réponse, Lukine met en garde contre une expansion rapide, mentionnant la nécessité de maintenir un équilibre « délicat » en Europe et la « signification symbolique négative » du déplacement de l’OTAN vers les frontières russes. Au lieu de cela, il propose de convoquer une conférence internationale sur les solutions alternatives pour la sécurité européenne qui se concentrerait sur les moyens alternatifs de parvenir à la sécurité et à la coopération, où l’accent serait mis « non pas sur les paramètres temporels de l’expansion de l’OTAN, mais sur les préoccupations spécifiques des pays d’Europe de l’Est dans le domaine de la sécurité et sur les moyens d’éliminer ces préoccupations »..

Document 16 : Points de discussion pour la réunion Gore/Eltsine du 16 décembre (en)16 décembre 1994 – Source : Département d’État américain. Date / numéro d’identification du dossier : 07 JUL 2004 200000983

La réunion la plus importante des travaux de remédiation du vice-président Gore à Moscou a lieu dans la chambre d’hôpital de Boris Eltsine, où le président russe se remet de ce qui a été officiellement décrit comme une « opération du nez », tandis que les troupes russes affluent en Tchétchénie au début d’une guerre brutale. Les points de discussion préparés pour Gore disent explicitement qu’ils « n’ont qu’une seule question à discuter – le souhait du Président que nous surmontions les désaccords de Budapest ». Gore a deux assurances à donner, que Clinton est personnellement engagé dans un partenariat avec Eltsine, et que toute expansion de l’OTAN serait « graduelle, ouverte » et n’aurait pas lieu en 1995 « quand vous aurez des élections parlementaires ». Les échéances incluraient par la suite 1996, date à laquelle les deux présidents feraient face à des campagnes de réélection.

Document 17 : 21 décembre NAC : Orientations pour la discussion de la visite du vice-président en Russie (en)

21 décembre 1994 – Source : Département d’État américain. Date / numéro d’identification du dossier : 01 SEP 2010 201002312 201002312

Ce câble du département d’État fournit des points d’information à utiliser avec les alliés pour évoquer le voyage du vice-président Gore à Moscou, et contient plusieurs passages frappants sur ce que les Russes ont dit au groupe Gore au sujet de l’expansion de l’OTAN. Le message américain est qu’il y a eu un malentendu sur la rapidité de l’expansion, que cela ne se produirait pas en 1995, qu’il n’y avait pas d’échéancier pour les nouveaux membres, et ainsi de suite. « Les Russes ont déclaré qu’ils avaient interprété les déclarations faites depuis le sommet de Washington de septembre comme signifiant que les États-Unis et l’OTAN subordonnaient, sinon abandonnaient, l’intégration à l’expansion de l’OTAN ». La phrase suivante inverse les verbes « abandonner, sinon subordonner, l’intégration à l’expansion de l’OTAN ». Le câble poursuit en affirmant que « les dirigeants et les responsables russes… ont affirmé que l’élargissement de l’OTAN leur pose des difficultés parce que l’OTAN est encore perçue en Russie comme un système d’alliance militaire qui est soit dirigé contre eux, soit maintenu et prévoit de s’étendre en attendant l’échec de la démocratie russe et de la réforme économique russe » – une sorte de prophétie auto-réalisatrice.

Document 18 : Mémorandum d’information sur les résultats de l’audition parlementaire sur le thème : « Relations russo-américaines » (en)

