Octobre 2019 – Démolition d’une maison palestinienne près d’Hébron (Cisjordanie occupée)
par l’armée israélienne d’occupation – Photo : Mamoun Wazwaz
Par Inès Abdel Razek
Le ainsi-nommé processus de paix au Moyen-Orient a assuré l’oppression des Palestiniens par un régime militaire engagé dans une permanente expansion coloniale. Comment le cadre des négociations bilatérales a-t-il consolidé l’hégémonie d’Israël sur les Palestiniens, et comment Israël l’a-t-il maintenue ? L’analyste politique d’Al-Shabaka, Inès Abdel Razek, explore ces questions et plus encore, et propose des recommandations à la communauté internationale pour soutenir la libération palestinienne.
Introduction
Il y a trente ans, des représentants du gouvernement israélien et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se sont réunis à Madrid pour entamer des négociations bilatérales.
Prétendument destiné à assurer un avenir juste et pacifique dans le territoire situé entre la mer Méditerranée et le Jourdain, le soi-disant processus de paix au Moyen-Orient (PPMO), conçu lors de la réunion, a au contraire consolidé une terrible réalité pour les Palestiniens d’une occupation permanente par une puissance militaire disposant de l’armement nucléaire et guidée par une entreprise coloniale en constante expansion.
Au cours des 30 dernières années, les principaux sponsors occidentaux du PPMO, à savoir les États-Unis et l’UE, ont présenté à plusieurs reprises des initiatives politiques sous le couvert de la “consolidation de la paix” plutôt que de faire pression pour une solution pour mettre fin à des décennies d’exil, d’assujettissement et d’occupation.
Plus récemment, en 2020, l’ex-président américain Donald Trump a présenté le ainsi-nommé Peace to Prosperity, qui a finalement garanti les intérêts d’Israël grâce à une série d’accords de normalisation avec plusieurs États arabes.
Pourtant, les questions fondamentales en jeu, à savoir la défense des droits des Palestiniens contre une occupation militaire et un exil ininterrompu, sont restées absentes des agendas des pouvoirs occidentaux.
Cette étude vise à exposer les principales raisons pour lesquelles le cadre même des négociations bilatérales directes, qui est basé sur la théorie de la négociation libérale qui sous-tend le PPMO entre Israéliens et Palestiniens, est totalement inique et voué à l’échec.
Le mémoire fait valoir qu’en fait, le PPMO n’a servi qu’à asseoir l’entreprise coloniale d’Israël et à consolider sa domination sur les Palestiniens.
Il propose enfin des recommandations sur la manière dont la communauté internationale peut soutenir les Palestiniens dans leur lutte pour la libération à travers un cadre qui va au-delà des négociations et des “pourparlers de paix”.
La théorie de la négociation libérale dans le contexte de l’occupation militaire
La négociation libérale a dominé la politique étrangère américaine dans l’ère de l’après-guerre froide. Dans ce contexte, le PPMO a été présenté comme l’exemple ultime de résolution de crises politiques réputées insolubles. Ce type de de négociation, cependant, est semé d’embûches dans le contexte de la lutte de libération sous occupation militaire, conduisant finalement à son échec.
1. Le PPMO manque de termes communs de référence et n’est pas basé sur la bonne foi
Pour toute négociation significative et pour aboutir à une solution équitable, il faut que l’intérêt à un accord entre deux parties soit égal. Ceci est connu sous le nom de “négociation de bonne foi” et nécessite une base convenue pour atteindre un résultat.
En étendant une invitation aux Palestiniens et aux Israéliens d’assister à la conférence de Madrid en 1991, les États-Unis ont précisé qu’ils étaient prêts à les aider à trouver un accord sur la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette résolution définit les paramètres d’une “Solution à deux États” et le mandat des négociations bilatérales entre les Israéliens et les Palestiniens.
Le gouvernement israélien avait uniquement accepté d’aller à la table de négociation avec l’OLP pour deux raisons générales. Premièrement, c’était dû à l’effet de levier créé par la résistance palestinienne lors de la première Intifada, qui plaçait la lutte palestinienne pour l’autodétermination sur la carte mondiale et obligeait Israël à répondre. L’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin l’avait ignominieusement conclu en disant : “Il y avait tant d’os que je ne pouvais tous les briser.”
