Par Karine Bechet-Golovko
Ce qui est bien avec la Cour européenne des droits de l’homme, c’est que même quand la culpabilité de la Russie n’est pas établie, elle est quand même condamnée. L’affaire Estemirova, de l’assassinat de cette activiste de Mémorial en Tchétchénie en est la preuve : l’Etat russe, dont la culpabilité dans le meurtre est écartée, est condamné à payer 20 000 euros pour dommage moral à la soeur de la victime …
La CEDH vient de rendre un arrêt de chambre dans l’affaire sensible concernant l’assassinat de Natalia Estemirova, activiste travaillant à l’organisation Memorial (reconnu agent étranger par le ministère de la Justice russe) et ayant dénoncé des enlèvements et meurtres en Tchétchénie dans les années 2000. Evidemment, l’accusation était portée contre la Russie, comme Etat, qui devait s’être débarrassée d’une activiste se voulant « dangereuse pour le régime ».
Or, cette fois-ci, la CEDH n’a vraiment rien pu trouver impliquant des officiels russes :
« En particulier, elle a noté qu’une grande partie de ses preuves étaient des ouï-dire et qu’il n’y avait aucun signe de l’implication d’agents de l’État (l’enlèvement ne faisait pas partie d’une opération spéciale, aucun véhicule militaire n’avait été utilisé, il n’avait pas été perpétré en présence de policiers, etc.)«
Donc, il n’y a pas lieu d’accuser la Russie d’avoir porté atteinte à la vie de Natalia Estemirova. Mais, l’on ne peut pas s’arrêter en si bon chemin. La suite du raisonnement vaut le détour : comme la Russie n’a pas transmis une copie intégrale du dossier d’enquête (depuis quand la CEDH est-elle une instance de supervision des enquêtes pénales nationales ? Quid du secret de l’enquête ?), c’est qu’elle a quelque chose à cacher et comme le coupable prétendu n’a pas été déféré en justice, c’est que l’enquête n’a pas été bien menée. What else ? En tout cas, Sherlock devrait être fier de ses rejetons, c’est un parfait raisonnement tautologique, le doigt en l’air, pour sentir le sens du vent. Et pour sentir le sens du vent, les « juges » de la CEDH sont très doués …
Bref, la Russie n’étant pas responsable du meurtre de Natalia Estemirova, elle est condamnée à payer 20 000 euros de dommage moral à sa soeur – toujours logique … C’est la Russie, elle est bien coupable de quelque chose.
Toutefois, le verdict ne satisfait pas Memorial, qui tient absolument à ce que la Russie soit déclarée coupable du meurtre, qui ne peut qu’être l’oeuvre de Ramzan Kadyrov, qui avait soi-disant personnellement menacé Esterimova.
Ces activistes ont vraiment un problème existentiel – Navalny avec son « Poutine m’a tuer », Memorial avec Kadyrov … Quel intérêt si Esterimova avait été tuée, comme l’enquête le suppose, par Bachaev, qu’elle accusait. Trop simple ? Certes, aucun intérêt. Au fait, effectivement, comme le dit la CEDH, le coupable n’a pas été déféré en justice … car il a été tué lors d’une opération spéciale – le problème des terroristes étant qu’ils sont difficiles à prendre vivants.
Cette structure est une véritable caricature, qui n’a strictement rien à voir avec la justice.
Source : Russie politics
http://russiepolitics.blogspot.com/…