Nous présentons un extrait de notre récente interview avec Noam Chomsky, universitaire et dissident politique de renommée mondiale, qui explique comment l’administration Biden poursuit une politique étrangère imprudente, malgré un ton plus modéré que l’administration Trump.
« La perspective n’est pas encourageante, déclare Chomsky. Le pire des exemples est la multiplication des actions provocatrices à l’égard de la Chine. C’est très dangereux. »
Source : Democraty Now, Noam Chomsky
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
AMY GOODMAN : C’est Democracy Now !, Democracynow.org Nous terminons l’émission d’aujourd’hui avec le dissident et linguiste de renommée mondiale Noam Chomsky. Nermeen Shaikh et moi avons eu la chance de parler avec Noam lundi et nous l’avons interrogé sur son évaluation de la politique étrangère du Président Biden.
NOAM CHOMSKY : Eh bien, la tendance n’est pas réjouissante. Biden a plus ou moins repris la politique étrangère de Trump. Il a éliminé certains des éléments les plus gratuitement barbares. Comme dans le cas de la Palestine, par exemple, Trump ne s’est pas contenté de tout donner au pouvoir de la droite israélienne : « faites ce que vous voulez » – et de ne rien offrir aux Palestiniens, juste les frapper au visage. Il a même dû aller plus loin, jusqu’à une sauvagerie vraiment gratuite, en coupant la ligne de vie, la ligne de vie de l’UNRWA, pour que les Palestiniens puissent au minimum survivre dans le punching-ball israélien de Gaza. Même ça, eh bien, Biden l’a retiré. A part ça, ils ont à peu près suivi la même politique.
Sur l’Iran, il a fait quelques concessions pour contourner le crime du retrait des États-Unis de l’accord conjoint, mais il insiste pour perpétuer la position de Trump selon laquelle il incombe à l’Iran, la victime, d’évoluer vers un accord plus sévère parce que les États-Unis se sont retirés d’un accord qui fonctionnait parfaitement bien.
Le pire est la multiplication des actions provocatrices à l’égard de la Chine. C’est très dangereux. Aujourd’hui, on parle constamment de ce que l’on appelle la menace chinoise. Vous pouvez le lire dans des revues sobres, raisonnables, généralement raisonnables, sur la terrible menace chinoise, et sur le fait que nous devons agir rapidement pour endiguer et restreindre la menace chinoise.
Quelle est exactement la menace chinoise ? En fait, cette question est rarement soulevée ici. Elle est discutée en Australie, le pays qui se trouve directement dans les griffes du dragon. Récemment, l’éminent homme d’État, l’ancien Premier ministre Paul Keating, a publié dans la presse australienne un essai sur la menace chinoise. Il a finalement conclu de manière réaliste que la menace chinoise est l’existence même de la Chine. Les États-Unis ne toléreront pas l’existence d’un État qui ne peut être intimidé comme l’Europe peut l’être, qui ne suit pas les ordres des États-Unis comme l’Europe le fait, mais qui poursuit sa propre voie. Voilà la menace.
Lorsque nous parlons de la menace de la Chine, nous parlons des menaces présumées aux frontières de la Chine. La Chine fait beaucoup de mauvaises choses, des choses terribles. Vous pouvez formuler de nombreuses critiques. Mais est-ce une menace ? Le soutien des États-Unis à la guerre terroriste menée par Israël contre deux millions de personnes à Gaza, où les enfants sont empoisonnés, où un million d’enfants risquent d’être empoisonnés parce qu’il n’y a pas d’eau potable, constitue-t-il une menace pour la Chine ? C’est un crime horrible, mais ce n’est pas une menace pour la Chine. Si les graves abus commis par la Chine sont répréhensibles, vous pouvez les condamner, mais ils ne constituent pas une menace.
Juste au même moment que l’article de Keating, le principal correspondant militaire australien Brian Toohey, très bien informé, a fait une évaluation de la puissance militaire relative de la Chine, dans leur propre région de la Chine et des États-Unis et de leurs alliés le Japon et l’Australie. C’est risible. Un sous-marin américain Trident, qui est maintenant remplacé par des sous-marins encore plus meurtriers, peut détruire près de 200 villes dans le monde avec ses armes nucléaires. Dans la mer de Chine méridionale, la Chine possède quatre vieux sous-marins bruyants qui ne peuvent même pas sortir parce qu’ils sont contenus par des forces américaines et alliées supérieures.
Face à cela, les États-Unis envoient une flotte de sous-marins nucléaires à l’Australie. C’est l’accord AUKUS – Australie, Royaume-Uni, États-Unis – qui n’a aucun objectif stratégique.
Ils ne seront même pas opérationnels pendant 15 ans, mais ils incitent presque certainement la Chine à renforcer ses forces militaires en retard, augmentant ainsi le niveau de confrontation. Il existe des problèmes dans la mer de Chine méridionale qui peuvent être résolus par la diplomatie et les négociations, les puissances régionales prenant l’initiative, pourraient entrer dans les détails.
Mais la bonne mesure n’est pas d’augmenter la provocation, d’augmenter la menace d’un développement accidentel qui pourrait conduire à une guerre nucléaire dévastatrice, voire terminale sur Terre. Mais c’est la direction que suit l’administration Biden, l’expansion des programmes de Trump. C’est le cœur de leurs programmes de politique étrangère.
AMY GOODMAN : dissident de renommée mondiale, auteur, Professeur Noam Chomsky. Il se joindra à nous pour notre célébration en ligne du 25e anniversaire le 7 décembre à 20 h, heure de l’Est, avec Greta Thunberg, Angela Davis, Arundhati Roy, Martín Espada, Winona LaDuke et bien d’autres. Visitez Democracynow.org pour plus de détails. C’est tout pour notre émission
Source : Democraty Now, Noam Chomsky, 23-11-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Source : Les Crises
https://www.les-crises.fr/…