Par le Pr Chems Eddine Chitour
«Il faut soutenir les dictateurs africains, sinon ils ne feraient pas d’élection.»
Jacques Chirac
Résumé : Le Mali est confronté à des sanctions de la part d’autres pays africains coalisés dans un ensemble appelé la Cédéao, mise en place pour remplacer d’une certaine façon l’Afrique occidentale française de la période coloniale (AOF) avec le même logiciel de soumission. Cette institution décide de sanctionner un pays parce qu’un renversement du pouvoir par les militaires n’a pas permit l’alternance au pouvoir civil. Audelà du problème douloureux des alternances et des élections propres et honnêtes, la Cédéao devrait faire d’abord son introspection. La majorité des Etats qui la composent sont arrivés au pouvoir d’une façon discutable, pour ne pas dire illégale. Cette contribution rapporte les faits, mais aussi le fait que la transition ne doit pas être trop longue et à ce propos, comme c’est la position de l’Algérie qui a toujours prôné le dialogue inclusif de tout les Maliens.
Cette sentence de Jacques Chirac sur les dictateurs africains résume à elle seule toute la tragédie de l’Afrique. Une ingérence occidentale par une institution laissée en place chargée de continuer de tenir à l’œil les anciens pays colonisés pour le compte de l’ancienne puissance coloniale. Le grand mal de l’Afrique, ce sont les interférences. Pourtant, avec une rare lucidité et déjouant tous les pronostics traditionnels concernant les élections en Afrique, «un coup d’éclair dans un ciel serein, l’Afrique s’est réveillée, a fait son mea culpa, trouve en elle les ressources nécessaires pour enfin mettre en place l’alternance et la démocratie, le temps d’une élection présidentielle dans un pays. De quoi s’agit-il? Le Kenya de l’illustre fondateur Jomo Kenyatta, père de l’indépendance, donne l’exemple. Ainsi, en septembre 2017, la Cour suprême a invalidé des élections présidentielles et donné un coup d’arrêt au détournement de la volonté populaire. Le président sortant a accepté le verdict.(1)
Cette parenthèse étant faite, l’Afrique peine à organiser des alternances sereines. Les pouvoirs en place s’accrochant à garder le pouvoir à tout prix. De coup d’Etat en coup d’Etat, avec généralement un appui extérieur des deux grandes puissances coloniales, l’Angleterre et surtout la France, qui considère encore et toujours les anciennes colonies comme son pré-carré, à telle enseigne que l’Union européenne adoube sans discuter les décisions de la France concernant la politique africaine faisant en sorte que la politique de l’Europe soit en fait la politique de la France. En clair, la Françafrique a remplacé l’AEF (Afrique équatoriale française) et l’AOF (Afrique occidentale française). Evolution des choses, la France fait prendre ses décisions propres par des chefs d’Etat réunis sous la houlette de la Cédéao qui remplace l’AOF. En fait, rien ne change. Les pays africains serviront encore et toujours de variables d’ajustement tant que le logiciel de la colonisation n’est pas déprogrammé de leur imaginaire.
Sanctions de la Cédéao contre le Mali : Bamako rappelle ses ambassadeurs
Les dirigeants ouest-africains, réunis à Accra, ont décidé, dimanche, de fermer les frontières avec le Mali et de mettre le pays sous embargo, des mesures qualifiées de «très dures», sanctionnant le non-respect par la junte de l’échéance de février pour des élections ramenant les civils au pouvoir, rapporte l’agence APS. Les dirigeants de la Cédéao ont entériné les mesures prises lors d’un sommet de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) précédant immédiatement le leur, a dit, sous le couvert de l’anonymat, un participant au sommet, parlant de mesures «très dures».
