Par Karine Bechet-Golovko

Alors que les Etats-Unis et l’OTAN renforcent activement leur présence militaire aux frontières de la Russie, que le renseignement américain rend un rapport reconnaissant que la Russie ne veut pas d’un conflit militaire direct et est prête pour des relations pragmatiques avec les Etats-Unis, Biden propose à Poutine, lors d’un entretien téléphonique, d’organiser une rencontre sur un terrain neutre. Il est bien connu qu’un bon général est celui qui remporte la bataille avant de l’engager et ici Biden se sent pousser des ailes à la Reagan … Mais Poutine ne doit pas forcément avoir envie de jouer le rôle de Gorbatchev. L’histoire ne se répète pas toujours, surtout quand l’effet de surprise ne peut plus jouer.

Le contexte de l’intensification des pressions, diplomatiques et militaires, contre la Russie s’accompagne d’une proposition de Biden de rencontre avec Poutine – pour réguler les relations américano-russes et traiter des nombreuses questions sur lesquelles les positions stratégiques des deux pays sont non seulement divergentes, mais souvent incompatibles.

Comme le rappelle le ministre russe de la Défense, l’OTAN et les Etats-Unis renforcent leur présence militaire aux frontières du pays :

« L’OTAN serait sur le point d’acheminer des troupes à proximité de la frontière russe, a annoncé le ministre russe de la défense Sergueï Choïgou en conférence de presse le 13 avril, affirmant que 40 000 soldats et 15 000 unités et équipements militaires, y compris des avions stratégiques, étaient concernés, principalement dans la région de la mer Noire et de la Baltique. »

Il est vrai que déjà deux bâtiments américains, le Roosevelt et le Donald Cook se dirigent vers la mer Noire.

Par ailleurs, la rhétorique des Etats-Unis et de l’OTAN continue à faire de la Russie l’ennemi. Un ennemi aux portes de l’Europe, qui doit ainsi accepter – et remercier – la présence de ces troupes étrangères sur son territoire, qui sinon pourraient être appelées « d’occupation ». Au coeur de cette construction d’une menace russe, toujours l’Ukraine, à laquelle le secrétaire général de l’OTAN exprime le soutien de tous les pays membres de cette organisation militaire et rappelle que ce soutien n’est pas que théorique, l’Alliance tient un rôle central dans la formation et l’entrainement de l’armée ukrainienne.

De son côté, la Russie souligne avec justesse que cette politique menée par l’OTAN et les Etats-Unis, conduisant à la militarisation de l’Ukraine, avec ses centaines de conseillers et d’instructeurs, avec la construction de différents polygones militaires, en fait « un baril de poudre ».

Et tous en coeur de demander à la Russie de retirer ses troupes de la frontière russe. Car leur présence, présenterait en soi un risque d’escalade. Quand les troupes russes sont sur le territoire de la Russie. Alors que les troupes des pays de l’OTAN se trouvent en Europe et en Ukraine, à la frontière russe. Elles, manifestement, ne sont là que pour une promenade de santé et ne présentent donc, hors de leur territoire, aucun risque d’escalade. Soit.

Dans ce contexte pour le moins tendu, lors d’un entretien téléphonique entre Biden et Poutine, le Président américain, rappelant qu’il défendra toujours les intérêts de son pays et l’intégrité territoriale ukrainienne (ce qui fait manifestement partie des intérêts nationaux américains, tout comme l’Europe en général) propose une rencontre dans un pays tiers :

Selon la Maison Blanche, ce sommet a pour objectif de «bâtir une relation stable et prévisible avec la Russie» et de permettre aux deux pays de «discuter de toute une série de sujets».

Pour finir de poser le décor de cette proposition, il faut également rappeler que le renseignement américain a sorti un rapport sur les grandes tendances d’ici 2040, selon lequel la Russie ne voudrait pas d’un conflit direct avec les forces armées américaines et serait prête à des relations pragmatiques avec les Etats-Unis. Il souligne également sa capacité d’influence pour les 20 prochaines années, voire plus loin, même si ses capacités matérielles peuvent être réduites. Autrement dit, ce rapport reconnaît que la Russie est un acteur sur la scène mondiale :

 » Il est probable que la Russie demeurera une puissance perturbatrice pendant une bonne partie ou la totalité des deux prochaines décennies, même si ses capacités matérielles diminuent par rapport à d’autres grands acteurs », peut-on lire dans le rapport. « Les avantages de la Russie comportent une force militaire conventionnelle importante, des armes de destruction massive, des ressources énergétiques et minérales, une géographie étendue, des données démographiques et une volonté d’utiliser la force à l’étranger, qui lui permettront de continuer à jouer un rôle influent même après dans l’espace post-soviétique, et parfois plus loin. « 

Il semblerait que Biden se sente des airs de Reagan, qui tout en détestant l’Union soviétique et le communisme, et justement en raison de cela, a réussi à prendre dans sa toile Gorbatchev, lui donnant les clés pour détruire le pays de ses propres mains. Pourtant, l’on peut douter que Poutine se sente pousser des envies de Gorbi, sans oublier que le peuple russe, aujourd’hui, n’a plus aucune illusion sur le « miracle occidental » … 

Source : Russie politics
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