Deuxièmement, Israël était sous la pression de l’ancien président américain George Bush, qui faisait tarder 10 milliards de dollars de garanties de prêt que Israël avait besoin afin d’absorber des dizaines de milliers de colons juifs soviétiques à Israël (ils seront principalement installés dans des colonies en Cisjordanie). En effet, c’est l’une des seules fois où les États-Unis ont exercé une pression conditionnelle sur Israël, mais en échange d’une simple présence à la table de négociation.
Au cours des 20 mois qui ont suivi Madrid, Palestiniens et Israéliens ont tenu neuf rencontres supplémentaires de pourparlers à Washington, D.C. Ils ont également lancé des négociations tenues secrètes à Oslo en janvier 1993, alors que les négociations formelles faisaient du surplace.
À ce jour, les accords d’Oslo, qui incluent la Déclaration de principes de 1993 sur les arrangements intermédiaires d’autonomie gouvernementale (Oslo I) – la lettre de reconnaissance Israël-OLP en tant que préambule – et l’accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 (OSLO II), sont les seuls résultats documentés existants des négociations bilatérales.
Pourtant, dès le début des discussions en 1991 jusqu’à la signature des accords d’Oslo et de ce qui a suivi, il était déjà évident qu’une solution à deux états n’était pas la base sur laquelle travaillaient les représentants israéliens. Il était plutôt clair qu’ils envisageaient une forme limitée d’autonomie palestinienne, comme le montrent le plan Allon de 1967 et le plan Drobles de 1978, qui a posé les fondements du projet de colonisation.
Rabin a affirmé cette vision dans son discours de 1995 à la Knesset concernant les accords d’Oslo : tout en promouvant le cadre d’une solution à deux états, il a annoncé que la “solution permanente” comprendrait “la création de blocs de peuplement en Judée et Samarie”.
En effet, à ce jour, Israël n’a pas reconnu l’existence des Palestiniens en tant que groupe national, ce qui impliquerait de reconnaître leur droit à l’autodétermination. Dans la lettre de reconnaissance de 1993 – alors que l’OLP reconnaissait “le droit de l’État d’Israël d’exister” et acceptait la résolution 242 malgré son langage vague concernant la Nakba, les droits des réfugiés et le statut de Jérusalem – Israël n’a fait que reconnaître l’OLP en tant que “représentant légitime du peuple palestinien.”
En outre, le processus de négociation n’a pas permis de prendre les normes internationales sur les droits de l’homme comme base, et les accords d’Oslo n’ont pas fait référence au droit international.
En conséquence, Israël a soigneusement réussi à éviter tout terme de référence qui pourrait tenir compte de la violation des droits fondamentaux des Palestiniens. À ce jour, Israël n’a jamais reconnu la Cisjordanie et la Gaza comme occupée. Au lieu de cela, il prétend que ce sont des “territoires disputés“, refusant ainsi l’application de la 4ème Convention de Genève.
Dans ce cadre, l’Autorité palestinienne (AP), née des accords d’Oslo, a été spécifiquement conçue pour jouer un rôle assiégée et dépendante d’Israël. Ce qui était censé être un processus politique où les Palestiniens assureraient leur libération par le biais de négociations bilatérales s’est en fait transformé en un mécanisme d’enracinement de l’occupation militaire israélienne, avec une classe dirigeante palestinienne déterminée à maintenir le statu quo, écrasant ainsi toute forme de résistance qui risquait de perturber leur emprise limitée sur le pouvoir.
Comme Edward Said l’a dit en 1993 : “À son discrédit, Oslo n’a pas fait grand-chose pour changer la situation. [L’ancien président de l’Autorité palestinienne Yasser] Arafat et son nombre toujours plus réduit de partisans ont été transformés en agents de la sécurité israélienne, tandis que les Palestiniens ont été contraints d’endurer l’humiliation de terribles ‘patries’ non contiguës qui représentent environ 10 % de la Cisjordanie et 60 pour cent de Gaza”.
