HRW
(Paris) – La décision du gouvernement français de dissoudre une association importante de lutte contre les discriminations menace des libertés et droits humains fondamentaux, notamment la liberté d’expression, d’association et de religion, ainsi que le principe de non-discrimination, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le 2 décembre 2020, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a tweeté que le Conseil des ministres avait notifié le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) qu’il était dissous par décret.
« Quelle que soit son intention, cette mesure risque de stigmatiser davantage les musulmans en France », a déclaré Kartik Raj, chercheur sur l’Europe de l’Ouest à Human Rights Watch. « Dissoudre une organisation qui soulève des préoccupations légitimes sur les préjugés à l’encontre des musulmans, c’est tirer sur le messager, au lieu de s’efforcer de régler le problème de discrimination existant. »
Le 19 novembre, Darmanin a annoncé sur les médias sociaux qu’il avait notifié le CCIF de l’intention du gouvernement de le dissoudre, lui donnant huit jours pour contester cette action devant un tribunal administratif. Dans les jours qui ont suivi, l’association a répondu à certaines allégations contenues dans la lettre du ministre, par écrit et via les médias sociaux, et annoncé le 30 novembre qu’elle s’était déjà volontairement et préventivement auto-dissoute à la fin du mois d’octobre. Dans son décret du 2 décembre, le gouvernement annonçait qu’il n’acceptait pas l’affirmation de l’association selon laquelle elle s’était dissoute volontairement.
Une représentante du CCIF a confirmé à Human Rights Watch que l’association comptait contester le décret auprès de la justice française. Elle a confirmé que l’association avait cessé de fonctionner et n’était plus en mesure de mener à bien les nombreuses cas – plus de 500 – sur lesquelles elle était en train de travailler.
Faisant usage du pouvoir que lui confère l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure, le gouvernement avance que les activités de l’organisation provoquaient ou propageaient des théories tendant à encourager ou justifier la discrimination, la haine ou la violence en se fondant sur l’origine, la nationalité, l’appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion d’une personne ou d’un groupe ; et qu’elle se livrait à des agissements visant à provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. Le fait qu’une organisation qualifie d’islamophobes des mesures antiterroristes ne devrait pas être assimilé à la diffusion ou au soutien à des idées pouvant donner lieu à des actes de haine, de discrimination ou de violence. Le raisonnement suivi dans le décret du 2 décembre suggère que la décision du gouvernement français se fonde sur cette confusion erronée et dangereuse.
Ces dernières semaines, Gérald Darmanin a qualifié le CCIF d’« ennemi de la République » et affirmé dans un tweet du 3 décembre que l’organisation avait « conduit avec constance une action de propagande islamiste ». D’autres ministres du gouvernement ont évoqué la nécessité de cibler les associations qu’ils accusent d’être « intellectuellement complices » de l’« islamisme radical », invoquant des concepts vagues comme le « séparatisme » et le « communautarisme » et affichant une interprétation agressive et clivante de la laïcité à la française.
Human Rights Watch, à l’instar d’autres organisations internationales et françaises de défense des droits humains, ainsi que d’avocats, a estimé quant à elle que le travail du CCIF était important dans l’analyse de l’impact discriminatoire de mesures antiterroristes.
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Photo : Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, prononce un discours sur l’état de la menace terroriste à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Paris, le lundi 31 août 2020. ©2020 Stephen de Sakutin, Pool via AP
Source : HRW
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