25 avril 1995 – Source : GARF Fond 10100, Opis 2, Delo 122

À la veille des célébrations du 50e anniversaire de la Victoire dans la Seconde Guerre mondiale et de la venue de Mme Clinton à Moscou pour le V-Day, la Douma a tenu des audiences sur les relations américano-russes à un moment où les attentes initiales élevées du partenariat stratégique avaient commencé à céder la place à la désillusion. Tout en définissant la coopération avec les États-Unis comme une priorité élevée, les députés s’inquiètent du fait que les États-Unis profitent de la faiblesse de la Russie et de l’évolution de l’équilibre des forces en Europe. Ce résumé (rédigé par le président de la commission des affaires internationales de la Douma et ancien ambassadeur de Russie aux États-Unis, Vladimir Lukine) qualifie la volonté des États-Unis de prendre en compte les intérêts russes dans le domaine de la sécurité européenne comme un test de la sincérité des intentions déclarées par les Américains d’être un partenaire de la Russie. L’expansion de l’OTAN est considérée comme le plus grand sujet de désaccord. De l’avis des participants aux auditions, M. Lukine écrit : « Les actions des États-Unis pour étendre l’OTAN (…) contredisent directement les intérêts nationaux de la Russie et ne sont pas dans l’intérêt du renforcement de la sécurité et de la stabilité en Europe ». Ignorer ces intérêts russes montre le désir des États-Unis d’isoler la Russie et d’empêcher son intégration dans l’espace européen. Le deuxième grand sujet de préoccupation concerne les efforts déployés par les États-Unis pour affaiblir l’influence russe dans l’espace de la CEI [Communauté des États indépendants : entité intergouvernementale composée de 9 des 15 anciennes républiques soviétiques, NdT] et empêcher sa réintégration. Le résumé note que « dans sa politique à l’égard des États post-soviétiques, les États-Unis s’écartent souvent de leur priorité déclarée pour les principes de démocratie et de respect des droits de l’homme et placent ouvertement leurs objectifs géopolitiques au premier plan ».

Document 19 : Rapport de synthèse sur la rencontre en tête-à-tête entre les présidents Clinton et Eltsine, 10 mai 1995, Kremlin (en)10 mai 1995 – Source : William J. Clinton Presidential Library.

Eltsine apprécie beaucoup que Clinton soit venu à Moscou pour célébrer le 50e anniversaire de la victoire dans la Seconde Guerre mondiale. Cette longue et vaste conversation est remarquable en tant qu’aperçu de la relation entre Bill et Boris. Eltsine nous livre ici son vrai cri de cœur sur l’OTAN. Il ne voit « rien d’autre qu’une humiliation » pour la Russie si l’OTAN s’élargit, l’appelant un « nouvel encerclement ». Il soutient que ce dont ils ont besoin, c’est d’un nouveau système de sécurité européen, et non d’anciens blocs. Il dit avec émotion, « que j’accepte que les frontières de l’OTAN s’étendent vers celles de la Russie – cela constituerait une trahison de ma part du peuple russe ».

En réponse, Mme Clinton explique patiemment et clairement la position des États-Unis sur l’expansion de l’OTAN – elle doit être considérée dans le contexte de la participation continue des États-Unis à la sécurité européenne et d’un effort visant à créer une Europe pleinement intégrée. Il fait allusion à des compromis si Eltsine accepte l’expansion de l’OTAN – la Russie serait un membre fondateur du régime post-COCOM [La Coordinating Committee for Multilateral Export Controls (CoCom) était une organisation de la guerre froide qui visait à limiter l’accès à la technologie des pays communistes, NdT], rejoindrait le G-7, aurait une relation spéciale avec l’OTAN – mais seulement si la Russie « franchit les portes que nous vous ouvrons ». La priorité urgente de M. Eltsine sont les élections à venir ; il confie au président américain que « sa position à l’approche des élections de 1996 n’est pas tout à fait brillante ». Il demande au président de reporter la discussion sur l’expansion au moins jusqu’après l’élection. Clinton est très direct sur ses propres pressions électorales de la part des républicains et les électeurs du Wisconsin, de l’Illinois et de l’Ohio qui poussent à l’expansion de l’OTAN. Eltsine finit par accepter à contrecœur l’offre de Clinton – pas de décisions de l’OTAN avant la fin des élections, seulement une étude de l’expansion ; mais il consent également à aucune rhétorique anti-OTAN de la part de la Russie, et que les Russes signent le PPP avant la fin du mois de mai. Eltsine a besoin du soutien de Clinton pour remporter les élections de 1996 et il ne voit pas d’autre alternative que de s’appuyer sur les assurances des Américains.