Non seulement Saïd a dénoncé la mauvaise foi des Israéliens, il a également dénoncé le fait que l’OLP avait capitulé en échange d’une autonomie sans contenu. Alors que la communauté internationale et l’Autorité palestinienne continuent de déplorer que la “solution à deux États” est en train de mourir, ou est en fait déjà morte, l’option d’un État palestinien n’a jamais réellement existé, le cadre des négociations en donnant toutes les garanties.
2. Des négociations déséquilibrées, sans calendrier précis
Il était clair dès le début qu’Israël n’était pas prêt à accepter la Résolution 242 comme base d’un objectif pour le PPMO. Au contraire, il était prêt à faire d’une période intérimaire un processus permanent pour permettre la poursuite de son entreprise coloniale.
En d’autres termes, la Déclaration de principes des Accords d’Oslo était destinée à organiser les premiers pourparlers sur les dispositions d’un gouvernement autonome provisoire de cinq ans et, une fois ces dispositions en place, la Résolution 242 pouvait servir de base à la conclusion d’un accord sur le statut final concernant les questions essentielles : l’eau, les réfugiés et Jérusalem.
Mais le cadre ne fixait que des lignes directrices générales pour les futures négociations, sans mécanisme en cas d’échec de la période intérimaire.
En l’absence d’un calendrier clair ou d’incitations pour qu’Israël cède sur l’une ou l’autre des questions du “statut final”, Israël s’est concentré sur l’exploitation de la période intérimaire, faisant traîner les négociations en longueur et les transformant en processus permanent. Cela lui a permis de poursuivre la construction illégale de colonies, y compris pendant toute la période des négociations d’Oslo.
En termes de négociation libérale, Israël a compris que sa meilleure alternative à un accord négocié – ce qu’il pourrait maintenir ou gagner si les négociations échouaient ou n’étaient jamais conclues – serait supérieure à toute offre que les Palestiniens et les parrains pourraient faire.
De leur côté, les négociateurs palestiniens étaient mal équipés et mal préparés pour garantir la satisfaction de leurs demandes. Khalil Tafakji, cartographe palestinien renommé qui a fait “parler les cartes”, raconte dans son livre comment il a été engagé par Arafat et les négociateurs palestiniens en tant que technicien pendant la période des négociations d’Oslo en 1993.
Tafakji explique comment il a essayé de leur exposer la réalité des négociations : “Je ne sais pas si quelqu’un vous a promis que vous auriez un État, mais je parle en partant des cartes, et si on regarde les cartes, il n’y a pas d’État palestinien […] vous n’avez rien.”
Comme il le rappelle, son évaluation, ainsi que celle d’autres experts, a été rejetée par la direction palestinienne qui a persisté à signer l’accord sans tenir compte des cartes de Tafakji montrant l’expansion coloniale sans complexe d’Israël.
En fin de compte, Tafakji avait raison : les accords d’Oslo ont encore fragmenté le territoire palestinien en zones A, B et C, facilitant ainsi l’hégémonie d’Israël sur la Palestine.
En 2011, Al-Jazeera a divulgué plus de 1600 documents secrets relatifs aux négociations de 1999 à 2010.
Ces documents ont confirmé que les négociateurs palestiniens ont fait plusieurs concessions en toute confidentialité, sans participation ou adhésion du peuple palestinien.
Comme le rappelle l’un des négociateurs qui a participé à la divulgation des documents : “Les “négociations de paix” étaient une farce trompeuse, dans laquelle des conditions biaisées étaient imposées unilatéralement par Israël et systématiquement approuvées par les capitales américaines et européennes.”
Bien qu’ils aient expiré en 1999, et malgré les nombreuses menaces vaines de l’OLP de les annuler, les accords d’Oslo restent le seul cadre en place dictant la dynamique politique, institutionnelle et économique entre les dirigeants palestiniens et Israël.
