Par René Naba
قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: «اللهم بارك لنا في شامِنا، وفي يَمَنِنا». قالوا: «وفي نَجْدِنا؟». قال: «اللهم بارك لنا في شامنا، وفي يمننا». قالوا: «وفي نجدنا؟». قال: «هناك الزلازل والفتن، وبها يطلع قرن الشيطان».
(حديث نبوي، في صحيح البخاري)
Le messager de Dieu (Que la paix de Dieu soit sur lui) a dit: Oh Dieu, Bénissez nous en notre Cham (le Levant comprenant l’ensemble Syrie, Liban et Palestine) et notre Yémen également ».
Ils dirent: «Et en notre Najd ?»
Il dit: «Oh Dieu bénissez-nous en notre Cham et en notre Yémen».
Ils dirent: «Et en notre Najd?»
Ils lui ont dit: » Et notre Najd? »
Il dit: «Là-bas, jaillissent séisme et sédition, de là surgit la corne du démon».
Hadith prophétique de « Sahih Al-Bukhârî ».
Le fait est connu dans l’ensemble de la sphère musulmane.
Se fondant sur le Hadith prophétique rapportée par Sahih Al Bukhâri, Mohamad, le prophète de l’Islam, nourrissait de vives préventions à l’égard de la population du Najd en Arabie Saoudite, leur préférant les populations du Levant et du Yémen, paradoxalement, les cibles prioritaires de l’agressivité wahhabite dans le cadre de la «transaction du siècle», le bradage de la cause palestinienne, par une normalisation rampante avec Israël, en contrepartie de l‘exonération de la dynastie wahhabite de ses turpitudes et de la survie de son trône.
Le Najd est le centre du premier état saoudien en 1744. «Le cœur» du Royaume, selon l’expression de l’ancien ministre de la défense Sultan Ben Abdel Aziz. Situé dans le secteur central du pays, il est constitué de hauts plateaux d‘une altitude variant entre 762 et 1 525 mètres.
Sa partie orientale comprend plusieurs villages établis sur des oasis, tandis que le reste du plateau est occupé par des Bédouins nomades. Grâce à son alliance avec le prédicateur Mohamad Ben Abdel Wahhab, Mohamad Ibn Saoud fera du Najd, le centre du premier état saoudien en 1744, après sa écrasante victoire sur le clan rival d’«Al Watban». L’Empire ottoman reprendra le contrôle de la région en 1818, finalement reprise par Abel Aziz Ben Abdel Ar Rahman Al Saoud, entre 1899 et 1912. En 1932, le Najd devient une province du nouveau royaume saoudien.
Les principaux points:
- Entre le fondateur du Royaume et son petit fils, de fortes similitudes: Un comportement sanguin.
- A la fondation du royaume, les aspirants au pouvoir étaient au nombre de 3; De nos jours, ils sont sont au nombre de 270.
- Jadis l’arme de prédilection était le «merveilleux sabre aiguisé- Al Saïf al Amlah», désormais la scie.
Ci joint le récit de Jaafar Al Bakli
Adaptation en version française par René Naba, Directeur du site www.madaniya.info
Pour le locuteur arabophone, la version arabe.
Du Sabre à la scie à métaux: Voyage dans les entrailles de la dynastie wahhabite 1/2.
De fortes similitudes entre le fondateur du Royaume Abdel Aziz et son petit fils Mohamad Ben Salmane
Entre le fondateur du Royaume d’Arabie Saoudite, Abdel Aziz Al Saoud, et son petit-fils, de fortes similitudes existent. Le 1er grand point commun est leur comportement sanguin, Abdel Aziz en a fait preuve dans le processus d’édification du Royaume, le prince héritier Mohamad Ben Salmane dans la recomposition du pouvoir.
La lutte pour le pouvoir est la marque de fabrique de la dynastie wahhabite. La ligne de conduite du clan n’a pas tant visé à dégager un consensus qu’à imposer un fait accompli. Par la force.