Document 20 : Rencontre Clinton-Eltsine, 17 juin 1995, Citadel Inn, Halifax, Nouvelle-Écosse (en)

17 juin 1995 – Source : William J. Clinton Presidential Library (publié par le Département d’État)

Après le succès du sommet de Moscou, comme promis par Eltsine, Kozyrev a en effet signé les documents PPP et la Russie a officiellement rejoint le programme. Lors de sa prochaine rencontre avec le président des États-Unis, Eltsine veut revenir sur le sujet de l’OTAN pour mettre l’accent sur les priorités russes. Il veut un traité ou un mécanisme spécial entre l’OTAN et la Russie, mais surtout, il considère l’OSCE « comme le principal mécanisme pour construire un nouvel ordre sécuritaire en Europe. L’OTAN est aussi un facteur, bien sûr, mais l’OTAN devrait évoluer vers une organisation politique ». Il considère le succès de la mise en place du nouvel ordre de sécurité européen comme la priorité la plus importante. Clinton ne réagit pas directement à cela, mais parle de l’importance de la collaboration et de l’engagement des forces armées de la Russie et de l’OTAN dans le maintien de la paix.

La réunion est extrêmement décontractée et cordiale, et les deux dirigeants trouvent un accord sur d’autres questions difficiles telles que les ventes de réacteurs à l’Iran, la Corée du Nord, les essais nucléaires, le START [Strategic Arms Reduction Treaty] et le CFE [Traité sur les Forces conventionnelles en Europe(FCE), suspendu en 2007 par la Russie, qui s’est définitivement retirée ebn 2015,NdT] – bien que ces accords soient pour la plupart aux conditions américaines, Clinton proposant et Eltsine acceptant. Eltsine croit que leur partenariat personnel est essentiel pour leur succès : « Nous construirons le partenariat sur la base de notre amitié, la vôtre et la mienne, et nous le ferons pour le bien de la paix dans le monde ». À un moment donné, le dirigeant russe tend la main et tapote le genou de Clinton.

Document 21 : Réunion du secrétaire avec FM russe Kozyrev, 6 décembre 1995 (en)

11 décembre 1995 – Source : Département d’État américain. Date / ID du dossier : 6 mars 2003, 20000103030

Le secrétaire d’État Christopher et le ministre des Affaires étrangères Kozyrev se rencontrent le lendemain de la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord qui a discuté de la mise en œuvre de l’accord de paix en Bosnie et de l’expansion de l’OTAN. Les discussions portent sur l’élaboration d’un protocole d’entente OTAN-Russie qui préciserait et officialiserait l’interaction OTAN-Russie dans le maintien de la paix en Bosnie. Kozyrev suggère qu’aucun papier supplémentaire n’est nécessaire, ils peuvent s’appuyer sur des documents « au-delà du PPP » existants. En ce qui concerne l’expansion de l’OTAN, Kozyrev décrit le débat au sein du gouvernement russe sur la manière d’aborder l’OTAN comme étant composé de trois écoles : une école prête à défendre les intérêts russes par « l’activisme et les menaces », une qui croit que la Russie devrait « ignorer l’OTAN », et une autre, à laquelle lui et le président Etsine appartiennent, croyant en la coopération avec l’OTAN même si « pendant que les disputes, le dialogue et les désaccords sur l’élargissement se poursuivent ». Christopher demande à Kozyrev de « faire comprendre au président Eltsine que le président Clinton a été fidèle aux promesses qu’il avait faites à ce sujet », en se référant à ce sur quoi les deux présidents se sont mis d’accord lors du sommet de mai.