3. Le PPMO manque d’un courtier tiers honnête ou d’un mécanisme de responsabilité
Les États-Unis ont assumé le rôle de courtier dans le PPMO, bien qu’ils ne puissent jamais être honnêtes étant donné leur soutien militaire et diplomatique sans frein de longue date à Israël.
Non seulement les États-Unis n’ont pas tenu Israël pour responsable de ses violations persistantes et flagrantes du droit international – y compris du droit humanitaire et des droits de l’homme – et de ses crimes de guerre à Gaza, mais ils ont également utilisé à plusieurs reprises leur droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour empêcher d’autres pays de le faire.
Depuis plus d’un siècle, comme le détaille Rashid Khalidi dans son dernier livre, une série d’approches communes continue de caractériser le soutien occidental au sionisme et à Israël.
Depuis la déclaration Balfour de 1917, les puissances occidentales ont activement refusé de reconnaître les Palestiniens comme un peuple doté de droits nationaux, tout en donnant la priorité aux intérêts sionistes.
Comme le rappelait en 2019 l’ancien ministre égyptien des Affaires étrangères Nabil Fahmy à propos de la politique étrangère américaine post-Oslo : l’administration de l’ancien président américain Bill Clinton a “brouillé la distinction entre les intérêts et les priorités des États-Unis et ceux d’Israël.”
Il cite ensuite Dennis Ross, le négociateur américain du PPMO pendant Oslo, qui a déclaré que “l’objectif premier était de s’assurer que les intérêts d’Israël étaient satisfaits.”
Même lorsque Bush a usé de la garantie de prêt comme d’un moyen de pression sur Israël en 1991, il a également réaffirmé son engagement à maintenir “l’avantage militaire qualitatif” d’Israël et une “Jérusalem non divisée”, et il ne s’est pas opposé à l’avancement de l’entreprise de colonisation.
Globalement, les États-Unis n’ont jamais cessé de financer et de soutenir l’appareil militaire d’Israël et d’assurer sa domination régionale. Aujourd’hui, ce financement s’élève à environ 3,8 milliards de dollars par an.
L’existence d’un processus à durée indéterminée, sans base solide en droit international, sans résultat clair et équitable pour les Palestiniens, et sans intermédiaire tiers impartial ou mécanisme de responsabilité, a finalement servi les intérêts d’Israël et fait très peu pour protéger les Palestiniens.
Soutenir le PPMO pour asseoir définitivement une domination érigée en système
Le maintien de la viabilité du PPMO a permis à Israël et à ses alliés de tromper les Palestiniens et leurs dirigeants actuels, leur permettant ainsi de poursuivre en toute impunité leur programme de colonisation.
Afin d’assurer la perpétuation de cette situation dans le contexte du PPMO, Israël emploie trois stratégies : l’imposition de faits sur le terrain, la manipulation propagandiste et la critique des victimes, et l’intimidation de la communauté internationale.
1. Imposer des faits sur le terrain
Les Accords d’Oslo ont permis à Israël de faire progresser son entreprise coloniale par l’expansion des colonies et le vol sans entrave des terres palestiniennes. L’entreprise coloniale et ses infrastructures ont permis à Israël de consolider son contrôle tout en étouffant et en fragmentant progressivement les Palestiniens, faisant ainsi progresser la doctrine du “maximum de terres avec un minimum d’Arabes”.
Cela inclut la séparation de Jérusalem de la Cisjordanie, le transfert forcé des Palestiniens et l’encouragement de la croissance démographique des colons.
Pour y parvenir, Israël a déployé des tactiques telles que la création de zones militaires et de manœuvres sur les terres palestiniennes, l’interdiction pour les communautés rurales palestiniennes d’accéder aux terres agricoles et aux sources d’eau, la démolition de maisons, la construction du mur d’apartheid et l’imposition d’un blocus complet de Gaza.
Israël a donc acquis la maîtrise de la politique du “fait accompli”, en faisant passer des réalités pour des faits accomplis et irréversibles. En effet, comme l’a récemment déclaré le ministre israélien de la défense, Benny Gantz, après que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ait lancé un ultimatum à Israël concernant le retrait des territoires occupés en 1967 : “personne ne va nulle part”.
