Par Stefano Chiarini

17 janvier 1991, de l’envoyé du manifesto depuis Baghdad. Témoignage parvenu au journal sur une bande d’enregistrement après la première nuit de bombardement.

Il est 2h30 la nuit. Une flamme soudaine aux alentours de l’aéroport international de la capitale irakienne, suivie du crépitement de la DCA, réveille brutalement une ville déjà au comble de la tension. Tout le monde sait de quoi il s’agit. La guerre a commencé.

Le ciel s’illumine a giorno sur la ligne d’horizon, au-delà des palmiers et des lumières limpides des routes qui conduisent vers l’aéroport dans une des nuits les plus claires de ces semaines de tension. Des escadrilles de bombardiers américains arrivent de toutes les directions, suivis en vain par une défense contre-aérienne dont les projectiles écrivent des bandes rouges et jaunes dans la nuit comme une sorte de feux d’artifices, tragiques et mortels.

L’explosion des bombes et des missiles secoue le terrain sous la capitale de l’Irak et s’entend clairement jusque dans les solides refuges des grands hôtels, comme l’Al Rashid où est hébergée la presse internationale. Le bruit des bombes et de la DCA est assourdissant pendant toute la nuit, de deux heures et demi quasiment jusqu’à six heures.

En proie à la panique, les gens se précipitent dans les refuges le long des escaliers de l’Hôtel Al Rashid brusquement immergé dans l’obscurité la plus absolue.
Ascenseurs à l’arrêt, distribution de l’eau et de l’électricité interrompue. Certains hôtes de l’hôtel sont en pyjama, mais la majorité a préféré ne même pas aller se coucher en restant scruter avec angoisse le ciel de la première nuit après l’ultimatum, celle que tout le monde considérait comme la plus dangereuse.

Le sifflement de l’avion en piqué est immédiatement suivi d’énormes fracas et de langues de feu qui s’élèvent du ministère de la défense, de l’aéroport, des centrales de communication, de la tour des transmissions, tous objectifs frappés lourdement par les projectiles américains.

Le bombardement a un effet dévastateur, des dizaines d’incursions à intervalles de dix-quinze minutes de 2h30 jusqu’à l’aube. Et puis encore à 5 heures, à midi et en début d’après-midi et à la tombée du jour, vers 17 heures.


Frappé en plein coeur le ministère de la défense, où aurait été gravement blessé même le ministre irakien. On ne sait pas si c’est sérieux ou pas. Touchés aussi une raffinerie proche de la ville, le ministère de l’information, l’aéroport et tous les centres de communication du pays avec l’étranger.

Touchées aussi des zones civiles de la capitale.

On ignore le nombre de victimes, mais il devrait être plutôt élevé.

Plus de 400 attaques aériennes menées par les F15 étasuniens et par les avions anglais contre plus de 70 objectifs irakiens. Les missiles Cruise sont partis des navires ancrés au large du Golfe et se sont dirigés sur leurs objectifs. À Baghdad et dans les autres villes d’Irak ont été frappés industries, sites militaires et rampes de missiles.

 Dans les salles de l’Hôtel Al Rashid, depuis plusieurs heures isolé du reste du monde, un fonctionnaire du ministère de l’information tient vers l’heure du repas une brève et improvisée conférence de presse, en soutenant que 14 avions “ennemis” auraient été abattus (étasuniens, anglais et semble-t-il aussi français). Le fonctionnaire lance un appel par radio pour que la population ne fasse aucun mal aux pilotes qui se sont éventuellement éjectés avec leur parachute.

Avec le lever du jour la capitale irakienne retient son souffle et commence le compte à rebours vers une soirée et une autre nuit qui pourraient être encore plus tragiques que la précédente.

Tout le monde est resté à la maison ou dans les refuges environnants, très peu de passants. Puis en soirée, vers 17 heures, les sirènes hurlent à nouveau et tout le monde se précipite dans les refuges où on passera cette ultime et interminable nuit.

Édition de vendredi 15 janvier 2021 d’il manifesto

https://ilmanifesto.it/sotto-le-bombe-reportage-del-nostro-inviato-a-baghdad/

Traduit de l’italien par M-A P.

Source : M-A P.