Document 22 : Extrait des mémoires d’Evgueni Primakov sur l’expansion de l’OTAN (en)

Janvier 1996 – Source : Vstrechi na Perekrestkakh (Au cœur du pouvoir : mémoires politiques), Moscou 2015, pp. 209-212

Lorsque Evgeny Primakov devient ministre des Affaires étrangères en janvier 1996, l’un des tous premiers problèmes auxquels il doit faire face est l’expansion de l’OTAN. Il demande aux archives du ministère des Affaires étrangères des documents mentionnant les assurances données par les dirigeants occidentaux en 1990-1991 concernant la non-expansion de l’OTAN. Ayant établi le dossier documentaire, il l’utilise souvent dans ses notes de service aux représentants du gouvernement, dans ses discours et dans ses conversations. Il en publie par la suite des extraits et des citations dans ses mémoires de 2015, énumérant les assurances de Baker, Kohl, Major et Mitterrand et spéculant sur les raisons pour lesquelles ces pays se sont détournés de leurs opinions telles qu’exprimées à l’époque par leurs dirigeants. De façon frappante, il conclut que les Russes portent également une partie de la responsabilité du fait que les Européens du Centre et de l’Est se détournent vers l’Ouest.

Document 23 : « Assertions russes sur l’accord deux plus quatre » (en)

23 février 1996 – Source : Département d’État américain. Dossier N. F-2008-02356

La compilation Primakov des assurances occidentales à Gorbatchev a peut-être servi de catalyseur pour cette réfutation énergique du département d’État envoyée à tous les postes européens, après qu’un « haut fonctionnaire du Kremlin » se soit plaint qu’une expansion de l’OTAN violerait « l’esprit » du traité d’unification allemande (tout comme Eltsine l’avait fait valoir dans sa lettre du 15 septembre 1993 à Clinton). Ce câble transmet un mémo écrit par John Kornblum, secrétaire d’État adjoint par intérim pour l’Europe, avec John Herbst, alors au bureau d’État sur les nouveaux États indépendants (NEI) et futur ambassadeur en Ukraine, qualifiant les affirmations russes sur l’OTAN de « spécieuses » et « sans fondement ». Le mémo de Kornblum-Herbst se concentre sur les négociations deux plus quatre qui ont abouti au traité d’unification allemande, faisant valoir que le traité ne s’appliquait qu’au territoire de l’ancienne Allemagne de l’Est et qu’il ne constituait pas un précédent en ce qui concerne les limites imposées aux nouveaux membres de l’OTAN. La note décrit à tort un commentaire de Hans-Dietrich Genscher comme étant « unilatéral » et ne s’appliquant qu’à l’ancienne RDA, alors qu’en fait, le département d’État et les câbles diplomatiques britanniques de l’époque (février 1990) montrent que Genscher se réfère spécifiquement et à plusieurs reprises à l’ancienne RDA et à la Pologne et à la Hongrie en tant que pays qui pourraient vouloir adhérer à l’OTAN.

Mais sinon, le mémo n’aborde pas les assurances de haut niveau sur la sécurité soviétique (comme « pas un pouce vers l’est ») fournies à Gorbatchev par un large éventail de dirigeants occidentaux (James Baker, Helmut Kohl, Douglas Hurd, John Major et George H.W. Bush, entre autres). Au lieu de cela, le mémo dévie dans un examen confus des prétendues « déclarations juridiquement contraignantes des dirigeants d’Europe de l’Est » de l’époque. Même le célèbre discours de Vaclav Havel de février 1990 devant le Congrès américain appelant au retour de toutes les troupes étrangères pourrait difficilement être considéré comme juridiquement contraignant, de sorte que cela restera incertain jusqu’à ce que les « reftels » [Reference telegrams] sous-jacents soient déclassifiés.

Document 24 : Extrait du mémorandum de conversation entre la délégation du Congrès américain et le président de la Douma russe Gennady Seleznev (en)

21 octobre 1996 – Source : GARF Fond 10100, opis 15, delo 2

Dans cet extrait, le sénateur Sam Nunn répond aux préoccupations russes au sujet de l’expansion de l’OTAN en déclarant qu’à son avis, « l’expansion de l’OTAN doit suivre, et non être en avance sur le processus d’élargissement de l’UE », ce qui correspond à la vision russe d’un horizon d’expansion à long terme. Il estime qu’à l’heure actuelle, la Russie n’est pas une menace pour l’Europe de l’Est et appuie la conviction de Havel que les PECO [pays de l’Europe centrale et orientale, NdT] veulent adhérer à l’OTAN pour différentes raisons – valeurs communes et soutien au développement démocratique. Mais il cite aussi Napoléon en disant que « si vous réussissez à attirer l’adversaire à vos côtés, c’est déjà une garantie de succès », ce que les Russes voient se produire au sens géopolitique. Nunn dit à Seleznev que l’armée américaine n’est pas enthousiaste à l’idée d’une expansion de l’OTAN non plus, car cela n’augmenterait pas l’état de préparation au combat. Il est important de noter que le sénateur, que les Russes tiennent en haute estime, pense que « nos deux pays devraient concentrer leur attention sur les aspects politiques et psychologiques liés aux problèmes de l’expansion de l’OTAN ».

