Par Elijah J. Magnier
Le président vénézuélien Nicolas Maduro et son équipe ont mis fin au rêve du président Donald Trump de renverser le système démocratique au Venezuela par un coup d’État : le parti au pouvoir de Maduro a remporté une claire victoire avec 68% des sièges à l’Assemblée nationale. L’ »homme de Washington », Juan Guaidó, appartient désormais à l’Histoire, comme toute personne qui sert à faire pression pour que des forces étrangères interviennent dans son propre pays et, dans ce cas particulier, pour être de ceux qui demandent aux États-Unis de maintenir et d’augmenter les sanctions contre le Venezuela.
Maduro offre à la Russie et à l’Iran la possibilité de jouer un rôle dans l’arrière-cour des États-Unis, tant que le Venezuela tire un bénéfice de cette bataille internationale. La guerre « de basse intensité » menée par les États-Unis, par le biais de sanctions sévères, se révèle inefficace au Venezuela, et son échec ressemble déjà à celui d’autres régions du monde, en particulier au Moyen-Orient.
Pendant six ans, l’opposition vénézuélienne a détenu la majorité à l’Assemblée nationale, ce qui a permis au président Donald Trump de diviser la société vénézuélienne pour tenter de la retourner contre le président Maduro. Les États-Unis, l’Union européenne et 50 autres pays ont reconnu le député Guaidó autoproclamé président, un acte qui constitue une violation flagrante du droit international. Par contre, les 3/4 des 197 États actuellement reconnus par l’Organisation des Nations unies, avec parmi eux des puissances comme l’Inde, la Chine ou la Russie, reconnaissent le président élu, Nicolas Maduro. Quand les États-Unis ont envisagé d’utiliser la force militaire pour arrêter le Venezuela, la Russie a envoyé des conseillers militaires et des armes pour les avertir de se tenir à l’écart. Moscou a envoyé des avions SU-30 et des missiles S-300 au Venezuela. Certes ce n’est pas déterminant. En dernière instance, ce ne sont pas les armes qui pourraient arrêter les États-Unis, mais une politique de dissuasion : la Russie peut mettre en danger les intérêts américains dans des dizaines d’autres endroits du monde, si cet équilibre des pouvoirs n’est pas respecté.
L’Iran s’est joint à la Russie pour défier les États-Unis en envoyant au Venezuela plusieurs méga-pétroliers et des pièces détachées pour tenter de réparer les six raffineries paralysées par les sanctions américaines, notamment par le blocus sur les pièces détachées pour le pétrole et le gaz, la nourriture et les médicaments (mesures, rappelons-le, renforcées en pleine pandémie de coronavirus). Ainsi, la réserve de pétrole la plus riche du monde s’est trouvée paralysée par la guerre économique états-unienne.
Cette « guerre de basse intensité » utilisée par les États-Unis pour affamer les Vénézuéliens est la même politique que celle adoptée en Syrie, au Liban, en Palestine, en Iran et au Yémen et, en fait, partout où les États-Unis sont maintenant désobéis.
La Russie est soupçonnée d’investir au Venezuela sans tenir compte des gains ou des pertes financières, car le président Vladimir Poutine a décidé de redonner à la Russie sa place sur la scène internationale et s’est dressé face à l’éternelle volonté unilatérale d’hégémonie des États-Unis. La présence des Russes au Venezuela représente un énorme avantage pour Poutine face à toute administration états-unienne, car Moscou sera toujours considéré comme un ennemi pour la Maison Blanche.
Si Washington décide de se mouvoir ou d’agir sur un quelconque front (comme il l’a fait en Ukraine) ou dans tout autre pays considéré comme une question de sécurité nationale pour la Russie, Moscou peut avancer sur le front vénézuélien et accroître son soutien au gouvernement de Caracas.
La Russie et l’Iran sont présents en Syrie et coopèrent sur le terrain depuis cinq ans (2015-2020). Tous deux ont lutté ensemble contre le plan états-unien visant à renverser le président Bachar al-Assad et ont gagné la bataille. En Irak, les deux pays étaient également présents, offrant des renseignements et d’autres formes de soutien au gouvernement de Bagdad, afin de contrecarrer activement le plan états-unien visant à diviser le pays en trois sous-États.
Au Venezuela, Téhéran réagit en traversant les mers. La « République islamique » d’Iran met ses pas dans ceux de la Russie, en frappant Washington là où cela fait mal. Les États-Unis ont construit des dizaines de bases militaires autour de l’Iran et ont amené la plupart des pays du Golfe à normaliser leurs relations avec Israël, l’ennemi juré de l’Iran. Téhéran a répondu, non seulement en construisant un front d’alliés au Moyen-Orient, mais en soutenant le Venezuela, défiant Washington sur sa scène latino-américaine.
