Milices de l’autorité de Ramallah bloquant une manifestation – Les autorités palestiniennes de Cisjordanie occupée ont lancé une terrible de répression en réprimant les manifestations pacifiques par la force, en procédant à des arrestations arbitraires de journalistes, de militants de la société civile et d’avocats, et en torturant les détenus, a déclaré Amnesty International – Photo : Amnesty International

Par Adnan Abu Amer

Abbas espère conserver un minimum de pertinence politique auprès des Palestiniens en obtenant quelques miettes économiques de la part de l’occupant, tout en s’engageant encore plus dans la collaboration répressive, écrit Adnan Abu Amer.

Le 28 décembre, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le ministre israélien de la défense Benny Gantz se sont rencontrés au domicile de ce dernier. Il s’agissait de leur deuxième rencontre officielle depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement israélien en juin. Les deux hommes s’étaient déjà rencontrés en août et avaient eu un entretien téléphonique quelques semaines auparavant.

Gantz et Abbas ont discuté de l’approfondissement de la coopération répressive entre l’Autorité palestinienne (AP) et le gouvernement israélien et des mesures à prendre pour atténuer la grave crise économique qui sévit en Cisjordanie.

La réunion a été soulevé des critiques des deux côtés. Le Hamas et d’autres organisations palestiniennes ont déclaré que la réunion était sans intérêt, car elle ne faisait aucunement avancer la cause nationale palestinienne, tandis que plusieurs personnalités politiques israéliennes, dont des membres de la coalition au pouvoir, l’ont considérée comme un premier pas vers d’injustifiables “concessions” aux Palestiniens.

Il est peu probable que Gantz et Abbas ne se soient pas attendus à la controverse que leur rencontre allait susciter. Alors pourquoi l’ont-ils quand même tenue et que signifie la poursuite de leur collaboration pour le conflit israélo-palestinien ?

Calculs politiques

Après avoir souffert d’un isolement international sous la précédente administration américaine, M. Abbas s’est empressé de revenir sur la scène internationale après l’entrée en fonction du président américain Joe Biden en janvier 2021 et la formation qui a suivi d’un nouveau gouvernement israélien sans le Premier ministre israélien de longue date Benjamin Netanyahou.

Le président palestinien a probablement considéré l’intervention de M. Gantz en juillet comme sa meilleure chance de parvenir à ses buts. Il est également possible qu’il espère que le ministre israélien de la défense suive les traces du défunt Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, qui était disposé à dialoguer avec les dirigeants palestiniens et même à signer un accord avec Yasser Arafat.

Abbas s’est rendu au domicile de Gantz à la recherche d’un “horizon politique” afin de poursuivre sur la voie des accords d’Oslo, dont il était un des instigateurs. Mais en Israël, personne n’évoque la possibilité d’un processus politique avec les Palestiniens et le Premier ministre Naftali Bennett a clairement indiqué qu’il n’y en aurait pas sous son gouvernement.

C’est pourquoi, Abbas n’a réussi à obtenir de Gantz que quelques miettes sur le plan économiques, destinées à atténuer la crise économique de l’Autorité de Ramallah. Il s’agit notamment de l’envoi par Israël d’une avance de 32 millions de dollars de taxes dues à l’AP et de l’octroi de davantage de permis de travail pour les travailleurs palestiniens et de permis d’entrée aux hommes d’affaires palestiniens.

Selon les médias israéliens, M. Gantz a également informé M. Abbas que le gouvernement israélien avait accepté que quelque 6000 Palestiniens de Cisjordanie et 3500 de la bande de Gaza soient inscrits au registre de la population palestinienne et reçoivent des documents d’identité.

Le registre est directement contrôlé par les autorités israéliennes d’occupation et l’AP ne peut y ajouter personne sans l’autorisation expresse de l’occupant israélien, ce qui laisse des dizaines de milliers de Palestiniens sans documents d’identité.

Pour Gantz, l’engagement avec Abbas est por lui une opportunité de s’approprier complètement le dossier palestinien et d’asseoir en conséquence sa position politique nationale et internationale.