Les autorités maliennes rappellent les ambassadeurs dans les pays ouest-afrcains. La France et l’Union européenne soutiennent les «sanctions inédites» prises dimanche par les dirigeants ouest-africains contre la junte au pouvoir au Mali, a déclaré mardi le président Emmanuel Macron, en laissant entrevoir de nouvelles sanctions européennes. «Nous soutenons» la «position très claire et ferme» prise par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), «qui marque la condamnation profonde des dérives de la junte militaire que la France avait à plusieurs reprises dénoncées», a déclaré le chef de l’Etat français.(2)
Après les sanctions adoptées dimanche par la Cédéao et l’Uemoa, les autorités de transition maliennes ont réagi en dénonçant des mesures «illégales». Les soutiens de la junte militaire, au pouvoir depuis le coup d’État du 20 août, estiment que la souveraineté du peuple malien est menacée et appellent à la mobilisation. Le gouvernement de transition dénonce des sanctions «illégales» et «inhumaines». Pour le gouvernement de transition, la Cédéao et l’Uemoa sont même «instrumentalisées par des puissances extrarégionales aux desseins inavoués». Comprendre : la France et les pays occidentaux partenaires du Mali.(3)
Nous y voilà ! C’est la porte ouverte aux ingérences structurelles. Première ingérence : Emmanuel Macron a affirmé qu’il «ne resterait pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition». Vendredi 28 mai, la Cour constitutionnelle malienne a déclaré le colonel Goïta président de transition du pays. Une décision qui parachève le coup de force déclenché 4 jours plus tôt contre ceux qui se trouvaient entre lui et la direction de ce pays crucial pour la stabilité du Sahel face à la propagation jihadiste.
Alors que certains critiquent le contraste des réactions occidentales entre la situation malienne et celle du Tchad, où un Conseil militaire de transition (CMT), présidé par l’un des fils d’Idriss Déby, Mahamat, a pris les rênes du pays après sa mort brutale en avril, Emmanuel Macron se défend qu’avec ce dernier «les choses sont claires». Son soutien s’inscrivait dans une volonté que le pays « ne soit pas déstabilisé ou envahi par des groupements rebelles et armés. Mais nous demandons la transition et l’inclusivité politique».Voilà le deux poids, deux mesures.
Qu’est-ce que la Cédéao qui remplace l’AOF ?
La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a été créée par le traité de Lagos le 28 mai 1975 qui regroupait alors 15 des 16 pays de la sous-région : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. Le Cap-Vert sera admis en 1976 comme 16e membre. A l’origine, ce traité concernait uniquement l’économie, mais du fait des problèmes politiques qu’a connus la région, il a fait l’objet d’une révision qui a permis, en 1993, l’élargissement de son champ d’application et de ses prérogatives.
Les principes fondamentaux de la Cédéao stipulent que : affirment et déclarent solennellement leur adhésion aux principes fondamentaux suivants : égalité et interdépendance des Etats membres ; solidarité et autosuffisance collective ; coopération inter-Etats, harmonisation des politiques et intégration des programmes ; non-agression entre les Etats membres ; maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales par la promotion et le renforcement des relations de bon voisinage ; reconnaissance et respect des règles et principes juridiques de la communauté ; promotion et consolidation d’un système démocratique de gouvernement dans chaque Etat membre tel que prévu par la Déclaration de principes politiques adoptée le 6 juillet 1991 à Abuja.
On en est loin du fait aussi des interférences de tout type, par contre, l’aspect économique est marginal car ces pays développent plus des relations avec l’ancienne puissance qu’entre eux. Le grand dossier du franc CFA qui fait que c’est la Banque de France qui gère les finances de ces pays n’est pas près de lâcher ces pays.
Le parcours des chefs d’Etat donneurs de leçons, membres de la Cédéao
Dans cette tragédie, les pays occidentaux ont une responsabilité particulière du fait qu’ils s’ingèrent en permanence dans les élections des pays africains dont les dirigeants recherchent leur légitimité auprès d’eux et non auprès de leur peuple. Dans cet ordre, et pour raconter le désespoir des peuples africains, nous allons rapporter les parcours atypiques de chacun en recensant différentes façons d’arriver au pouvoir toutes plus répréhensibles les unes que les autres.
