This photo released by the Syrian official news agency SANA, shows missiles flying into the sky near international airport, in Damascus, Syria, Monday, Jan. 21, 2019. In a very unusual move, the Israeli military has issued a statement saying it is attacking Iranian military targets in Syria. It is also warning Syrian authorities not to retaliate against Israel. (SANA via AP)
Par Eva Bartlett
Eva Bartlett est une journaliste et militante indépendante canadienne. Elle a passé des années sur le terrain à couvrir des zones de conflit au Moyen-Orient, en particulier en Syrie et en Palestine (où elle a vécu près de quatre ans).
Source : RT, 16 février 2021
Traduction : lecridespeuples.fr
Des missiles israéliens ont de nouveau ciblé la Syrie lundi. Généralement menées sous le prétexte de « viser des milices iraniennes / soutenues par l’Iran », les frappes d’Israël violent la souveraineté de la Syrie et violent le droit international.
Le chef d’état-major de l’armée israélienne s’est vanté d’avoir frappé plus de 500 cibles en 2020 seulement. Sachant que les défenses aériennes de la Syrie interceptent les missiles israéliens, il est clair qu’Israël a attaqué la Syrie de manière exponentielle plus de 500 fois l’année dernière, et un nombre incalculable de fois plus au cours des nombreuses années qu’Israël a bombardé la Syrie.
Ce dernier assaut contre la Syrie intervient après qu’un responsable iranien a précisé que toutes les forces iraniennes en Syrie étaient présentes à l’invitation du gouvernement syrien pour combattre les terroristes en Syrie. Cela s’applique bien sûr à tous les alliés de la Syrie, mais pas aux forces d’occupation illégales américaines et turques.
Pourtant, l’une des nombreuses ironies concernant les reportages sur la Syrie est que si la Syrie et ses alliés luttant contre le terrorisme sont régulièrement critiqués par les responsables israéliens et occidentaux, Israël et les pays occidentaux soutiennent depuis longtemps les terroristes en Syrie, affirmant qu’ils sont des « forces d’opposition », bien qu’ils fassent soit partie d’Al-Qaïda en Syrie, étroitement alignés sur eux, soit membres de factions tout aussi brutales, y compris même de Daech.
Si par extraordinaire les bombardements de routine d’Israël contre la Syrie sont rapportés dans les médias occidentaux, c’est avec la minimisation habituelle (et même la banalisation) des violations du droit international par Israël.
Un rapport de la SANA (Agence de presse arabe syrienne) sur les attaques du 15 février dit la même chose que la plupart des rapports précédents au cours des années, relevant l’agression israélienne et le fait que « les défenses aériennes de la Syrie ont intercepté les missiles et abattu la plupart d’entre eux ».
Le compte rendu de Reuters, faisant référence au rapport SANA, a mis l’agression israélienne entre guillemets, comme si les bombardements ne constituaient pas une agression. Peut-être que Reuters les considère comme des salutations de fin de la Saint-Valentin… Si vous tapez « agression iranienne » ou « agression russe » sur Google, vous verrez à quelle fréquence infinitésimale les guillemets sont utilisés dans ce cas-là.
Reuters ou des médias similaires ont-ils pris la peine de parler avec des civils terrorisés par ces attaques et par les nombreuses attaques israéliennes antérieures contre la Syrie ? Mentionneraient-ils jamais la composante psychologique des bombardements de nuit, ce qui est inévitablement le moment où Israël bombarde la majeure partie du temps ?
Peu probable. Leur récit est d’établir que les « milices iraniennes » s’emparent de la Syrie et constituent une menace pour Israël qui justifierait les bombardements incessants de l’état hébreu contre la Syrie.
Voir Frappes israéliennes en Syrie : l’Iran révèle l’étendue de ses pertes et menace Tel-Aviv
Qui sont les cibles des bombes israéliennes en plus des « milices iraniennes / soutenues par l’Iran » ?
Si les médias occidentaux rapportaient honnêtement les bombardements israéliens en Syrie, ils seraient forcés de reconnaître non seulement que des civils syriens, y compris des enfants, ont été tués dans ces bombardements, mais peuvent peut-être montrer le visage des victimes (comme cela se passe invariablement si elles sont israéliennes ou occidentales). Compte tenu de la fréquence des attaques israéliennes et de leur mépris pour les civils, il est probable que le nombre de civils mutilés ou tués par de tels bombardements ne soit pas faible.
Même dans les médias traditionnellement hostiles à la Syrie, on peut trouver des rapports de civils tués par les bombardements israéliens en Syrie.
Les médias occidentaux mentionnent parfois que des civils ont été tués, mais falsifient toujours ce point avec des justifications, disant par exemple qu’Israël « attaque périodiquement ce qu’il dit être une menace pour la sécurité israélienne en Syrie ».
En juin 2019, je me suis rendu à Quneitra, dans le sud de la Syrie. Me tenant près de la ville d’al-Baath, où vivent environ 2 000 civils, et à environ 4 km du plateau du Golan syrien occupé, les forces de sécurité locales ont parlé d’attaques israéliennes au cours des années précédentes et aussi juste environ deux semaines avant ma visite.
Alors qu’ils mettaient l’accent sur le fait que chaque fois qu’Israël attaquait, cela permettait aux terroristes (al-Nosra et d’autres groupes) d’avancer, l’autre conclusion était que les bombardements avaient lieu à proximité ou à l’endroit où vivaient des civils.