La personnalité du gouverneur imposait sa marque au règne et au pays, et non le contraire, un cadrage du fonctionnement du pouvoir par le biais des institutions.
La Lutte pour le pouvoir au sein de la dynastie wahhabite
Le premier conflit: Mohamad Ben Saoud versus ses demi-frères: Thinyane et Machary.
Le premier conflit éclata entre Mohamad Ben Saoud et ses demi-frères Thinyane et Machary pour le partage du pouvoir. Par son alliance avec le prédicateur Mohamad Ben Abdel Wahhab, Mohamad Ben Saoud a monopolisé le pouvoir en 1744, purgeant par la force ce conflit familial.
Mohamad Ben Saoud nourrissait l’ambition de s’assurer un pouvoir durable et non de créer un état théocratique.
803- Le deuxième conflit: le triomphe d’ Abdel Aziz
A la mort de Mohamad un long conflit opposant ses enfants et ses petits-enfants au terme duquel Abdel Aziz Ben Mohamad s’empara du pouvoir en 1803.
Son fils Saoud, dénommé «Saoud le Grand», lui succéda. Mais sans descendance, le pouvoir fut alors dévolu à son neveu Abdallah qui régna jusqu’en 1804, date de la chute du 1er Royaume saoudien.
1804- Chute d’Ad Darhyah.
En 1804, l‘Egypte s’empare de la capitale du Royaume de l’époque, Ad Darhyah, la détruit. Elle réduit en captivité Abdallah et le déporte vers la Turquie, siège du Califat, où il sera décapité. Sa dépouille suspendue des jours durant au-dessus des rues d’Istanbul. Ses deux fils Turki et Thinyane engagèrent alors une féroce lutte de succession qui se termina par la victoire de Turki et la proclamation du 2eme Royaume saoudien sur le territoire du Najd.
Le règne de Turki Ben Abdallah dura neuf ans de 1821 à 1830, date à laquelle il a été assassiné, à son tour, par son neveu, Machary Ben Abdel Rahman, le fils de sa propre sœur, mais surtout fervent disciple du prédicateur Mohamad Ben Abdel Wahhab.
Machary gouverna le Najd jusqu’à son assassinat par Turki, petit fils du précédent souverain.
Il ressort de ces règlements de compte incessants que l’idéologie religieuse pèse peu dans la lutte pour le pouvoir, dont le moteur principal demeure le pouvoir en soi.
Faysal Ben Turki et le 3eme Royaume saoudien
Faysal Ben Turki succéda à son père et fondera le 3eme Royaume saoudien, scellant le règne de la famille Al Saoud de la lignée Abdel Aziz. Il s’est imposé par la force des armes, se proclamant gouverneur doté de pouvoirs absolus après sa conquête de Riyad en 1902.
EN 57 ans trois expériences réussies sur 14, soit moins du tiers des expériences. De 1744 à 1891, trois expériences de pouvoir ont été menées avec succès sur les 14 tentatives. La plupart d’entre elles ont été mises en échec par des assassinats, des guerres intestines ou des révolutions de palais.
La force brutale a été le moyen le plus couramment utilisé pour régler les conflits.
Le règne d’Abdel Aziz: la décapitation de 18 chefs de tribus rebelles en guise d’entrée en matière.
Abdel Aziz a repoussé les offres de ses cousins, connus sous la dénomination d’«Al Arayef», de récupérer la succession de leur grand-père le Grand Saoud par la conclusion de mariage inter-familiaux ou par des tentatives de séduction dolosive. Déboutés de leurs demandes, ses cousins ont déclenché alors un soulèvement au sein de deux grandes tribus «Al Ajmane» et «Al Hassassina», en 1908.
Abdel Aziz prit alors une mesure radicale pour mettre un terme à la sédition. Il s’empara des 19 chefs de tribus en décapita 18 d’une seule traite sur la place publique de la bourgade de Leila, 300 km au sud de Riyad et gracia le dernier en lui assignant la mission de porter témoignage auprès des habitants du Royaume du spectacle macabre auquel il a assisté et, par voie de conséquence de la détermination du Roi de traiter les rebelles. (Le récit de cette séquence est mentionné dans un ouvrage paru en 1934 par Harold Armstrong)
Mohamad Ben Salmane et le coup de filet du Ritz Carlton
Son petit-fils Mohamad Ben Salmane a emprunté les mêmes méthodes lors de son coup de filet contre les princes de la famille royale sous couvert de la «lutte contre la corruption».