Commençant par la Côte d’Ivoire. La France n’a pas hésité à envoyer ses parachutistes pour installer son champion. Alassane Ouattara renverse Laurent Gbagbo, condamné par la Cour pénale internationale. Imposé par Sarkozy, il est là depuis 2011. Abidjan a connu un coup d’État, une élection contestée, les émeutes anti-françaises de 2004, une guerre civile et l’intervention des troupes françaises le 11 avril 2011 qui a permis à Alassane Ouattara de renverser Laurent Gbagbo. Une aide décisive désormais assumée. L’aide militaire française est indiscutable (…). Dans son bureau d’Abidjan, Pierre, un homme d’affaires français installé, ne cache pas sa satisfaction face au retournement de la situation en Côte d’Ivoire. «Être français en Côte d’Ivoire est de nouveau facile. Il y a comme un parfum des fastueuses années 1970. De toute façon, l’armée française restera ici. C’est cher, sans doute. Mais ce que la France a perdu d’une main, elle le regagnera largement de l’autre.»(4) La Cédéao a naturellement regardé ailleurs.
Idriss Déby Itno, président du Tchad, avec l’appui de la France, chasse Hissène Habré de la tête du pays en 1990, prenant le titre de président du Conseil d’État.
L’année suivante, il est désigné président de la République ; il remporte les élections présidentielles de 1996, 2001, 2006, 2011, 2016 et 2021. Il meurt le 20 avril 2021 des suites de blessures reçues dans des combats. «Un conseil militaire a été en mis en place, dirigé par son fils, le général Mahamat Idriss Déby Itno», en vertu de la charte de ce Conseil, occupe la fonction de président de la République. La Constitution du 4 mai 2018, révisée le 14 décembre 2020, qui prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, le président du Sénat assure l’intérim pendant 45 à 90 jours, le temps d’élire un nouveau président de la République, est ainsi suspendue. L’armée annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement, puis décrète la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre- feu. Le Conseil militaire de transition annonce prendre le pouvoir pour une durée transitoire de dix-huit mois, à l’issue de laquelle des élections doivent être organisées. Le 25 septembre 2021, il nomme les 93 membres du Conseil national de transition.(5) Où était la Cédéao? Est-ce toujours le deux poids, deux mesures quand il s’agit de l’adoubement d’un président qui est d’abord adoubé par la France ?
S’agissant de la Guinée, Alpha Condé, 84 ans, est un homme d’État guinéen. Il est président de la République de Guinée du 21 décembre 2010 au 5 septembre 2021. il y eut un coup d’Etat. La suite sera prise par Mamadi Doumbouya, ancien caporal de la légion étrangère française, qui est nommé commandant du Groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne. En 2021, il conduit un coup d’État contre le président Alpha Condé et devient président du Comité national du rassemblement pour le développement et président de la Transition. Le 5 septembre 2021, il annonce l’arrestation du président de la République, Alpha Condé, la destitution du gouvernement, la suspension de la Constitution ainsi que la fermeture des frontières terrestres et aériennes. Invoquant «la situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement, il proclame la mise en place d’un Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD)». Le 17 septembre 2021, douze jours après le coup d’État, la junte le désigne président de la République le 27 septembre. Il prête serment le 1er octobre au palais Mohammed-V, devant la Cour suprême, qui détient les prérogatives de la Cour constitutionnelle dissoute. Le 6 octobre 2021, il nomme Mohamed Béavogui Premier ministre.(6)
La Cédéao n’a rien trouvé à redire contre cette longévité d’Alpha Condé pendant 11 ans. Mieux, un coup d’Etat similaire à celui du Mali ne soulève pas d’objection. Il y a à l’évidence deux poids, deux mesures.
Il en est de même du président du Sénégal Macky Sall, élu depuis 2012, dont le rival a été écarté car il a osé parler du franc CFA : Ousmane Sonko : «En 2016, il a dénoncé des cas de corruption et de fraude fiscale. La même année, il a publié Pétrole et gaz au Sénégal. Chronique d’une spoliation (dans lequel il s’attaque au président et à son frère, Aliou Sall, alors à la tête d’une compagnie pétrolière, les accusant de ‘’corruption’’, de ‘’viol de la Constitution et du code pétrolier’’. Il est radié la même année par décret présidentiel pour ‘’manquement au devoir de réserve’’. Sa posture iconoclaste en fait le favori d’une jeunesse diplômée qui peine à trouver un emploi. S’il est élu, il promet de faire sortir le Sénégal de la zone du franc CFA, lui qui accuse cette devise arrimée à l’euro ‘’d’empêcher le Sénégal d’être compétitif à l’exportation’’. la France met les Etats africains de la zone CFA dans une logique d’infantilisation qui consiste à dire qu’ils ne sont pas compétents pour gérer une monnaie.»(7)
Quant à Muhammadu Buhari, général nigérian et homme d’État, actuel président de la République fédérale du Nigeria depuis le 29 mai 2015, il est à la tête du Nigeria du 31 décembre 1983, à la suite d’un coup d’État, au 27 août 1985. Candidat du Congrès progressiste (APC) à l’élection présidentielle de 2015, il est élu à la présidence en l’emportant face au président sortant, Goodluck Jonathan. Il est réélu en 2019.