En juillet 2019, parmi les bombardements israéliens de routine en Syrie, il y a eu une attaque qui a tué au moins quatre civils, dont un bébé, en blessant beaucoup plus. Une mention faite par France 24 des attentats à la bombe fait état de six civils tués, dont trois enfants. Le rapport a pris soin de préciser également « pro-régime » pour les combattants tués, vocable lourdement chargé répandu dans les médias occidentaux.
Sur les attaques de ce jour-là, la BBC a titré : « Les avions israéliens ont frappé des cibles iraniennes à Homs et Damas ». La BBC a justifié, comme le fait la BBC, les bombardements israéliens par cette précition : « Israël attaque périodiquement ce qu’il dit être des menaces pour la sécurité israélienne en Syrie. » Si les civils tués étaient israéliens, on peut parier qu’ils auraient fait la une de la BBC et ne seraient pas enterrés dans une justification.
Plus récemment, le matin du 22 janvier 2021, Israël (violant l’espace aérien libanais) a bombardé la campagne de Tartous, Hama et Homs. Les bombardements ont fait au moins cinq morts dans une banlieue.
Dans un article écrit depuis Beyrouth et Gaza, l’AP a cité l’Observatoire syrien des droits de l’homme, très partial et hostile au régime, qui, de sa position éloignée au Royaume-Uni, a attribué la cause des décès à un missile de défense aérienne syrien. Les médias ont repris cette information en boucle.
Et bien que les grands réseaux de médias dominants disposent d’abondantes « sources anonymes », de « journalistes citoyens » et d’autres sources non identifiées et prétendument crédibles pour soutenir les allégations d’atrocités russes ou syriennes, lorsqu’il s’agit d’attaques par Israël, les États-Unis ou leurs alliés, ces réseaux sont étrangement à sec de sources et d’empathie pour les victimes.
Voir Pourquoi la Syrie ne riposte pas aux attaques israéliennes ? La réponse de Nasrallah
C’est ainsi que nous n’entendons jamais parler des tragédies personnelles qui accompagnent de tels bombardements.
En ce qui concerne les attaques du 22 janvier, la journaliste Vanessa Beeley s’est rendue à Kazu, Hama, qui, a-t-elle écrit, « a été touchée directement par quatre missiles qui ont atterri dans une rue résidentielle étroite ». Beeley a raconté comment cinq membres d’une famille déplacée d’Idlib ont été tués dans leur sommeil (l’un est décédé plus tard des suites de ses blessures). Et partageant des nuances horribles que vous ne trouverez pas dans les médias dominants occidentaux, elle a écrit :
« Hossam a été le premier à arriver sur les lieux et à voir les corps déchiquetés, écrasés par les débris de l’explosion. Il m’a dit qu’il avait trouvé plus tard le téléphone portable de la fille qui était venue de Tartous rendre visite à ses parents. Son mari avait appris la nouvelle de l’attaque et avait tenté de l’appeler, ignorant que sa femme avait été tuée aux côtés de leur fille. Hossam m’a dit qu’un membre de la famille dormait lorsque les éclats d’obus lui ont tranché le visage, arrachant la peau des os… »
Maintenant, imaginez s’il s’agissait de bombardements syriens tuant des civils et des enfants israéliens. L’enfer se serait déchaîné, et les médias pousseraient des cris à ce sujet 24h sur 24, 7 jours sur 7.
https://twitter.com/Ibra_Joudeh/stat; us/1145676529202028544
Victimes syriennes civiles de frappes israéliennes
Parce que certaines vies comptent, mais la plupart ne comptent pas, lorsqu’il s’agit de rapporter ce qui se passe en Syrie.
J’ai interrogé Beeley sur les allégations de l’Observatoire Syrien des droits de l’homme. Elle répondit :
« Tous les survivants de l’attaque que j’ai interrogés ont affirmé catégoriquement que quatre missiles israéliens ont visé les rues résidentielles étroites, tuant cinq membres d’une famille et blessant grièvement quatre autres parents vivant dans la même maison. »
Pourquoi cette hypocrisie est-elle importante ?
Peut-être que des gens vivant loin de la guerre en Syrie et inondés d’autres informations et nouvelles terribles se demandent pourquoi je parle de quelque chose qui s’est produit un million de fois (au sens figuré) auparavant, à savoir les bombardements israéliens en Syrie. Oui, ce ne sont pas des nouvelles sensationnelles, oui cela arrive régulièrement. Mais ça ne devrait pas être le cas. Voilà l’essentiel de mon propos. Et cela ne serait pas accepté si une nation occidentale était la cible.
Nous vivons en des temps bien au-delà de l’hypocrisie, où bombarder incessamment une nation souveraine, tuant des civils ce faisant, ne mérite aucun scandale, et encore moins aucune action de l’ONU ou d’autres actions contre l’agresseur.
Mais lorsqu’il s’agit des forces syriennes, russes ou iraniennes, combattre des terroristes désignés en Syrie justifie l’indignation des médias, les accusations de politiciens occidentaux et de l’ONU elle-même, et des sanctions cruelles contre les personnes touchées.
Alors pourquoi cette hypocrisie est-elle importante ? Parce que chaque fois qu’Israël bombarde la Syrie, il tue des civils, renforçant les groupes terroristes (qui tuent des civils) ou empêchant les forces combattant le terrorisme de le faire.
Et parce que les Syriens ne sont pas seulement des chiffres derrière les gros titres sur les combattants « soutenus par l’Iran ». Ce sont des gens foulés aux pieds depuis longtemps par Israël, par le soutien de l’Occident au terrorisme et par la complicité des médias.
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Source : Le cri des Peuples
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