Document 25 : Extraits du mémo d’Evgeny Primakov à Gennady Seleznev, « Éléments sur l’OTAN destinés à être utilisés dans les conversations et les déclarations publiques » (en)

31 janvier 1997 – Source : GARF Fond 10100, opis 14, delo 89, p. 55.

A présent ministre des Affaires étrangères, Evgeny Primakov prépare ce mémo pour le président de la Douma avant l’annonce officielle du premier cycle d’expansion de l’OTAN au Sommet de Madrid. Le mémo commence par énoncer la position « invariablement négative » de la Russie à l’égard de l’expansion de l’OTAN, en particulier en ce qui concerne l’extension de l’infrastructure militaire de l’OTAN à l’Est. Il souligne que l’expansion de l’OTAN n’est pas pour l’instant perçue comme une menace militaire, mais comme « l’établissement de nouvelles lignes de division en Europe », ce qui conduira inévitablement à « un glissement vers une nouvelle confrontation, sapant la confiance entre la Russie et les États occidentaux ». Il n’est pas d’accord avec les justifications de l’expansion et se réfère aux assurances données aux dirigeants soviétiques et russes en 1990-1991 que l’OTAN ne s’étendrait pas d’un pouce vers l’Est. Primakov conclut avec une certaine force : « Nous parlons d’une décision dont les conséquences définiront la configuration européenne pour les décennies à venir. Les politiciens qui sont au pouvoir aujourd’hui porteront une responsabilité historique [pour cela] ».

De gauche à droite : le président slovaque Michal Kovac, le président polonais Lech Walesa, le président américain Bill Clinton, le président tchèque Vaclav Havel et le président hongrois Arpad Goncz, à Prague, le 12 janvier 1994 (Photo : Rick Wilking, Reuters).
Le président Clinton, le président Eltsine et le président ukrainien Leonid Kravchuk se serrent la main sur l’accord de dénucléarisation à Moscou, en janvier 1994.
Le président Eltsine et le vice-président américain Al Gore à Moscou, en décembre 1994.
Le président Eltsine et le président Clinton à Hyde Park, New York, octobre 1995.
Le président Clinton et le président Yeltsin à Halifax, Nouvelle-Écosse, le 17 juin 1995 (Source : Yeltsin Center).

Source : National Security Archive, Svetlana Savranskaya & Tom Blanton, 16-03-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Notes

