Par Karine Bechet-Golovko
Radio Liberty continue son bras de fer avec la justice russe : alors qu’elle est financée par le Congrès américain et soutien tous les mouvements contestataires dans l’espace post-soviétique, elle a été classée « agent étranger » en Russie. Mais le marquage devant prévenir les visiteurs de leur site est invisible. Depuis 2017. 166 protocoles établissant la violation de la législation russe, 40 affaires examinées devant la justice, des amendes cumulées qui atteignent 11 millions de roubles. Pourquoi ce groupe refuse de faire savoir pour qui il travaille ? Parce que sinon, son activité perd tout son sens. Il est toujours important de savoir qui commande un discours, pour savoir ce que vaut ce discours.
Radio Liberty, financée par le Congrès américain, a été fondée en 1949, dans le cadre de la politique de containment lancée par les Etats-Unis contre l’URSS, afin de diffuser la propagande libérale sur les ondes dans les pays du Bloc de l’Est et les « conduire à la démocratie ». D’ailleurs, l’on peut encore lire aujourd’hui cette injonction à une mission politique, à l’égard des pays, qui ne tiennent pas la « bonne ligne » :
« RFE/RL’s mission is to promote democratic values and institutions and advance human rights by reporting the news in countries where a free press is banned by the government or not fully established. »
Son travail fut, du point de vue de ses sponsors, remarquable d’efficacité. Avec la chute de l’URSS, son activité n’a pas pris fin, elle s’est adaptée aux nouveaux contours géopolitiques, il aurait été dommage de se séparer d’un si bel instrument. Des projets locaux se sont adjoints à la ligne générale, inchangée, pour développer un discours destructeurs concernant certaines régions de Russie, avec par exemple « Sibyr.realy », « Krym.realy » ou encore « Sever.realy » et en général un discours d’opposition radicale en Russie sur d’autres plateformes, qui lui sont liées, comme la chaîne « Current time », le tout, évidemment, au nom de la liberté de la presse et du combat pour la démocratie et les droits de l’homme. Amen.
Avec l’augmentation de la pression médiatico-politique extérieure, la Russie a adopté, sur le modèle américain, une législation impliquant pour les structures (puis les personnes physiques en 2019) financées par une puissance étrangère et ayant une activité politique en Russie de s’enregistrer dans le registre des agents étrangers, de présenter ses comptes et de mettre un marquage clair permettant au public de comprendre qu’il s’agit d’un agent étranger et non d’une source nationale. C’est justement cette dernière obligation, qui pose le plus de difficultés à ces structures.
Si Radio Liberty s’est bien enregistrée et a promis de délivrer les justificatifs nécessaires lorsqu’en 2017 cette structure a été déclarée agent étranger, qu’elle a encore une fois déclaré en 2020 enregistrer une personne morale à part en Russie et remplir toutes les obligations découlant du renforcement de la législation en la matière, aucun marquage de quelque sorte que ce soit n’est visible sur sa page.
Et c’est volontaire. Radio Liberty veut bien que les pouvoirs publics aient accès à des informations, qui n’engagent en rien, mais le public, lui, ne doit pas savoir. Car, quand il voit des infos venant de « Krym.realy » ou de « Kavakaz.realy », il ne doit pas penser que ces infos sont sponsorisées par le Congrès américain. Il doit penser que ce sont des « journalistes indépendants », qui font leur travail et cherchent à les informer.
C’est justement pour cela que les amendes s’enchaînent depuis janvier 2021, qu’elles sont contestées, que le directeur du Département russe de Radio Liberty, Andrei Chary, déclarait que ces actions portent atteinte à la liberté professionnelle des journalistes. Le rejet est formulé contre l’obligation posée d’indiquer le statut d’agent étranger, puisque leur « liberté éditoriale » est soit disant garantie par la législation … américaine :
« Les normatifs de l’Agence de surveillance des télécommunications déforment le but de la communication, modifient la manière dont l’auditoire les perçoit. L’exécution de ces obligations créée un climat de méfiance et de rejet à l’égard de ces communications et documents« .
Autrement dit, Radio Liberty comprend parfaitement que la source du financement est un élément important dans l’établissement d’un rapport de confiance entre un auditoire et une source d’information. Et, dans ce cas, ils préfèrent cacher l’information, sinon ils perdraient la confiance de l’auditoire. Il est toujours important de savoir qui finance un discours …
Source : Russie politics
http://russiepolitics.blogspot.com/…