Connue sous le nom «Ritz Carlton», le lieu de leur détention, cette opération a visé, le 4 novembre 2017, à éliminer ses principaux de la famille royale, notamment Moqren Ben Mansour, Sultan Ben Turki, Turki Ben Bandar et Saoud Seif Al Nasr et à l’incarcération de plusieurs d’autres princes, notamment Mout’ab Ben Abdallah, le fils de l’ancien Roi Abdallah et Chef de la garde nationale, le Prince Mohamad Ben Nayef, l’ancien Prince Héritier, le Prince milliardaire Walid Ben Talal, le Prince Abdel Aziz, le fils de l’ancien Roi Fahd.
Bon nombre d’entre eux ont été placés en résidence surveillée, une mesure assortie de l’interdiction de sortie du territoire et du gel de leurs avoirs bancaires.
Dans ce contexte, le dépeçage d’opposants n’est pas surprenant au sein de la dynastie wahhabite. Ce qui a pu surprendre est l’instrument utilisé. Jadis l’arme de prédilection était le «merveilleux sabre aiguisé- Al Saïf al Amlah», désormais la scie.
Abdel Aziz, un règne d’un demi-siècle.
Abdel Aziz a régné pendant un demi-siècle (1902-1953) exerçant un pouvoir autocratique absolu. Son petit-fils ambitionne de gouverner la Péninsule arabique avec les mêmes méthodes et pour la même durée, à en juger par les déclarations qu’il a faites lors de l’émission «Sixty Minutes» de la chaîne américaine CBS en date du 19 mars 2018.
Prétendants au début du XX me siècle, trois au début du règne de la dynastie wahhabite, contre 250 en 2019
Entre le fondateur et le petit-fils, il existe toutefois une différence de taille: Le nombre des aspirants au pouvoir, donc ces concurrents, a décuplé. Il en découle que la force brutale et la traîtrise trancheront l’issue de la bataille.
Sous Mohamad Ben Saoud, fondateur de la lignée, les concurrents étaient au nombre de trois. De nos jours, le nombre des aspirants parmi les fils et petits-fils serait au nombre de 250 princes.
Le nom de Mohamad Ben Salmane ne figurait pas parmi les principaux aspirants crédibles, qualifiés à accéder au trône. Deux des enfants du Roi Salmane avaient préséance sur lui: Abdel Aziz, ministre d’état chargé de l’énergie depuis avril 2017, et Sultan, Président de l’office général du tourisme et du patrimoine.
Entre le grand-père et le petit fils existe une différence de taille, là aussi: Abdel Aziz ambitionnait de fonder un royaume, Mohamad Ben Salmane, l’héritier du trône, vise à procéder à une recomposition du pouvoir à son bénéfice exclusif.
Le facteur extérieur: un élément déterminant de la lutte pour le pouvoir.
Le facteur extérieur est un élément déterminant dans la lutte pour le pouvoir en Arabie saoudite. Le Royaume Uni a joué un rôle primordial dans le conflit entre Abdel Aziz et «Al Ikhwane» (les Frères), proches du pouvoir religieux, à la bataille d’Al Sibla en 1929.
De même le Royaume Uni a joué un rôle central dans la «Révolution du Palais» qui a abouti à l’éviction du Roi Saoud et son remplacement par son frère Faysal, mettant ainsi un terme à cinq ans d’un règne absolu. Au pouvoir depuis 1953, Saoud a dû céder la responsabilité du gouvernement à Faysal en 1958, après un complot avorté qu’il avait ourdi pour assassiner le président égyptien Gamal Abdel Nasser en visite à Damas.
