Par Norman Finkelstein
Journal de Norman Finkelstein, le 14 janvier 2021 (Trump a-t-il incité à la violence ?)
Source : normanfinkelstein.com
Traduction : lecridespeuples.fr
Les remarques de Donald Trump lors du rassemblement ayant précédé la mêlée au Capitole étaient-elles un exercice défendable de la liberté d’expression ? La réponse semble être non. Sans analyser la loi américaine sur le sujet, je note que le principe sous-jacent remonte à un passage de De la Liberté de John Stuart Mill. Mill, qui était aussi proche que possible d’un absolutiste de la liberté d’expression, a présenté une seule exception. Voilà ce qu’il dit :
Même les opinions perdent leur immunité lorsque les circonstances dans lesquelles elles sont exprimées sont de nature à constituer une incitation positive à un acte de violence. L’opinion selon laquelle les marchands de maïs sont les affameurs des pauvres, ou que la propriété privée est un vol, ne devrait pas être entravée lorsqu’elle est simplement diffusée par la presse, mais peut à juste titre encourir une punition lorsqu’elle est prononcée oralement devant une foule excitée rassemblée devant la maison d’un marchand de maïs, ou lorsqu’elle est répandue parmi la même foule sous la forme d’un tract.
Il y a quelques caractéristiques remarquables à l’exception de Mill :
- le discours est défendable ou non en fonction des circonstances : les mêmes mots diffusés dans un périodique ou sur le Web seraient des discours protégés par la liberté d’expression, alors que scandés devant une foule déchaînée, ils ne le seraient pas.
- les mots, s’ils sont prononcés devant une foule déchaînée, n’ont pas à viser directement une personne ou un lieu pour être un discours non protégé : les deux exemples que Mill donne sont des exhortations génériques, non dirigées contre des individus clairement identifiés (« les marchands de maïs sont… », « la propriété privée est… »)
Sur la base des critères de Mill, on aurait du mal à nier que M. Trump ait violé le discours protégé et incité à une émeute.
Alan Dershowitz —il n’est jamais clair, soit dit en passant, s’il tombe en disgrâce avec M. Trump ou à cause de M. Trump— a conseillé au Président de refuser de coopérer à une audience de destitution, de créer une impasse et de forcer l’affaire à être entendue avant le Cour suprême des États-Unis. C’est la conception de l’état de droit du professeur émérite de droit de Harvard : porter l’affaire devant un tribunal dont vous avez sélectionné les juges. Mais si ce scénario se jouait, les juges de la Cour suprême choisis par M. Trump devraient se récuser en raison d’un conflit d’intérêts clair : car si M. Trump était condamné, cela jetterait une ombre des plus sombres sur leurs propres nominations.
Si je peux me permettre un commentaire supplémentaire, c’est tout à fait savoureux de voir M. Dershowitz [dont la cabale à conduit au bannissement de Finkelstein de toutes les universités américaines, le privant de sa passion pour l’enseignement et de son gagne-pain] s’immoler lentement. Mais c’est encore plus délicieux de voir les rats qui ont chanté ses louanges alors qu’il était le professeur le plus expérimenté de la Harvard Law School —les Martha Minows, les Steven Pinkers, les Jeffrey Toobins…— quitter le navire en train de couler. Chacun prétend que M. Dershowitz est tout à coup un homme changé, le « célèbre avocat des droits civils » (comme aime à le désigner le New York Times) qui, malheureusement, a pris un mauvais tournant lorsqu’il a soutenu M. Trump ou s’est lié d’amitié avec Jeffrey Epstein.
Voir L’accusation d’antisémitisme, arme ultime des complices d’Epstein
Mais M. Dershowitz a-t-il déjà été avocat des droits civils ? En fait, sa seule prétention à défendre les libertés civiles était sa défense acharnée de la pornographie dans les années 60 et 70. Dans cette optique, la plupart de ses affaires très médiatisées défendaient des meurtriers et des agresseurs présumés de femmes : dans sa toute première affaire très médiatisée, M. Dershowitz a défendu deux membres de la Ligue de défense juive qui ont assassiné un secrétaire totalement innocent (il les a fait libérer) ; puis il y a eu Klaus von Bulow, qui aurait assassiné sa femme ; puis il y a eu O. J. Simpson, qui aurait assassiné sa femme ; puis il y a eu Mike Tyson, qui aurait violé son rencart. Entre ces affaires de « liberté civile », M. Dershowitz a défendu d’autres « victimes » telles que le rabbin Bernard Bergman, qui a torturé des résidents âgés de son empire de maisons de retraite, la milliardaire « Reine du Mal » Leona Helmsley, et —pas des moindres— il a témoigné personnellement dans les affaires défendant Israël contre des preuves concluantes et irréfutables de torture des détenus palestiniens. Rien de tout cela n’a gêné les Minow, les Pinker et les Toobin. Ce n’est que lorsque M. Dershowitz s’est éloigné du giron et est devenu trop copain avec M. Trump (probablement dans l’espoir d’obtenir une grâce présidentielle s’il était reconnu coupable dans l’affaire Epstein en cours contre lui) qu’il a été brusquement été déclaré persona non grata à Martha’s Vineyard [île du Massachussets fréquentée par la jet-set en été]. Cependant, les roues de la justice tournent lentement, mais elles tournent. Maintenant, M. Toobin, qui a dénoncé Edward Snowden dans les pages du New Yorker comme « un narcissique grandiose qui mérite d’être en prison », est tombé en disgrâce, non pour être le « narcissique grandiose » au nez morveux et au visage gras & laquais du pouvoir qu’il est, mais pour, eh bien, pour avoir « Toobiné » lors d’une conférence Zoom.*
Ma première pensée quand j’ai lu les choses choquantes et grossières que ces rustres de plébéiens pro-Trump ont faites dans le bureau de Nancy Pelosi était : Où était M. Toobin quand nous avions besoin de lui pour enseigner la bonne étiquette dans une salle de conférence ? Pendant ce temps, il a été rapporté que le rédacteur en chef du New Yorker David Remnick, qui était autrefois copain-copain avec M. Toobin, a maintenant rompu tous les liens avec lui. C’est à ça que servent les amis…
* L’Oxford English Dictionary définit le « Toobining » comme « une maladie rare, mais courante parmi les imbéciles juifs, originaires de Martha’s Vineyard, caractérisée par une envie irrésistible de se masturber lors des visioconférences ».
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Source : Le Cri des Peuples
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