Les États-Unis ont toujours joué dans les arènes des autres pays, mais le Venezuela offre une occasion unique à la Russie et à l’Iran d’être présents dans l’arrière-cour des États-Unis.
La relation Iran-Vénézuela peut sembler plus opportuniste que stratégique. Elle a peut-être été déclenchée par la politique étrangère de Trump, en particulier ses sanctions sévères contre l’Iran, qui l’ont incité à trouver d’autres cartes à jouer contre cette administration américaine hostile. Cependant, le Venezuela devrait maintenant chercher à renforcer ses liens, en élevant ses relations avec l’Iran à un niveau stratégique.
Maintenant que le président Maduro contrôle la majorité de l’Assemblée nationale, il a prouvé qu’il était l’homme fort du pays. Il a complètement ignoré la marionnette états-unienne (Juan Guaidó) qui n’a pas réussi à renverser le président ni même à unifier l’opposition sous un même toit, malgré le soutien total des États-Unis et de l’UE.
Maduro a résisté en organisant une élection démocratique, en harmonie avec les aspirations des Vénézuéliens. Il n’est pas tombé dans le piège de jeter Guaidó en prison même si celui-ci s’est comporté en traître à la Nation (notamment en volant des actifs de l’État vénézuélien ou en appelant les forces US à intervenir dans le pays), préférant attendre le verdict des urnes. Le premier objectif de Maduro est d’essayer de résoudre la crise économique aiguë et la dévaluation de la monnaie locale, malgré les sanctions persistantes des USA. Le président vénézuélien doit maintenant tendre la main à ses proches alliés pour obtenir leur soutien et bâtir un pays autosuffisant pour la plupart des biens, qui ne dépende plus exclusivement du pétrole.
Nicolas Maduro continue d’envoyer des messages positifs au président élu Joe Biden, invitant la nouvelle administration à adopter une nouvelle politique à l’égard du Venezuela, même si, de l’avis général, Trump et Biden pourraient s’avérer n’être que les deux faces d’une même médaille en ce qui concerne la politique états-unienne à l’égard de l’Amérique latine.
En attendant, Maduro continue de bénéficier du soutien de l’Iran, qui envoie une grande flotte de pétroliers, et il est convaincu que Trump ne l’arrêtera pas en cours de route. L’Iran a déterminé que l’administration états-unienne devrait faire face aux conséquences de ses actes, en cas de confiscation de tout pétrolier traversant le détroit d’Ormuz, au cas où la marine US arrêtait un navire iranien en route vers le Venezuela.
Il est vrai qu’idéologiquement, le Venezuela socialiste et bolivarien n’a aucun lien avec l’idéologie de la « République islamique » d’Iran. Toutefois, les deux pays se trouvent dans une position similaire. Le Venezuela soutient la cause palestinienne et s’oppose à l’hégémonie de Washington. L’Iran considère la cause palestinienne comme une question prioritaire, ce qui lui permet de « rencontrer » le Venezuela dans son défi de la domination états-unienne. Il n’est pas nécessaire que les politiques socialistes et l’Islam se confondent : les deux nations sont réunies sous le parapluie de la résistance, ce qui a pour effet ultime d’alléger la pression politique de Washington sur l’Iran. Téhéran a trouvé une place dans l’arrière-cour des États-Unis, en envoyant un message clair qu’il n’est pas seulement un pays du Moyen-Orient qui attend la protection des États-Unis, comme la plupart des États du Golfe. Elle est devenue une puissance régionale qui doit être prise en compte lorsque les États-Unis développent leur stratégie dans la région.
L’auteur: le journaliste Elijah J. Magnier est un ancien correspondant de guerre et analyste politique qui a plus de 35 ans d’expérience dans la couverture du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). Il est spécialisé dans les reportages en temps réel sur la politique, la planification stratégique et militaire, le terrorisme et la lutte contre le terrorisme. Magnier a couvert un grand nombre des principales guerres et affrontements militaires dans la région, notamment l’invasion israélienne du Liban en 1982, la guerre Irak-Iran, la guerre civile libanaise, la guerre du Golfe de 1991, la guerre de 1992-1996 en ex-Yougoslavie, l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 et la guerre et l’occupation qui ont suivi, la deuxième guerre du Liban en 2006, ainsi que les guerres plus récentes en Libye et en Syrie. Il a vécu plusieurs années au Liban, en Bosnie, en Irak, en Iran, en Libye et en Syrie.
Traduction de l’anglais : Thierry Deronne
Source : Venezuela infos
https://venezuelainfos.wordpress.com/…