L’objectif initial pour 2019 était 2,3% : le résultat de l’exécutif est très largement insuffisant.
Par Maxime Combes
Mensongère, grotesque et indigne. Voilà comment faut-il caractériser l’opération de communication politique à laquelle se livrent Emmanuel Macron et Barbara Pompili quelques jours avant de présenter au Conseil des ministres leur loi climat qui détricote les propositions de la Convention citoyenne. L’exécutif s’auto-congratule alors qu’il reporte à plus tard de ce qui devrait être déjà fait.
En 2021, le 1er avril semble être tombé le dimanche 7 février. Du moins, c’est l’impression que l’on peut avoir à la lecture des tweets d’Emmanuel Macron et Barbara Pompili, et du communiqué de cette dernière qui se félicitent de la baisse de 1,7% des émissions de gaz à effet de serre en 2019. Un résultat qui serait « au-delà de notre objectif ». Voilà une contre-vérité qui n’a pour seule ambition politicienne que masquer la vacuité de la Loi climat qu’ils présentent en Conseil des ministres ce mercredi 10 février.
Rappel des faits. La loi sur la transition énergétique de 2015 et la première stratégie nationale bas carbone avaient fixé un budget carbone maximum pour la période 2019-2023. Celui-ci, hors secteur des terres, représentait alors 398 millions de tonnes de CO2 équivalent (Mt CO2eq) en moyenne annuelle pour cette période. Compte-tenu des émissions de GES atteintes en 2015 (soit 458 Mt CO2eq), cela signifiait qu’il fallait atteindre une baisse annuelle de 2,3% par an. Possible à condition de s’en donner les moyens.
Qu’ont fait Emmanuel Macron et Edouard Philippe (et pour partie Nicolas Hulot) depuis 2017 pour avoir des résultats tangibles dès 2019 ? Pas grand chose. Voyant qu’il était hors les clous, incapable de respecter ce budget carbone fixé par la loi, l’exécutif a décidé début 2020 de revoir tous les objectifs climatiques à la baisse. Au lien des 398 Mt CO2eq par an, c’est un budget carbone de 422 Mt CO2eq, en hausse de 6%, qui a été institué par la stratégie nationale bas carbone révisée de 2020. Soit à peine 1,5% de baisse annuelle. En 2020, l’exécutif a institué la procrastination en matière climatique : repousser à plus tard – quitte à la rendre improbable ou impossible – la réduction drastique des émissions de gaz à effets de serre.
De quoi se félicitent Emmanuel Macron et Barbara Pompili aujourd’hui ? D’avoir atteint en 2019 une baisse de 1,7%, soit à peine plus que leur pauvre objectif revu largement à la baisse il y a à peine d’un an. Ce qu’ils omettent de dire, bien sûr. Ainsi que de préciser que ce résultat est largement du à l’hiver très doux que la France a connu sur l’hiver 2018-2019. Cette communication est donc à la fois mensongère et grotesque. Indigne également quand elle provient de la ministre de l’écologie, celle qui est en charge de donner plus d’ambition à la politique climatique française.
Pourquoi est-ce problématique ?
- Cela revient à vouloir dire à l’opinion, qui ne sera dans doute pas dupe, que la France est sur la bonne voie, alors que ce n’est pas le cas : pourquoi s’empresser à transformer l’économie du pays si des mesures en demi-teinte sont suffisantes ?
- C’est mal connaître le défi climatique : en matière de réchauffement climatique, ce n’est pas le niveau d’émissions de GES à un instant T qui compte, mais le stock d’émissions relâchées sur une période donnée. La stratégie nationale bas carbone révisée de 2020 concentre les réductions d’émissions les plus fortes en fin de période et maximise donc le stock d’émissions de gaz à effet de serre qui sera relâché sur la période. Il faudrait faire tout l’inverse.
- L’exécutif cherche à masquer qu’il a vidé de sa substance et de leur cohérence les propositions de la Convention citoyenne dont le robuste travail aurait du guider la politique climatique française pour réduire de 40% les émissions de GES d’ici à 2030 : au lieu de cela, comme l’ont clairement indiqué le Conseil économique, social et environnemental, le Conseil National de la Transition Energétique ainsi que l’étude d’impact de cette loi climat, cette loi ne permet pas d’atteindre cet objectif ; au mieux, ce projet de loi permettra d’atteindre la moitié des réductions d’émissions prévues d’ici à 2030, soit bien trop peu.
Qui plus est alors qu’il faudrait rehausser cet objectif pour 2030 à 55% conformément au nouvel objectif européen, voire même au-delà de 65% selon de nombreux rapports scientifiques. Nous faisons face à un exécutif aux abois qui ne sait plus comment procéder pour tenter de sauver la face. Il foule aux pieds les propositions de la Convention citoyenne qu’il a lui-même institué pour atteindre un objectif de réductions d’émissions de GES qui ne sera pas atteint dans ces conditions.
C’est grotesque : quand on se fixe pour objectif de courir le marathon en 3h et que, dans les faits, on n’est pas sûr de le courir en 4h, ils est tout simplement ridicule de prétendre qu’on pourrait le courir en moins de 2h30 et faire partie du gratin mondial. C’est pourtant ce que font Emmanuel Macron et Barbara Pompili en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Sauf qu’il en va de notre avenir collectif.
Maxime Combes, économiste, en charge des enjeux commerce/relocalisation à l’Aitec. Auteur de « Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition » (Seuil, 2015).
Source : Le blog de Maxime Combes
https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/…