Cette initiative lui vaut les faveurs de l’administration Biden, qui a fait pression sur le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne pour que ceux-ci reprennent des pourparlers. Elle lui permet également de se démarquer de Bennett, qui, craignant que ses alliés de droite ne l’abandonnent, est réticent à s’engager directement avec l’AP.

Le gouvernement israélien, malgré sa rhétorique fascisante, a intérêt à maintenir des relations étroites avec l’AP, notamment sur le plan de la répression.

La rencontre avec Abbas s’est déroulée dans un contexte d’escalade des opérations de résistance en Cisjordanie tout au long de l’année dernière et d’une recrudescence de la violence des colons et des forces d’occupation à l’encontre des autochtones palestiniens.

Ces attaques ont fait un certain nombre de morts et de blessés israéliens et palestiniens.

Gantz et Bennett savent tous deux que la sécurité des centaines de milliers de colons juifs illégaux en Cisjordanie dépend de la collaboration de l’AP. A cet égard, le ministre israélien de la défense a demandé et obtenu ces garanties de la part d’Abbas en échange des quelques mesures économiques qu’il a proposées.

Le gouvernement israélien soutient également l’AP parce qu’il craint qu’un effondrement interne n’entraîne une réapparition en force du mouvement Hamas en Cisjordanie.

Aucune voie possible

La seule partie prenante du conflit israélo-palestinien qui semblait se réjouir de l’engagement entre Abbas et Ganz était Washington. Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a fait son maximum pour rapprocher les points de vue des deux parties sur diverses questions et faire en sorte que la rencontre ait lieu.

Mais même l’administration Biden ne fait pas pression en faveur d’un renouveau significatif des relations israélo-palestiniennes et de la reprise de discussions politiques.

Elle semble se satisfaire de cet engagement a minima, reconnaissant que la reprise de pourparlers est peut-être impossible pour le moment en raison des divisions palestiniennes internes, du gouvernement d’extrême-droite à Tel-Aviv et des préoccupations de Washington concernant les questions régionales et internationales qu’il juge plus urgentes que le conflit israélo-palestinien.

Bien que Bennett soit publiquement opposé à tout engagement avec l’AP, il n’y a pas mis fin parce qu’il ne veut pas contrarier Washington, surtout à un moment où l’accord sur le nucléaire iranien est en cours de renégociation.

Il ne voit pas l’intérêt d’entrer dans une confrontation politique avec les alliés américains tant que l’engagement Abbas-Gantz ne va pas au-delà de la discussion sur les conditions économiques faites aux Palestiniens.

Cette stratégie consistant à échanger des avantages économiques même très limités contre un renforcement d’une collaboration répressive renforcée peut servir les intérêts du gouvernement israélien et de ses alliés américains, mais elle n’apporte pratiquement rien aux Palestiniens.

Quelques centaines de permis de travail et d’entrée et une avance sur l’argent des taxes dues ne vont guère améliorer la vie des Palestiniens qui vivent sous l’occupation militaire israélienne.

Ils ne peuvent pas non plus résoudre la profonde crise de légitimité dont souffre l’AP.

Demander une plus grande coopération en matière de répression de la part de l’appareil policier palestinien à un moment où les attaques des colons contre les Palestiniens atteignent des sommets inégalés, ne contribuera pas non plus à redorer l’image publique lamentable d’Abbas en Palestine.

Cela peut aider temporairement Israël à endiguer les attaques de la résistance en Cisjordanie, mais si les causes profondes de la violence ne sont pas traitées, cette dernière ne peut que reprendre de plus belle.

En outre, la mobilisation à travers la Palestine historique à laquelle nous avons assisté en 2021 contre l’occupation israélienne, montre que la stratégie consistant à vouloir diviser pour régner ne fonctionne plus.

Traiter la crise économique en Cisjordanie comme une question distincte de la souffrance des Palestiniens à Gaza et à l’intérieur des frontières israéliennes officielles [Palestine de 48] n’apporterait ni paix ni stabilité.

En fait, plus les demandes politiques des Palestiniens restent sans réponse, plus la tension augmente et, tôt ou tard, elle pourrait éclater en une troisième Intifada.

Auteur : Adnan Abu Amer

* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l’université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l’histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d’un doctorat en histoire politique de l’université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l’histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe.
Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.

17 janvier 2022 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine

Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…