Il est donc hors de question – en fait, absurde – d’attendre des Palestiniens qu’ils négocient leur liberté et leurs droits fondamentaux alors qu’Israël poursuit la colonisation et l’enracinement de l’apartheid comme un fait établi.
2. Manipulation propagandiste et critique des victimes
Israël est également passé maître dans la tactique de la manipulation narrative, et a réussi à rendre les Palestiniens responsables de l’échec des négociations et de la violence qui leur est infligée.
En effet, l’ancien ministre israélien des affaires étrangères Abba Eban a déclaré en 1973 que “les Arabes ne manquent jamais une occasion de manquer une occasion”.
Cette litote s’est depuis transformée en un slogan anti-palestinien commun à Israël et à ses alliés, par lequel les Palestiniens sont dépeints comme rejetant perpétuellement des offres de paix.
Ce récit fabriqué de toutes pièces a également été adopté par les nouveaux alliés d’Israël dans le Golfe pour justifier la signature d’accords avec Israël.
En 2018, Mohammad Bin Salman d’Arabie saoudite aurait déclaré : “Au cours des dernières décennies, les dirigeants palestiniens ont manqué une opportunité après l’autre et ont rejeté toutes les propositions de paix qui leur ont été faites. Il est temps que les Palestiniens acceptent les propositions et acceptent de venir à la table des négociations ou se taisent et cessent de se plaindre.”
Un tel rejet de la responsabilité sur les victimes ne résiste pas à l’examen des faits. Au cours de plusieurs décennies et à travers divers sommets et tables rondes, l’OLP a accepté de nombreux compromis et propositions. Elle l’a fait sur la base de la solution à deux États, conformément à la résolution 242.
Israël, en revanche, n’a jamais fait de compromis.
Pourtant, ce récit continue de dominer le discours occidental, notamment en ce qui concerne l’échec des accords de Camp David en 2000, où l’on croit généralement qu’Arafat a refusé une offre très généreuse de l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak.
Cependant, comme l’ont révélé les négociateurs en 2001 : “A proprement parler, il n’y a jamais eu d’offre israélienne. Déterminés à préserver la position d’Israël en cas d’échec, les Israéliens se sont toujours arrêtés un, voire plusieurs, pas avant une proposition.”
Outre la mauvaise foi d’Israël et ses violations des accords existants et du droit international, il condamne systématiquement toute tentative des Palestiniens de défendre leurs droits et qualifie tout effort en ce sens en dehors du cadre imparfait des négociations bilatérales de mesures “unilatérales” qui “nuisent à la paix.”
3. Intimidation de la communauté internationale
Israël intimide non seulement les Palestiniens dans toute tentative de défense de leurs droits, mais aussi la communauté internationale chaque fois qu’il y a un tollé contre les violations des droits des Palestiniens par Israël.
En effet, Israël a développé une vaste campagne visant à délégitimer la lutte des Palestiniens pour leurs droits et à éviter toute responsabilité dans ses violations.
D’une part, il l’a fait en assimilant faussement la lutte palestinienne à de l’antisémitisme, ainsi qu’en criminalisant les mouvements et les personnes solidaires. Et d’autre part, il a très malhonnêtement accusé de terrorisme les défenseurs des droits des Palestiniens.
En décembre 2019, l’ambassadeur d’Israël à l’ONU Danny Danon a accusé la Cour pénale internationale (CPI) de capituler devant le “terrorisme diplomatique” des Palestiniens lorsqu’elle a décidé d’enquêter sur les éventuels crimes de guerre d’Israël en Palestine.
Lors du dernier assaut d’Israël sur Gaza en mai 2021, la communauté internationale a décrié son usage disproportionné de la force. En réponse, Israël a accusé le gouvernement chinois et le ministre des affaires étrangères du Pakistan d’ “antisémitisme flagrant”.