Entre les deux ambitieux, l’affrontement était inévitable: En 1963, Faysal a tiré profit de sa position à la tête du gouvernement pour assurer son emprise sur le reste du pays, déclenchant une riposte du Roi.
Saoud ordonnera le déploiement des troupes dans la capitale pour affirmer son autorité et exigera la démission de deux ministres et leur remplacement par deux membres «loyalistes»… à sa personne.
Le Royaume Uni est intervenu au paroxysme de la crise, faisant pencher la balance en faveur de Faysal, en procédant au renforcement considérable de la Garde Nationale Saoudienne, en vue de faire pièce à l’armée régulière.
Forte de 20.000 membres à l’époque, la Garde Nationale fait office de garde prétorienne du régime et de la famille royale. Recrutée au sein des tribus du Royaume, traditionalistes par définition, elle est désignée, à ce titre, sous le vocable de «Garde Blanche» ou d’Ikhwane.
Sous Saoud, encadrée par les Britanniques, la Garde Nationale a mené des offensives à l’intérieur de la Péninsule arabique et au delà.
A la demande du Prince Abdallah, à l’époque chef de la Garde Nationale, puis Roi ultérieurement, les Britanniques ont assuré le déploiement de la Garde Nationale en faveur de Faysal, veillant à la prise contrôle des points névralgiques du Royaume par ses partisans.
Sous Salmane, la présence du prince Mout’eb, fils du roi Abdallah, à la tête de la Garde Nationale, a été à l’origine de son éviction afin de brider son pouvoir et de prévenir sa nuisance.
La II me Guerre mondiale (1939-1945) a entraîné un bouleversement des données stratégiques de la zone. Le Royaume Uni a exercé une lourde tutelle sur l’Arabie saoudite au début du XX me siècle, dans la phase de fondation du Royaume et la découverte du pétrole. Elle a cédé la place aux États Unis depuis la conclusion du «Pacte de Quincy» entre le Roi Abdel Aziz et le président américain Franklin Roosevelt, en 1945. Sur ce lien, le Pacte de Quincy : https://www.renenaba.com/le-pacte-de-quincy/
Divergences entre la Maison Blanche et le Département d’état pour le choix du successeur du Roi Abdallah.
Le 23 Janvier 2015, Les Américains ont veillé à la transition du pouvoir en faveur de Salmane, prince héritier en titre mais affligé d’une lourde pathologie. Le département d’état, soutenu par le Conseil National de Sécurité, penchaient pour Mohamad Ben Nayef, ministre de l’intérieur, fort apprécié des Américains pour sa coopération dans la guerre contre le terrorisme.
Le débat a été tranché par Jared Kushner, gendre du président américain Doonald Trump, qui orchestra une révolution de palais en faveur de Mohamad Ben Salmane, contre Mohamad Ben Nayef, évinçant de la succession les enfants du Roi Abdallah: Mout’eb, chef de la Garde Nationale, et Moqren.
Deux autres fils du Roi Abdallah ont connu des fortunes diverses. Si Abdel Aziz Ben Abdallah a réussi à s’enfuir vers l’étranger, son frère Turki a, lui, joué de la malchance. Intercepté, il a été maintenu en détention faute d’avoir souscrit aux conditions de MBS pour sa libération: la renonciation à une part de sa fortune et à toute ambition politique.
Consacrer un pouvoir absolutiste en l’absence de tout partenariat avec les diverses composantes de la famille royale, sans le moindre compromis avec quiconque, par l’affaiblissement des traditionnels relais du régime, la répression du pouvoir religieux et des grands trusts commerciaux de structure familiale pour constituer la référence unique et ultime pour tout ce qui a trait à la gestion de l’État: tel était le plan que Mohamad Ben Salmane s’appliquait à mettre en œuvre en vue de garantir la pérennité de son pouvoir et celle de ses enfants……jusqu’au trébuchement de l’affaire Jamal Khashoggi.
Illustration
An electronic billboard shows an ad for Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman with the Twitter hashtag « #ANewSaudiArabia. » Getty Images
Source : Madaniya
https://www.madaniya.info/…