Le président ghanéen Nana Akufo-Addo est âgé de 78 ans. Quant au président du Togo, Faure Gnassingbé, il est président de la République depuis 2005. Là encore, la Cédéao ne trouve rien à redire. Le pouvoir aux mains d’un militaire déguisé en président grâce à des élections truquées, au soutien des puissances coloniales et à l’amnésie de la Cédéao. Quant à l’âge des présidents, il n’y a pas de limite.
Roch Marc Christian Kaboré, président du Burkina Faso, en est à son second mandat, mais il est dans la politique depuis 20 ans en occupant plusieurs postes dont celui de ministre de la Défense et celui de président de l’Assemblée pendant plus de dix ans. Né le 25 avril 1957 à Ouagadougou, c’est un homme d’État burkinabé, président de la République depuis le 29 décembre 2015.
Le président du Niger Bazoum Mohamed a été plusieurs fois député, puis membre du gouvernement où il occupe depuis dix ans les portefeuilles des Affaires étrangères et de l’Intérieur. Il en est de même de Patrice Talon, président du Bénin, qui en est à son second mandat. Pour la Sierra Leone, c’est un général président qui en est à son premier mandat.
Ingérence des pays occidentaux
Voilà donc les censeurs censés dicter le droit qui promettent que les sanctions seront levées progressivement, lorsque les autorités maliennes présenteront un calendrier «acceptable» et que des progrès satisfaisants seront observés dans sa mise en œuvre. Elles sont plus rigoureuses encore que celles adoptées après le premier putsch d’août 2020. La junte demandait initialement jusqu’à cinq ans, un délai «totalement inacceptable» pour la Cédéao.
Le président Emmanuel Macron a assuré que la France et l’Union européenne soutenaient la «position très claire et ferme» de la Cédéao face aux «dérives de la junte». Les Européens se préparent à renforcer à leur tour leurs sanctions, mais un texte du Conseil de sécurité de l’ONU soutenant les sanctions de la Cédéao, proposé par la France, a été bloqué mardi par la Russie et la Chine. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a, quant à lui, accusé mardi les mercenaires du groupe russe Wagner de «soutenir» la junte au pouvoir au Mali sous couvert de lutte antidjihadiste. «Ce qui se passe au Mali est une véritable fuite en avant de la junte au pouvoir qui, au mépris de ses engagements, souhaite confisquer le pouvoir pendant des années et priver le peuple malien de ses choix démocratiques».(8)
Les autorités maliennes se drapent, quant à elles, dans la défense de la patrie et de sa souveraineté, et exhortent au ralliement. «L’heure est au rassemblement de tous les Maliens sans exclusive pour réaffirmer nos positions de principe et défendre notre patrie», a déclaré lundi soir dans un discours à la nation le colonel Assimi Goïta, intronisé président «de la transition» à la suite d’un second en mai 2021.(8)
Qu’en est-il du vrai problème de la souveraineté du Mali ?