Il a également réprimandé l’ambassadeur de France en Israël pour une déclaration du ministre français des affaires étrangères selon laquelle Israël “risquait” de devenir un État d’apartheid, et a fait pression sur une université américaine pour qu’elle renvoie une étudiante diplômée qui avait critiqué Israël dans un cours.
Les États-Unis sont également impliqués dans ces brimades. Leur soutien indéfectible à Israël a contribué à faire échouer toute tentative de la communauté internationale de tenir Israël pour responsable de ses violations du droit international.
De 1972 à décembre 2019, au seul Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis ont opposé leur veto à 44 résolutions visant à condamner les actions illégales d’Israël. Cela a contribué à la culture d’impunité dans laquelle Israël baigne et agit aujourd’hui.
Se féliciter du soi-disant processus de paix, des négociations et de la “solution à deux États” ne fait qu’une opération de blanchissement des violations commises par Israël et de rejet de toute mesure de responsabilisation comme étant unilatérale.
Le piège des négociations bilatérales a permis à Israël de “réduire le conflit” en proposant des mesures économiques ou “concrètes” qui n’ont fait que renforcer la dépendance de l’Autorité palestinienne à l’égard de l’hégémonie israélienne, facilitant ainsi l’apartheid et l’entreprise coloniale.
Sortir de l’impasse des négociations fictives
Il est plus que temps que la communauté internationale reconnaisse que les Palestiniens ne renonceront pas à leurs droits fondamentaux qui sont ancrés dans les valeurs universelles de liberté, de justice et de dignité.
Fondamentalement, la communauté internationale doit reconnaître que sans un changement radical dans la dynamique de pouvoir existante, toute tentative d’amener les parties à la table des négociations ne fera que perpétuer l’agenda ethno-nationaliste d’Israël et la dépossession ininterrompue des Palestiniens.
Pour briser ce cycle, la communauté internationale doit :
* Reconnaître la futilité et l’inadaptation du cadre du PPMO, et se concentrer à la place sur un processus politique centré sur la réalisation des droits humains de tous. Pour le peuple palestinien, cela inclut les droits à l’autodétermination et au retour, ainsi que la sécurité face aux violations israéliennes continues.
* Soutenir les efforts du peuple palestinien pour se réapproprier son système politique, y compris lors de la dernière Intifada de l’Unité, afin d’aboutir à un consensus entre toutes les parties de la société, précurseur de la libération palestinienne.
* Soutenir les Palestiniens pour faire revivre et transformer l’OLP en un mouvement de libération avec une présence diplomatique dans le monde entier. Cela implique de soutenir le renoncement aux accords d’Oslo et le retrait de l’AP en tant que représentant politique du peuple palestinien.
* Tenir Israël pour responsable de ses violations flagrantes du droit international, y compris du droit humanitaire et des droits de l’homme. Elle devrait le faire en conditionnant et en mettant fin à l’aide militaire à Israël, en mettant fin au commerce de produits et de services provenant des colonies israéliennes – y compris en faisant pression sur d’autres États et entités pour qu’ils le fassent – en soutenant l’enquête de la CPI sur les crimes de guerre et en exigeant la fin du blocus israélien sur Gaza.
* Rejeter l’amalgame entre la critique d’Israël et l’antisémitisme. Cela implique de rejeter les tentatives d’Israël d’accuser de terrorisme les organisations de la société civile qui œuvrent à la défense des droits des Palestiniens, et de faire pression pour qu’il révoque ces désignations.
* Rejeter les accords de normalisation entre Israël et les États arabes comme moyen de maintenir l’avantage militaire qualitatif d’Israël dans la région.
Auteur : Inès Abdel Razek
* Inès Abdel Razek, membre d’Al-Shabaka, est conseillère en matière de coopération pour le développement durable, et plus particulièrement en ce qui concerne les politiques publiques et la coopération intergouvernementale.
Elle est titulaire d’une maîtrise en affaires publiques de Sciences-Po Paris. Elle a précédemment travaillé avec les Nations unies et d’autres institutions multilatérales et est actuellement basée à Ramallah où elle conseille le gouvernement palestinien.
Son compte twitter : @InesAbdelrazek.
31 octobre 2021 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine
Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…