1Warren Christopher, dans Chances of a Lifetime : A Memoir, p. 280, décrit Yeltsin comme « rigide, presque robotique » et « émettant de fortes émanations d’alcool ».
⇧2James Goldgeier a été le premier à souligner la contradiction entre ce que Eltsine a entendu et ce que les Américains avaient à l’esprit, dans son récit faisant autorité sur la décision américaine d’étendre l’OTAN, Not Whether But When, p. 59. Son analyse encore plus détaillée se trouve dans WarOnTheRocks, Promises Made, Promises Broken : What Yeltsin Was Told About NATO in 1993 and Why It Matters », 12 juillet 2016, lien. Comme l’écrivait Goldgeier, « ce n’était pas non plus une promesse, mais cela renforçait pour les Russes le discours selon lequel, indépendamment de ce que les États-Unis prétendaient dans leurs conversations avec leurs dirigeants, cela maximiserait la position américaine sans tenir compte des intérêts russes. »
⇧3Strobe talbott, The Russia Hand, p. 101
⇧4Pour de plus amples détails sur la façon dont les partisans de l’expansion de l’OTAN ont remporté le débat interne, voir Goldgeier, Not Whether But When, pp. 57-58 et 62-76. Voir aussi le récit de l’un des principaux « entrepreneurs de politique », Ronald D. Asmus, Opening NATO’s Door : How the Alliance Remade Itself for a New Era (Columbia University Press, 2002).
⇧5Voir Talbott, The Russia Hand, p. 136, pour la citation prolongée (Talbott était présent). Le mémorandum de conversation Clinton-Eltsine du 27 septembre et les autres de 1994 font l’objet de demandes d’examen de déclassification en attente à la Bibliothèque Clinton.
⇧6Voir Elaine Sciolino, Yeltsin Says NATO Is Trying to Split Continent Again, The New York Times, 6 décembre 1994.
⇧7Ambassade américaine à Bruxelles au secrétaire d’État, Washington, DC, Bruxelles 02688,  » »a réunion du 25 février du vice-président Gore avec le Premier ministre belge Dehaene porte sur l’élargissement de l’OTAN, la Russie, le TNP [ traité sur la non-prolifération des armes nucléaires] et les questions bilatérales », 6 mars 1995.
⇧8Voir par exemple Kristina Spohr, Precluded or Precedent-Setting : The ‘NATO Enlargement Question’ in the Triangular Bonn-Washington-Moscow Diplomacy of 1990-1991, Journal of Cold War Studies, Vol. 14, No. 4, surtout pp. 53-54 sur la « politique de la mémoire ».
⇧9Voir Mary Elise Sarotte, Perpetuating U.S. Preeminence : The 1990 Deals to’Bribe the Soviets Out’ and Move NATO In, International Security, Vol. 35, n° 1 (été 2010), pp. 110-137 ; et Sarotte, Not One Inch Eastward ? Bush, Baker, Kohl, Genscher, Gorbatchev et l’origine du ressentiment russe envers l’élargissement de l’OTAN en février 1990, Diplomatic History, Vol. 34, n° 1 (janvier 2010), pp. 119-140. Sarotte a combiné des sources primaires provenant de fichiers allemands, britanniques, français et soviétiques, ainsi que les documents James Baker Papers à Princeton et les documents publiés conformément au FOIA [Freedom of Information Act : loi signée le 4 juillet 1966 par le président Lyndon B. Johnson, et entrée en application l’année suivante. Fondée sur le principe du droit à l’information, elle oblige les agences fédérales à transmettre leurs documents, à quiconque en fait la demande, quelle que soit sa nationalité, NdT] aux Archives nationales de sécurité, pour montrer que les discussions sur l’unification allemande de l’OTAN ne se limitaient pas étroitement au territoire de l’ancienne Allemagne de l’Est, que les réunions au plus haut niveau des chefs d’État et des ministres des Affaires étrangères étaient le lieu principal plutôt que les négociations deux plus quatre pour les pourparlers sur le futur système de sécurité européen, et que la solution américaine « préfabriquée » du maintien de l’OTAN a ouvert la voie à des ressentiments russes à plus long terme.
⇧10Pour le dossier déclassifié des garanties occidentales à Gorbatchev, voir Svetlana Savranskaya et Thomas Blanton, Expansion de l’OTAN : ce que Gorbatchev a entendu, National Security Archive Briefing Book No. 613 posté le 12 décembre 2017. Pour les citations répétées de Genscher, voir les trois premiers documents, deux du département d’État et un du dossier britannique.
⇧11Voir Savranskaya et Blanton, Expansion de l’OTAN : ce que Gorbatchev a entendu, Documents 12-1 et 12-2, mémoires entre Havel et George H.W. Bush.
⇧12Voir Jane Perlez, Yeltsin ‘Understandands’ Polish Bid for a Role in NATO, The New York Times, 26 août 1993, p. A6, lien.
⇧13L’analyse la plus détaillée de cette rencontre est celle de James Goldgeier dans son article Promised Made, Promised Broken ? What Yeltsin was told about NATO in 1993 and Why It Matters, lien

Source : Les crises
https://www.les-crises.fr/…

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