Malgré les pressions de la France directement et indirectement par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest [Cédéao], les autorités de transition maliennes résistent et auraient donné leur accord à l’arrivée au Mali de la société militaire privée Wagner. Dans cet imbroglio, la France (l’Union européenne) et les Etats-Unis regardent d’un mauvais œil l’implantation de la Russie dans l’arrière-cour occidentale. Ils ont aussi peur de la contagion d’indépendance. Au nom de la chasse gardée, la mentalité de l’AOP est toujours dans la tête du gouvernement français. Alors que Paris s’inquiète des négociations éventuelles entre Bamako et la société privée russe Wagner, on sait qu’en décembre, la force française Barkhane a rétrocédé son emprise de Tombouctou aux Forces armées maliennes dans le cadre de la réorganisation de son dispositif au Sahel. Sur injonction de la France, l’Union européenne a sanctionné, lundi 13 décembre, le groupe paramilitaire russe Wagner et ceci pour répondre aux «actions de déstabilisation» menées en Afrique par la société militaire privée russe Wagner. Pourtant, le Kremlin assure qu’«il n’y a aucun représentant des forces armées russes là-bas» et qu’«aucune négociation officielle n’est en cours». Il semble cependant que Bamako, d’une façon tout à fait souveraine, a confié la sécurisation de Tombouctou, décision très stratégique, car les troupes françaises ont quitté la ville il y a moins d’un mois, après neuf années de présence et un bilan discutable.
On dit que les mercenaires russes seraient chargés de former les Forces armées maliennes (FAMa) et d’assurer la protection de certains hauts dirigeants maliens… Et alors ? Est-ce un crime ? Pour rappel, les sociétés privées qui font la guerre par procuraiton sont une invention des pays occidentaux. Ainsi, la société militaire privée américaine MPRI et la Secopex, la société militaire privée (SMP) basée à Carcassonne dont le patron Pierre Marziali a la réputation de recruter des ex-militaires pour se livrer à des activités de mercenariat, notamment, sont intervenues en ex-Yougoslavie dans le cadre de la politique étrangère américaine. N’oublions pas aussi Blakwater, créé par Eric Prince en 1997 et dont le chiffre d’affaires doit beaucoup à la privatisation de certaines tâches de l’armée décidées par le Pentagone. Blackwater est devenu l’un des principaux supplétifs de l’armée américaine, d’abord en Afghanistan en 2001, puis en Irak à partir de 2003. La société emploie aujourd’hui plus de 2 000 personnes dans 9 pays. Forte de plusieurs branches, disposant de son propre service de renseignements privés.(9)
Le soutien constant discret de l’Algérie à l’intégrité du Mali
Selon toute vraisemblance, la solution moyenne pronée par l’Algérie est la seule qui a des chances d’aboutir à une réduction du délai de cinq ans, une solution possible prônée par le président algérien Abdelmadjid Tebboune qui juge « raisonnable et justifiable une période de transition d’une durée ferme de douze à seize mois ». Jeudi 6 janvier, au sortir d’une entrevue accordée par le Président Tebboune, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a déclaré : «L’Algérie continue à jouer un rôle essentiel en tant que partenaire allié stratégique du Mali. C’est un pays qui a avec le Mali une inter-solidarité pour nous accompagner, à notre demande, dans le cadre des efforts pour ramener la paix et la stabilité.» «Je tiens en particulier à saluer le rôle que l’Algérie joue à nos côtés, de façon discrète, notamment à travers mon frère Ramtane Lamamra qui a été et qui est un acteur essentiel et un artisan de ce processus pour lequel nous avons demandé un accompagnement de l’Algérie.» Evoquant le message remis à M. Tebboune, le chef de la diplomatie malienne a expliqué qu’il «s’inscrit dans le cadre des relations de solidarité, d’amitié, de fraternité et de bon voisinage qui a toujours existé entre le Mali et l’Algérie».(10)
Dans le dernier communiqué du mardi 11 janvier, en sa double qualité de chef de file de la médiation internationale et président du Comité de suivi de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, et à titre également de pays voisin partageant une longue frontière terrestre ainsi qu’une longue histoire de bon voisinage et de fraternité avec le Mali, «le Président Abdelmadjid Tebboune a fait valoir l’exigence d’une approche inclusive répondant à la complexité des problèmes structurels et conjoncturels et aux défis que le Mali doit relever, y compris dans la lutte contre le terrorisme, et estimé raisonnable et justifiable une période de transition d’une durée ferme de douze (12) à seize (16) mois», a précisé le même communiqué. Le Président Abdelmadjid Tebboune, a indiqué le même communiqué, «a réitéré l’attachement indéfectible de l’Algérie à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République du Mali et encouragé les dirigeants de la transition à l’adoption d’une attitude responsable et constructive».
«Devant les risques graves et les épreuves que porte en elle la panoplie de sanctions massives annoncées par le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cédéao, ce 9 janvier à Accra, ainsi que les contre-mesures annoncées par le gouvernement de la République du Mali, l’Algérie appelle toutes les parties à la retenue et au réengagement dans le dialogue en vue d’éviter à la région un engrenage de la tension et une exacerbation de la crise.»(11)
Aider le Mali à réussir sa transition
Les problèmes du Mali ne sont pas pour autant réglés et la Cédéao est bien mal placée pour dicter la norme. La majorité des dirigeants membres de la Cédéao est arrivée au pouvoir et veut le garder à tout prix, par tous les moyens. S’agissant de la position «sans peur et sans reproche» de la Cédéao, le meilleur est pour la fin. La Cédéao qui se pique de dire le droit des peuples accepte qu’un pays africain soit toujours dans les griffes d’un président depuis 40 ans. Paul Bya, président du Cameroun depuis 40 ans, depuis le 6 novembre 1982, réélu sept fois en éliminant chaque fois ses rivaux, sous l’œil complice des parrains. Ainsi, nous sommes loin de la référence asymptote tracée par Nelson Mandela, 27 ans de prison et un mandat.
Pour l’histoire, dans une lucidité post-mandat, Jacques Chirac a reconnu que les richesses de l’Afrique ont été pillées, y compris par son pays. Et il a demandé qu’on rende aux Africains ce qu’on leur a pris : «On oublie seulement une chose, c’est qu’une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique. Pas uniquement. Mais beaucoup vient de l’exploitation de l’Afrique. Alors, il faut avoir un petit peu de bon sens. Je ne dis pas de générosité. De bon sens, de justice, pour rendre aux Africains, je dirais, ce qu’on leur a pris. D’autant que c’est nécessaire, si on veut éviter les pires convulsions ou difficultés, avec les conséquences politiques que ça comporte dans un proche avenir.»(12) Tout est dit.
Le monde a profondément changé. Il faut espérer que la raison prévale et que les dirigeants africains, membres de la Cédéao, reviennent à de meilleurs sentiments et qu’ils fassent preuve d’autorité quand il s’agit du développement de leur pays et de leur relation économique avec les anciennes puissances coloniales.
C. E. C.
1.Chems Eddine Chitour https://www. lexpression. dz/chroniques/l-analyse-du-professeur-chitour/le-kenya-montre-la-voie-274832
2.RédactionAEhttps://www.algerie-eco.com/ 2022/01/10/sanctions-de-la-cedeao-contre-le-mali-bamako-rappelle-ses-ambassadeurs/
3.https://reseauinternational.net/mali-les-soutiens-des-autorites-de-transition-appellent-a-la-mobilisation/
4.https://www.lefigaro.fr/international/2011/05/20/01003-20110520ARTFIG00671-cote-d-ivoiresarkozy-aux-cotes-de-ouattara.php
5.https://fr.wikipedia.org/wiki/Mahamat_Idriss_D%C3%A9by
6.https://fr.wikipedia.org/wiki/Mamadi_Doumbouya
7.https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/22/au-senegal-macky-sall-a-retreci-l-opposition_5426705_3212.html
8.https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/12/mali-la-france-les-etats-unis-et-l-algerie-font-pression-sur-la-junte_6109119_3212.html
9. https: //www.lesechos. fr/ 2009/07/black water-une-armee-tres-privee-474501
10.https://www.aps.dz/algerie/133881-l-algerie-continue-a-jouer-un-role-essentiel-en-tant-que-partenaire-strategique-du-mali
11. https:// www.aps. dz/algerie/134117-developpements-au-mali-l-algerie-exprime-sa-pleine-disponibilite-a-accompagner-le-mali-et-la-cedeao
12.https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/jacques-chirac-nous-avons-saigne-lafrique-pendant-quatre-siecles-et-demi_3633009.ht
Par le Professeur émérite Chems Eddine Chitour
école polytechnique, Alger
Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur
Source : Le Soir d’Algérie
https://www.lesoirdalgerie.com/…